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07/02/2024 | FRANCE | N°22LY00986

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 07 février 2024, 22LY00986


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le maire de Genas (Rhône) l'a radié des cadres et l'a admis d'office à la retraite pour invalidité à compter du 1er décembre 2020 ; 2°) d'enjoindre au maire de Genas de le réintégrer dans les services de cette commune et de reconstituer sa carrière ; 3°) de condamner la commune de Genas à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice financier qu'i

l estime avoir subi.



Par un jugement n° 2008529 du 2 février 2022, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le maire de Genas (Rhône) l'a radié des cadres et l'a admis d'office à la retraite pour invalidité à compter du 1er décembre 2020 ; 2°) d'enjoindre au maire de Genas de le réintégrer dans les services de cette commune et de reconstituer sa carrière ; 3°) de condamner la commune de Genas à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi.

Par un jugement n° 2008529 du 2 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er avril 2022 et 5 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Breslau-Bertoncini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le maire de Genas l'a radié des cadres et l'a admis d'office à la retraite pour invalidité à compter du 1er décembre 2020 ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Genas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délégation de signature du maire n'habilitait pas le signataire de l'arrêté en litige à le de radier des cadres ;

- l'arrêté du 17 novembre 2020 vise deux documents qui ne lui ont pas été transmis, à savoir le procès-verbal de l'avis de la commission de réforme datant du 28 mai 2019, qui n'est plus valable, et l'avis de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ;

- l'arrêté du 17 novembre 2020, qui a été pris sur la base du procès-verbal de l'avis de la commission de réforme du 28 mai 2019, pris lui-même sur la base de l'expertise du docteur A..., sans véritable analyse médicale, est illégal ;

- une décision de l'administration de mise à la retraite pour invalidité d'un agent de la fonction publique territoriale n'a pas un caractère irrévocable, de sorte qu'il doit pouvoir bénéficier d'une réévaluation de son état de santé ; l'arrêté du 17 novembre 2020 est, de ce fait, entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juin 2022 et 3 février 2023, la commune de Genas, représentée par la SELARL SDC Avocats, agissant par Me Dalle-Crode, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023.

Par une décision du 25 mai 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. B.... Le recours de M. B... contre cette décision a été rejeté par ordonnance du président de la cour du 15 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Da Costa, pour la commune de Genas.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B... relève appel du jugement du 2 février 2022 du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le maire de Genas l'a radié des cadres et l'a admis d'office à la retraite pour invalidité à compter du 1er décembre 2020.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 30 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 susvisé : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) ". Aux termes de l'article 31 du même décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. / (...) Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : 1. Donne son avis, dans les conditions fixées par le titre II du présent arrêté, sur la mise à la retraite pour invalidité des agents affiliés à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ingénieur territorial, a été recruté par la commune de Genas à compter du 1er septembre 2011 en tant que directeur du cadre de vie, puis muté comme chargé de mission auprès du directeur du cadre de vie à compter du 1er septembre 2015. Interpellée par son comportement, la collectivité a convoqué l'intéressé devant le médecin de prévention, le docteur A... ; qui a d'abord reconnu l'agent apte, puis finalement, le 27 mai 2016, inapte, de manière temporaire, à son poste. La commune de Genas a décidé, par un arrêté du même jour, son placement d'office en congé de maladie ordinaire à compter du 30 mai 2016, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental. Faute pour l'intéressé de s'être présenté aux rendez-vous successifs devant le médecin expert agréé, le comité médical départemental n'a pu rendre d'avis concernant sa situation, ce qui a justifié un arrêté du 25 avril 2017 portant suspension de sa rémunération à compter du 20 avril 2017. Compte tenu de l'épuisement de ses droits statutaires à congé de maladie ordinaire, M. B... a été placé en position de disponibilité d'office, par arrêtés successifs, dont le premier est intervenu le 22 juin 2017. Le comité médical départemental a rendu un avis d'inaptitude définitive à toutes fonctions dans sa séance en date du 7 septembre 2017. Au vu de l'avis non conforme du comité médical supérieur du 2 mai 2018, concluant à la nécessité d'une nouvelle expertise afin qu'un avis soit rendu sur le caractère temporaire ou définitif de l'inaptitude de M. B... et sur l'opportunité d'accorder un congé de longue maladie ou de longue durée, le comité médical départemental a rendu, le 6 septembre 2018, un nouvel avis, confirmant l'inaptitude permanente et définitive de M. B... à l'exercice de ses fonctions et de toutes fonctions, même en reclassement et invitant la collectivité à engager " une procédure de retraite pour invalidité dans les plus brefs délais ". M. B... a sollicité la saisine du comité médical supérieur qui a rendu le 18 décembre 2018 un avis conforme au comité médical. Par un arrêté du 11 janvier 2019, le maire de la commune de Genas a maintenu M. B... en disponibilité d'office, dans l'attente d'une décision d'admission à la retraite pour invalidité et l'a convoqué pour une expertise médicale. Le 28 mai 2019, la commission de réforme s'est prononcée au regard des conclusions du docteur A..., médecin psychiatre agréé, et a, à son tour, rendu un avis favorable à la retraite pour invalidité de l'intéressé. Le 10 novembre 2020, la CNRACL s'est prononcée favorablement à la mise en retraite pour invalidité de M. B.... Par l'arrêté attaqué du 17 novembre 2020, le maire de Genas l'a radié des cadres et l'a admis d'office à la retraite pour invalidité à compter du 1er décembre 2020.

