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07/02/2024 | FRANCE | N°23LY00416

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 07 février 2024, 23LY00416


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 1er novembre 2022 par lequel le préfet de l'Yonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2202921 du 29 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.



Pr

océdure devant la cour



Par une requête, enregistrée 2 février 2023, et un mémoire en réplique, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 1er novembre 2022 par lequel le préfet de l'Yonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2202921 du 29 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée 2 février 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 18 janvier 2024 qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Kadri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er novembre 2022 par lequel le préfet de l'Yonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et une carte de séjour temporaire et, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est père d'un enfant français mineur et contribue à son entretien et à son éducation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit toutes les conditions afin de se voir attribuer un titre de séjour sur ce fondement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 11 mars 1999, est entré irrégulièrement sur le territoire français, via l'Italie, le 30 août 2021. Par un arrêté du 1er novembre 2022, le préfet de l'Yonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père d'une enfant française née de sa relation avec une ressortissante française le 27 octobre 2022, soit quatre jours avant son interpellation et cinq jours avant la décision en litige, qui a été immédiatement placée auprès des services de l'aide sociale à l'enfance en urgence le 3 novembre 2022. Il ressort en outre du jugement en assistance éducative du juge des enfants du tribunal judiciaire d'Auxerre du 18 novembre 2022 qui, bien que postérieur à la décision attaquée, est de nature à révéler la relation que M. A... entretient avec son enfant depuis la naissance de celle-ci, que le requérant y est décrit comme " attentif et adapté à l'égard de sa fille ", a indiqué rechercher un appartement pouvant convenir à l'accueil de sa famille, et que le juge a par conséquent ordonné le placement de l'enfant avec ses parents dans un centre parental. Le requérant produit également plusieurs attestations de proches corroborant la réalité de la relation affective qu'il entretient avec son enfant. Compte tenu du très jeune âge de celle-ci à la date de l'arrêté attaqué, aucun élément, notamment la circonstance que certains des achats pour nourrisson ont été facturés au nom de sa compagne et non à son nom, ne permet d'opposer à M. A... le défaut de participation à l'entretien et à l'éducation de sa fille. En revanche, il résulte tant de la situation de la mère de l'enfant, qui est française et dont les trois premiers enfants sont également pris en charge par les services sociaux de l'aide à l'enfance, que du jugement de placement précité, que le lien entre l'enfant et son père, qui a démontré son intention de le maintenir, doit être protégé dans l'intérêt supérieur de cet enfant, et que l'éloignement du requérant y est par suite contraire. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et doit être annulée pour ce motif.

4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er novembre 2022 du préfet de l'Yonne.

Sur les conclusions en injonction :

5. L'annulation de l'arrêté contesté implique nécessairement que le préfet de l'Yonne procède à un réexamen de la situation administrative de l'intéressé, à la lumière des motifs de l'annulation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, et qu'il le munisse d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de l'Yonne de procéder à ce réexamen. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le préfet de l'Yonne. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté du 1er novembre 2022 du préfet de l'Yonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions du préfet de l'Yonne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de l'Yonne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00416
Date de la décision : 07/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-07;23ly00416 ?
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