Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand : 1°) d'annuler la décision implicite du maire du Pin rejetant son recours gracieux ; 2°) de condamner la commune du Pin à lui verser une indemnité de 13 463,20 euros.
Par un jugement n° 1901008 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars 2022 et 1er juin 2023, Mme B..., représentée par Me Roux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 janvier 2022 ;
2°) d'annuler la décision implicite du maire du Pin rejetant son recours gracieux ;
3°) de condamner la commune du Pin à lui payer la somme de 16 208 euros au titre des préjudices subis du fait du harcèlement moral et des nombreuses fautes commises par le maire de cette commune dans la gestion de sa position statutaire ;
4°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune du Pin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir communiqué son mémoire en duplique, enregistré au greffe le 1er janvier 2021, qui contenait des éléments nouveaux justifiant sa communication ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu le harcèlement moral.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars et 22 juin 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune du Pin représentée par la SELARL DMMJB Avocats, agissant par Me Bonicel-Bonnefoi, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par ordonnance du 6 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., adjointe d'animation employée comme directrice du centre de loisirs sans hébergement de la commune du Pin, relève appel du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ".
3. Si Mme B... expose que son mémoire en duplique, enregistré le 1er janvier 2021, n'a pas été communiqué à la commune du Pin alors qu'il comportait selon elle des éléments de nature à justifier sa communication, cette circonstance n'affecte en tout état de cause pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à l'égard de la requérante et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par celle-ci.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Lorsqu'un agent est victime, dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral visés à l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci.
5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
8. Pour soutenir avoir subi des faits constitutifs de harcèlement, Mme B... fait état d'une surcharge de travail, suivie d'une diminution de ses responsabilités, d'une mise à l'écart et d'un isolement, de remises en cause publiques de son travail par le maire et de la privation de ses outils de travail.
9. Il résulte de l'instruction que Mme B... a rencontré des difficultés à la rentrée scolaire de septembre 2017 avec des enfants perturbateurs D... et en a informé les élus. En janvier 2018, en raison d'une diminution d'effectifs, le contrat de l'animatrice qui travaillait avec elle n'ayant pas été renouvelé, elle s'est retrouvée seule à gérer et encadrer les enfants et assurer ses fonctions d'animation, ses missions administratives et à s'occuper de l'activité de la " ferme pédagogique " et ses animaux. Suite à la plainte de parents et à une réunion du conseil municipal du 26 janvier 2018, Mme B... a été sanctionnée le 31 janvier 2018 d'un " blâme ", reçu le 15 février 2018, pour la divulgation de noms de famille d'enfants dans des courriels adressés aux élus, la prise de photographies et de films à l'insu et sans l'autorisation des parents des enfants concernés, enfin " une mauvaise gestion des enfants à l'accueil de loisirs et un comportement inadapté qui entraînent une forte baisse de fréquentation ". A réception de cette sanction, signée du maire et des conseillers municipaux, qui sera finalement retirée pour vice de forme, Mme B... a été placée en arrêt de maladie à compter du 15 février 2018, renouvelé jusqu'au 31 mars 2018. Le 28 mars 2018, Mme B... a été reçue par le maire, en présence de deux de ses adjoints, et d'un représentant syndical, afin d'envisager sa reprise. Elle soutient qu'il a été décidé oralement qu'elle poursuivrait ses missions administratives mais que le maire lui aurait interdit à compter du mois d'avril 2018 d'être en contact avec les enfants et les parents. Cette version est corroborée par le témoignage de M. A..., qui l'accompagnait. Par un arrêté du 11 juillet 2018, la quotité de travail de Mme B... a été ramenée de 35 heures à 31 heures 30 par semaine. Parallèlement, un adjoint d'animation a été recruté. Mme B... a saisi le CHSCT par courrier du 21 septembre 2018. En octobre 2018, Mme B... a été reconnue apte à son poste et à travailler au contact des enfants par le médecin de prévention. Elle a été ainsi réintégrée sur son poste initial. Cependant, Mme B..., placée en congé de longue maladie à compter du 26 avril 2021, a présenté sa démission le 20 novembre 2021, et a par conséquent été radiée des effectifs de la commune du Pin à compter du 1er janvier 2022.
10. Si la commune du Pin n'établit pas, comme elle le soutient, que la baisse de la quotité de travail de Mme B... serait liée à la fermeture de la " ferme pédagogique ", la diminution des attributions de Mme B..., dans le contexte rappelé plus haut, et compte tenu des plaintes et témoignages d'enfants et de parents d'élèves relatives notamment à sa gestion inappropriée des relations avec les enfants, se justifiait, dans l'intérêt du service, quand bien même, selon la requérante, faisant valoir des témoignages en sa faveur ainsi que le résultat de l'enquête de satisfaction établie en avril 2017 concernant l'accueil de loisirs, de telles critiques de la part de parents d'élèves seraient infondées, la requérante n'ayant d'ailleurs pas été sanctionnée après le retrait du blâme qui lui avait été infligé.
11. Mme B... ne produit aucun élément de fait susceptible de corroborer l'existence de l'attitude vexatoire ou d'un comportement du maire excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, qui ne ressort notamment pas des échanges de SMS dont elle se prévaut.
12. Si Mme B... indique qu'elle aurait été privée de téléphone et d'ordinateur pendant plusieurs mois, la privation de ses outils de travail qu'elle prétend avoir subie n'est nullement étayée par des éléments produits au dossier.
13. Les seules circonstances que Mme B... a été, lors d'un congé de maladie, appelée par téléphone, et que la commune du Pin a signalé en tant que bailleur à la CAF un impayé de loyer ne suffisent pas à caractériser les faits de harcèlement, qui supposent des agissements répétés, dont elle se prétend victime.
14. Enfin, à supposer même que Mme B... puisse être regardée comme l'invoquant comme un fait générateur distinct de responsabilité, la requérante ne fait valoir aucun moyen dirigé contre le refus de protection fonctionnelle de nature à établir son illégalité et démontrer qu'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune du Pin aurait été commise.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la commune du Pin, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la collectivité présente au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune du Pin présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune du Pin.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de l'Allier en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00838