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01/02/2024 | FRANCE | N°23LY01197

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 01 février 2024, 23LY01197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années.



Par jugement n° 2207164 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté, par un article 2, sa demande.

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Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 5 avril 2023, M. C..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années.

Par jugement n° 2207164 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté, par un article 2, sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2023, M. C..., représenté par Me Ghanassia, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 9 mars 2023 ainsi que les décisions susvisées ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de deux jours suivant la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dirigée contre la mesure d'éloignement ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît son droit d'être entendu ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant nigérian né le 15 juin 1977, entré sur le territoire français en 2017 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile en préfecture de l'Isère le 23 janvier 2018. Le préfet de l'Isère a décidé sa remise aux autorités italiennes par un arrêté du 14 juin 2018 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juin 2018. La nouvelle demande d'asile qu'il a déposée a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 mars 2022. M. C... a été placé en garde à vue le 30 octobre 2022 pour des faits de violences sur conjoint. Par un arrêté du 31 octobre 2022, le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux années. Ce dernier relève appel de l'article 2 du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont répondu de façon très motivée au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dirigée contre la mesure d'éloignement aux points 10 à 13 de leur jugement. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer ou d'un défaut de motivation sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

4. L'arrêté en litige vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile notamment son article L. 611-1 5°), fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, et les articles L. 612-2 et L. 612-3 1°) du même code s'agissant de la décision lui refusant tout délai de départ volontaire ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi. Le préfet de l'Isère a fait état pour chacune des décisions des motifs de fait justifiant leur édiction en mentionnant les éléments afférents à la situation particulière de M. C... tant sur le plan administratif et familial que ses conditions d'entrée et de séjour en France. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions édictées sont insuffisamment motivées au regard des exigences des articles L. 613-1 et L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

6. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

7. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 cité au point 4, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, M. C... a été auditionné le 30 octobre 2022 par un officier de police judiciaire, a été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et a été mis à même de présenter des observations sur ce point. Il a notamment indiqué, s'agissant de sa vie privée et familiale, être célibataire et père de deux enfants dont il n'a pas la charge. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige a été édicté en méconnaissance de son droit d'être entendu.

9. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Isère a procédé à un examen complet de la situation personnelle du requérant. Il a notamment légalement fondé sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur le 1°) de l'article L. 612-3 du code précité dès lors que l'intéressé n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour à la suite du rejet de sa demande d'asile, ce qu'il ne conteste pas.

10. En quatrième lieu, M. C... réitère en appel ses moyens tirés de ce que l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 10 à 13 de leur jugement.

11. En cinquième lieu, si le requérant soutient pour contester cette décision que sa présence sur le territoire national ne constitue pas une menace pour l'ordre public, la décision lui refusant tout délai de départ volontaire ne repose pas sur un tel motif, contrairement à la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de délai de départ volontaire est à ce titre entachée d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

12. En dernier lieu, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté, en l'absence d'une telle illégalité.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY01197

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01197
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : GHANASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;23ly01197 ?
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