Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) au besoin après expertise ordonnée avant-dire droit, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 juin 2019 par laquelle le président de la communauté de communes de Bièvre Isère a refusé de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés successifs qui l'ont placée en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé ; 3°) d'enjoindre au président de la communauté de communes de Bièvre Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre, de la mettre dans une position statutaire conforme et de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 20 juillet 2015 ; 4°) d'enjoindre au président de la communauté de communes de Bièvre Isère de diligenter une convocation chez un médecin agréé pour fixer une date de consolidation et un taux d'invalidité ; 5°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Bièvre Isère une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1905018 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 1er avril 2022, Mme A... D..., représentée par Me Kummer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 janvier 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 26 juin 2019 par laquelle le président de la communauté de communes de Bièvre Isère a refusé de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre ;
3°) d'enjoindre au président de la communauté de communes de Bièvre Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre, de la mettre dans une position statutaire conforme et de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 20 juillet 2015 ;
4°) d'annuler les arrêtés successifs qui l'ont placée en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé ;
5°) d'enjoindre au président de la communauté de communes de Bièvre Isère de diligenter une convocation chez un médecin agréé pour fixer une date de consolidation et un taux d'invalidité ;
6°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise psychiatrique ;
7°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Bièvre Isère une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le lien direct entre sa pathologie et la situation professionnelle délétère dans laquelle elle s'est trouvée placée entre mai et juillet 2015 ne serait pas établi ;
- il n'y a pas d'antécédent antérieur ni d'autre circonstance détachable du service ;
- dans l'hypothèse où la cour s'estimerait insuffisamment informée, il conviendrait de procéder à une expertise médicale à confier à un psychiatre afin qu'elle puisse faire valoir ses droits à faire constater que la pathologie dont elle est affectée est imputable au service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, la communauté de communes de Bièvre Isère, représentée par la SELARL Itinéraires Avocat, agissant par Me Verne, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par Mme B... à l'encontre de la décision du 26 juin 2019 ne sont pas fondés : la pathologie dont souffre la requérante ne présente pas de lien direct avec le service ; en tout état de cause, le comportement de la requérante a été de nature à détacher la pathologie du service ;
- les conclusions dirigées contre les arrêtés successifs qui ont placé Mme B... en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé sont tardives et donc irrecevables ;
- les conclusions de Mme B... tendant à la reconstitution de ses droits sociaux et à rémunération sont irrecevables et infondées ;
- une expertise n'est ni utile ni nécessaire.
Par ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Kummer pour Mme B... ainsi que celles de Me Cwiklinski pour la communauté de communes Bièvre Isère.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., éducatrice de jeunes enfants, a été employée par la communauté de communes Bièvre Isère en qualité de directrice de crèche au centre Multi-Accueil " Le Pilotin ", situé à Sillans, d'août 2003 à juillet 2017. Elle a présenté des troubles anxio-dépressifs occasionnant des arrêts de travail ininterrompus à compter du 20 juillet 2015, et a sollicité le 28 septembre 2015 que cette pathologie soit reconnue imputable au service. Par un jugement du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour défaut de motivation en droit la décision du 30 janvier 2017 par laquelle le président de la communauté de communes Bièvre Isère avait refusé de reconnaître imputable au service cette maladie et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois. Dans le cadre de l'injonction de réexamen prononcée par le tribunal administratif de Grenoble, le président de la communauté de communes Bièvre Isère a opposé un nouveau refus d'imputabilité le 26 juin 2019. Mme B... relève appel du jugement du 25 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce nouveau refus d'imputabilité, et les arrêtés successifs qui l'ont placée en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé, jusqu'à sa mise à la retraite le 1er juillet 2017.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) ".
3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Mme B... impute ses troubles anxio-dépressifs à la situation professionnelle, selon elle, délétère dans laquelle elle s'est trouvée placée entre mai et juillet 2015, et qui a abouti à " la destitution de ses fonctions de directrice de crèche ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été alertée au mois de février 2015, par une psychologue extérieure à la collectivité, de faits de souffrance au travail affectant les agents de la crèche que Mme B... dirigeait, la collectivité a organisé le 11 février 2015 une réunion avec les agents travaillant au sein du multi-accueil Pilotin, puis un audit externe, réalisé par un intervenant extérieur, qui a confirmé l'existence de tensions relationnelles entre Mme B... et son équipe. Les conclusions de l'audit auraient été communiquées oralement à Mme B... au cours d'un entretien qui a eu lieu le 16 juillet 2015, élément déclencheur de sa maladie selon la requérante. Le président de la communauté de communes Bièvre Isère a décidé, dans l'intérêt du service, de changer l'affectation de Mme B..., ce dont elle a été informée par un courrier du 28 août 2015. Par un arrêté du 17 décembre 2015, il l'a affectée sur un poste d'éducateur de jeunes enfants " volant " à compter du 1er janvier 2016. Quand bien même elle a eu le sentiment d'avoir subi une attaque personnelle, comme l'indique l'expertise psychiatrique du 15 septembre 2016 diligentée par la commission de réforme, il ressort du jugement définitif n° 1600635 du tribunal administratif de Grenoble du 27 mars 2018, confirmant la légalité de ce changement d'affectation, que cette décision a été prise dans l'intérêt du service, pour mettre fin au climat délétère qui lui était directement imputable. Ce jugement relève que Mme B... a eu un comportement inadapté, soit à l'égard de certains agents, qui consistait à les contredire publiquement dans leur pratique professionnelle, à les dévaloriser et à entamer leur confiance en eux-mêmes, soit à l'égard de certains parents et d'enfants en faisant des remarques inappropriées, en faisant preuve d'une sévérité excessive à l'endroit de très jeunes enfants ou, au contraire, en les confrontant à un comportement ambivalent pour remettre en cause l'autorité des agents de la crèche. Par suite, et quand-bien même il n'a pas été sanctionné, le comportement de Mme B... constitue la cause déterminante de la dégradation et du caractère conflictuel de ses relations de travail. Il en résulte, alors même qu'elle n'avait pas d'antécédent à sa pathologie, que le syndrome anxio-dépressif dont elle souffre résulte d'un fait personnel conduisant à détacher la survenance de la maladie du service.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... ne disposait d'aucun droit pour être placée en congé de maladie imputable au service. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les des arrêtés successifs qui l'ont placée en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé devraient être annulés pour ce seul motif et par voie de conséquence.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la communauté de communes de Bièvre Isère ni d'ordonner une expertise, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Bièvre Isère, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de ladite communauté de communes présentées au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes de Bièvre Isère présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et à la communauté de communes de Bièvre Isère.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00970