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07/02/2024 | FRANCE | N°23LY00114

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 07 février 2024, 23LY00114


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays de destination de son éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; 3°) d'annuler l'arrêt

du même jour par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans le département pour un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays de destination de son éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; 3°) d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours ; 4°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros à son conseil, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui sera accordée, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2209199 du 12 décembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er), a annulé les décisions du 7 décembre 2022 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un ans (article 2), l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours (article 3), a mis à la charge de l'Etat le versement à la SELARL BS2A Bescou et Sabatier d'une somme de 900 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 5).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2023, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 12 décembre 2022 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant ce tribunal.

Elle soutient que :

- la magistrate désignée, qui ne pouvait tenir compte des garanties de représentation qui résultent d'un usage de faux document, a entaché le jugement attaqué d'irrégularité, d'erreur de fait et de droit, en annulant l'absence de délai de départ volontaire ; le risque de soustraction est avéré et M. A... ne justifie d'aucune circonstance particulière ;

- les moyens de première instance dirigés contre cette décision et contre l'interdiction de retour sur le territoire français sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2023, M. A..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier, agissant par Me Bescou, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par une décision du 5 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- et les observations de Me Sabatier pour M. A....

Considérant ce qui suit :

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision " Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) / 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité ".

2. M. A..., ressortissant tunisien né le 6 mai 2000, est entré irrégulièrement en France dans le courant de l'année 2021 et s'y est maintenu sans avoir sollicité de titre de séjour. Pour ce seul motif, il se trouvait dans le cas visé au 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque de soustraction à la mesure d'éloignement en litige. S'il possède un passeport en cours de validité et est titulaire d'un bail de location établi à son nom, la situation du requérant, qui réside en France depuis un an, ne dispose d'aucun lien familial en France, et dont le contrat de travail a été conclu de manière frauduleuse, ne révèle l'existence d'aucune circonstance particulière au regard de ces dispositions. C'est donc à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire comme procédant d'une inexacte application des dispositions citées au point 1.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et de la décision subséquente lui faisant interdiction de revenir sur le territoire pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours.

En ce qui concerne les autres moyens :

4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence des deux signataires des arrêtés en litige, moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées, auquel a déjà répondu le jugement attaqué, par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par la magistrate désignée.

5. En deuxième lieu, pour les motifs énoncés au point 2, et si M. A... soutient que la préfète de l'Ain aurait entaché la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire d'erreurs de de fait, il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision en se fondant sur les seules dispositions du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur son entrée irrégulière sur le territoire français, motif non entaché d'erreur d'appréciation pour prendre sa décision.

6. En troisième lieu, le jugement attaqué est définitif en ce qu'il a rejeté les conclusions de M. A... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français. Il en résulte que les moyens tirés de ce que le refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français devraient être annulées en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ne peuvent qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, M. A... qui s'est vu légalement refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre, n'établit l'existence d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour sur le territoire français à son encontre. Compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 2, et même en l'absence de menace pour l'ordre public, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée d'une année, serait entachée d'une erreur d'appréciation.

8. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision l'assignant à résidence devrait être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et le privant de délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... est la partie perdante en première instance. Par suite, la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a mis à la charge de l'Etat le versement à la SELARL BS2A Bescou et Sabatier d'une somme de 900 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a fait partiellement droit à la demande de première instance. Il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement attaqué et de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2209199 du 12 décembre 2022 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon auxquelles il a été fait droit en première instance, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY00114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00114
Date de la décision : 07/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-07;23ly00114 ?
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