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07/02/2024 | FRANCE | N°23LY00130

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 07 février 2024, 23LY00130


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'issue de ce délai.



Par un jugement n° 2200594 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision, conte

nue dans cet arrêté, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, enjoint au préfet de prendre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2200594 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision, contenue dans cet arrêté, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, enjoint au préfet de prendre une nouvelle décision relative au pays de destination, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée 13 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 septembre 2022 du tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 du préfet de Saône-et-Loire rejetant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans le délai d'un mois à compter la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation, dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

La décision portant refus de séjour :

- est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- est entachée d'une erreur de droit, le préfet n'ayant pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il fait état de circonstances exceptionnelles justifiant que le préfet fasse usage de son pouvoir de régularisation concernant son droit au séjour ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

La décision fixant le délai de départ volontaire :

- est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'éloignement ;

La décision fixant le pays de destination :

- est entachée d'une violation de la loi.

Le préfet de Saône-et-Loire, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de nationalité marocaine né le 2 août 1981, déclare être entré régulièrement en France le 17 janvier 2019 muni d'une carte de résident de longue durée-UE délivrée par les autorités italiennes le 27 juillet 2017 pour une durée illimitée. Le 9 octobre 2020, il a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain et, subsidiairement, de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 janvier 2022, le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon en tant que celui-ci, après avoir annulé la décision, contenue dans cet arrêté, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, et enjoint au préfet de prendre une nouvelle décision relative au pays de destination, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. ". En vertu du premier alinéa de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ". Aux termes de l'article L. 421-1 du même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ".

3. L'accord franco-marocain susvisé renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 de l'accord cité ci-dessus. Il en résulte que la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour portant la mention " salarié " prévue à l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 est notamment subordonnée, en vertu de l'article 9 de cet accord, à la production par l'intéressé du visa de long séjour mentionné à l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire français s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

6. En premier lieu, il convient, par adoption des motifs retenus par les premiers juges et qui ne sont pas utilement critiqués en appel ni assortis d'éléments nouveaux, d'écarter les moyens tirés d'une part, de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige, lequel a mentionné les circonstances de fait particulières entourant la situation de M. B... sans que le préfet soit tenu d'y faire figurer l'intégralité des éléments de fait lui permettant de retenir l'absence de circonstances spécifiques de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour, et d'autre part, de l'erreur de droit que le préfet aurait commise résultant d'un défaut d'examen de sa situation personnelle en lui opposant l'exigence d'un visa de long séjour, au regard notamment de sa possession lors de son entrée en France, d'une carte de résident de longue durée-UE, alors que la décision attaquée repose également sur d'autres motifs.

7. En deuxième lieu, si le requérant soutient qu'il a, avec son employeur, saisi le préfet d'une demande d'autorisation de travail et que les services de la préfecture ont indiqué, le 22 juillet 2020 par message électronique, que l'obligation de l'employeur de s'assurer de l'existence d'une autorisation de travail était réputée accomplie au terme du délai de deux jours après une telle demande d'autorisation, ainsi que l'article R. 5221-42 du code du travail le prévoit d'ailleurs, il est constant que M. B... a été embauché sans disposer de cette autorisation de travail ou d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, tels qu'exigés par les dispositions de l'article R. 5221-41 du même code, nonobstant sa bonne foi. S'il soutient qu'il constitue un élément indispensable pour son employeur avec lequel il a conclu un contrat à durée indéterminée dès lors qu'il intervient dans des quartiers dits " sensibles " et se prévaut d'une intégration professionnelle exemplaire en ce qu'il donne totalement satisfaction au sein de la société de nettoyage comme auprès du bailleur social et des habitants des immeubles au sein desquels il intervient, de tels éléments, ainsi que le tribunal l'a retenu sans se fonder uniquement sur l'absence d'autorisation de travail ou d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, contrairement à ce que le requérant soutient, ne permet pas de considérer qu'il justifierait de motifs exceptionnels de nature à conduire le préfet à mettre en œuvre son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

8. En troisième lieu, eu égard à ce qui est rappelé au point précédent et aux motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qui ne sont pas assortis d'éléments nouveaux en appel, il y a lieu d'écarter, par adoption de ces motifs, les moyens tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour sur la situation personnelle de l'intéressé, ainsi que, par suite, celui de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour dirigé à l'encontre de la décision d'éloignement, et de l'exception d'illégalité de cette décision d'éloignement à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire.

9. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté comme inopérant dès lors qu'une telle décision a été annulée par le jugement attaqué.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon, après avoir annulé la décision, contenue dans l'arrêté du préfet de la Saône-et-Loire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et enjoint au préfet de prendre une nouvelle décision relative au pays de destination, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Grenier.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00130
Date de la décision : 07/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-07;23ly00130 ?
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