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. D... C..., adjoint au maire. Contrairement à ce que persiste à soutenir le requérant en appel, aucune disposition n'imposait au maire de Genas de le signer lui-même. La délégation de signature dont disposait M. C... l'habilitait, en matière de ressources humaines, notamment, à signer les " courriers et actes liés à l'élaboration et l'instruction des dossiers de retraite ", et lui donnait dès lors compétence pour signer une décision de radiation des cadres et d'admission à la retraite.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du courrier du 8 mars 2019 adressé par la collectivité à M. B..., que le 1er mars 2018, un courrier recommandé avec accusé de réception lui a été adressé pour l'informer de l'avis rendu par la commission de réforme et que M. B... n'a pas réclamé ce pli. Alors que les dispositions de l'article 31 du décret susvisé du 26 décembre 2003 précisent que l'avis de la commission de réforme n'est communiqué au fonctionnaire que sur sa demande, il est constant que M. B... n'en a pas sollicité la communication. Dans ces conditions, la circonstance que cet avis, ainsi que l'avis précité du 10 novembre 2020 de la CNRACL, n'auraient pas été transmis à l'intéressé est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux.

6. En troisième lieu, au soutien de sa requête, M. B... critique la régularité de l'expertise du docteur A..., en se bornant toutefois à soutenir que cette expertise aurait eu lieu sans véritable analyse médicale, alors que ce médecin l'a examiné le 1er avril 2019 et s'est heurté, ainsi qu'il résulte de son rapport médical, à un refus de coopérer de la part de l'intéressé. Par ces seules allégations, le requérant n'en contredit pas sérieusement les conclusions.

7. En quatrième lieu, M. B... ne peut se borner à faire valoir la durée de dix-huit mois séparant l'avis de la commission de réforme et l'adoption de l'arrêté attaqué. Comme l'ont relevé les premiers juges, M. B... n'apporte aucun élément de nature médicale pour établir que, entre ledit avis du 28 mai 2019 de la commission de réforme et l'intervention de l'arrêté attaqué, un changement de situation aurait rendu nécessaire une nouvelle consultation de cette commission.

8. En cinquième et dernier lieu, la légalité de la décision qu'il appartient à l'autorité territoriale de prendre en vue du placement d'office d'un fonctionnaire à la retraite par anticipation, pour les motifs et, lorsqu'elles sont réunies, dans les conditions déterminées par les dispositions du décret du 26 décembre 2003 citées au point 2, s'apprécie au regard de l'ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n'auraient pas été communiqués à l'autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu'ils éclairent cette situation. Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité territoriale sur l'inaptitude définitive d'un fonctionnaire.

9. A la date du 17 novembre 2020, à laquelle a été prononcée la mise à la retraite pour invalidé de M. B..., l'autorité administrative s'est fondée sur plusieurs rapports concordants établissant son inaptitude totale et définitive. Les circonstances que le docteur A... a émis un avis favorable à la réévaluation de son état de santé le 12 janvier 2022 et que M. B... a repris une activité professionnelle dans le secteur privé en tant que conducteur scolaire depuis le 28 février 2022, postérieures de plus d'une année à sa mise à la retraite pour invalidité, sont insuffisantes pour contredire les rapports précités, qui ont conclu à son invalidité à titre définitif. Dans ces conditions, et alors comme il le soutient que la décision de mise à la retraite pour invalidité n'a pas nécessairement un caractère irrévocable, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le maire de Genas l'a radié des cadres et l'a admis d'office à la retraite pour invalidité à compter du 1er décembre 2020 serait entaché d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le requérant demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de la commune de Genas, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que présente cette commune au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Genas présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à la commune de Genas.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec La greffière,

Sandra BertrandLa République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00986


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00986
Date de la décision : 07/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-09-01 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Radiation des cadres. - Inaptitude physique.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL SDC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-07;22ly00986 ?
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