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01/02/2024 | FRANCE | N°23LY00722

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 01 février 2024, 23LY00722


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 29 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 2206358 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 22 février 2023, Mme C..., épouse B..., représentée par Me Kummer, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 29 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 2206358 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 février 2023, Mme C..., épouse B..., représentée par Me Kummer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 29 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte journalière de 150 euros, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il est entaché d'erreur de droit ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle relevait de plein droit du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et ne pouvait, à ce titre, faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de droit.

Mme C..., épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., épouse B..., née le 10 janvier 1975, de nationalité algérienne, est entrée en France, le 17 décembre 2016, sous couvert de son passeport, revêtu d'un visa de court séjour, valable du 15 décembre 2016 au 15 avril 2017. Le 14 avril 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par décisions du 29 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Mme C..., épouse B... relève appel du jugement du 24 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 29 juillet 2022.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, aux termes duquel : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5) Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

3. Il résulte de ces stipulations qu'elles ne visent pas le cas de l'étranger qui entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial. Ainsi, alors que la requérante invoquait le séjour régulier en France de son époux et que sa situation était ainsi susceptible d'entrer dans les prévisions de l'article 4 du même accord qui régit le regroupement familial, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en relevant que la situation de la requérante ne relevait en conséquence pas du 5) de l'article 6. De même, la seule évocation par le préfet du champ d'application de la loi ne saurait caractériser une erreur de fait au regard de la possibilité pour l'intéressée de pouvoir effectivement bénéficier de la procédure de regroupement familial, ni un détournement de pouvoir. Pour les mêmes motifs concernant le champ d'application du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, la requérante ne peut utilement invoquer sa méconnaissance.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. La requérante se prévaut de l'ancienneté de sa vie commune avec son époux ainsi que de la nécessité de rester à ses côtés en raison de son état de santé. Elle fait également valoir que son époux réside régulièrement en France, sous couvert d'une carte de résident algérien de dix ans, que les enfants et petits-enfants de ce dernier sont de nationalité française et ses ressources ne lui permettent pas de demander le regroupement familial à son bénéfice. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a vécu l'essentiel de sa vie en Algérie où elle n'établit pas être dépourvue de toute attache privée et familiale. Par ailleurs, l'intéressée ne fait état d'aucun obstacle à ce qu'elle puisse reconstituer sa vie familiale en Algérie, son époux étant de nationalité algérienne. Dans ces conditions, et alors même qu'elle se prévaut d'efforts d'intégration dans la société française, Mme C..., épouse B... n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et méconnaîtrait de ce fait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas plus fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu.

7. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

8. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

9. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 cité au point 3, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'appelante ayant présenté une demande de titre de séjour, la seule circonstance que la commission du titre de séjour n'ait pas été saisie, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, n'est pas de nature à permettre de la regarder comme ayant été privée de son droit à être entendue, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la requérante ne peut prétendre à l'attribution de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Elle ne peut, par suite, se prévaloir de ces stipulations pour prétendre qu'elle ne pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

12. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme C..., épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C..., épouse B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00722

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00722
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : KUMMER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;23ly00722 ?
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