Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 janvier 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, sauf à être remise aux autorités italiennes.
Par jugement n° 2207532 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Armand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2022 ainsi que les décisions prises le 11 janvier 2022 par le préfet du Rhône ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure faute de saisine de la commission du titre de séjour dès lors qu'elle justifie d'une résidence habituelle en France depuis 2010 ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 621-1 du code précité ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention entre la République française et la République du Cameroun sur la circulation et le séjour des personnes signée à Yaoundé le 24 janvier 1994, et publiée par le décret n° 96-1033 du 25 novembre 1996 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- et les observations de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 8 décembre 1975, a sollicité le 11 décembre 2020, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par une décision du 11 janvier 2022, le préfet du Rhône a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, sauf à être remise aux autorités italiennes. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Selon les termes de l'article L. 435-1 de ce code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...). ".
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., le préfet du Rhône a notamment considéré que l'intéressée ne justifiait pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans dès lors que l'intéressée, entrée en France en 2009, était repartie en Italie en 2010 pour revenir en France en mai 2013 sous couvert d'un titre de séjour italien d'une durée illimitée délivré le 1er août 2011. Toutefois, Mme B... a produit en première instance l'ensemble de ses relevés bancaires sur la période courant de l'année 2012 à l'année 2021 et, en appel, ceux des années 2010 à 2012, faisant apparaître des opérations régulières, notamment des dépenses réalisées sur le territoire français, sur chacune de ces années depuis 2010. Ces pièces démontrent, ainsi qu'elle le soutient, qu'elle a résidé en France sur les années 2010 à 2012 tout en procédant à des voyages réguliers en Italie. Ces pièces sont suffisamment nombreuses et probantes pour justifier que Mme B... résidait habituellement en France entre 2010 et 2021, et ainsi, depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour devait être préalablement soumise pour avis à la commission du titre de séjour. Par suite, la décision de refus de titre de séjour en litige est entachée d'illégalité et doit être annulée.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et, le cas échéant, portant remise aux autorités italiennes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution du présent arrêt n'implique pas d'enjoindre à la préfète du Rhône d'admettre au séjour Mme B... mais seulement de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa demande en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2207532 du 27 décembre 2022 du tribunal administratif de Lyon ainsi que l'arrêté du préfet du Rhône du 11 janvier 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la demande de Mme B... et de la soumettre pour avis à la commission du titre de séjour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente et sans délai, de délivrer à Mme B... une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Armand la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Rhône.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.
La rapporteure,
V. Rémy-NérisLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01235
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