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01/02/2024 | FRANCE | N°23LY00288

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 01 février 2024, 23LY00288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 3 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas renouvelé son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à cette obligation et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.r>


Par jugement n° 2202589 du 10 janvier 2023, le magistrat désigné par la présid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 3 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas renouvelé son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à cette obligation et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par jugement n° 2202589 du 10 janvier 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 1er, refusé d'admettre M. C..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, dans un article 2, donné acte du désistement des conclusions à fin de suspension de la décision du 3 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français et, dans un article 3, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2023, M. C..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que les décisions susvisées ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la première instance et la même somme au titre de la présente instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités dès lors que le premier juge a méconnu les dispositions de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en n'ordonnant pas à la préfecture de communiquer l'intégralité du dossier administratif sur la base duquel les décisions attaquées ont été édictées, qu'il n'a pas suffisamment motivé sa réponse aux conclusions présentées au titre de l'aide juridictionnelle provisoire et que la pratique consistant à refuser les demandes d'aide juridictionnelle provisoire révèle l'absence d'impartialité du tribunal au sens de l'article L. 231-1-1 du code de justice administrative ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et de son droit d'être entendu ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen dès lors que la situation de son enfant n'a pas été prise en considération par le préfet ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- l'état de santé de son fils mineur constitue une circonstance particulière justifiant qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui soit accordé ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour édicter cette décision à la suite du rejet de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que la situation de son enfant n'a pas été prise en considération par le préfet ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et de son droit d'être entendu ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour édicter cette mesure et que les critères mentionnés sont uniquement relatifs à la fixation de la durée de l'interdiction de retour et non son principe.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.

Par un courrier du 21 novembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions d'appel dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué dès lors que la demande d'aide juridictionnelle de M. C... a été rejetée par décision du 11 janvier 2023.

M. C... a présenté une réponse à ce moyen d'ordre public le 27 novembre 2023 et demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du président de la Cour sur le recours formé à l'encontre de la décision du 11 janvier 2023 lui refusant l'aide juridictionnelle en première instance.

Il soutient que l'article 62 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 est inconstitutionnel au regard de l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 qui promeut le droit à un recours effectif et inconventionnel au regard des stipulations de l'article 6§1 et de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution et notamment son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique, ayant été entendus au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien né le 15 décembre 1991, est entré en France le 2 mars 2022. Il a vu sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 26 août 2022. Il a formé un recours contre cette décision auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 octobre 2022. Par arrêté du 3 novembre 2022, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas renouvelé son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à cette obligation et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 1er, refusé de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, dans un article 2, donné acte du désistement des conclusions à fin de suspension de la décision du 3 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français et, dans un article 3, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Sur les conclusions dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) " et aux termes de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours. ".

3. En premier lieu, la décision statuant sur la demande d'admission provisoire ne dessaisit pas le bureau d'aide juridictionnelle qui, en toute hypothèse, doit ultérieurement se prononcer sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par le justiciable, avec la possibilité pour ce dernier d'exercer un recours contre sa décision. Si, en vertu de l'article 62, précité, du décret du 28 décembre 2020, l'admission ou le refus provisoire est insusceptible de recours, une telle circonstance ne prive pas le justiciable de la possibilité de bénéficier de l'assistance d'un avocat et, également, d'obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par ailleurs, la décision se prononçant sur la demande d'admission provisoire demeure sans incidence sur celle prise finalement par le bureau d'aide juridictionnelle, qui n'est pas lié par l'appréciation portée initialement. Ainsi, et alors que l'assignation à résidence est un cas d'urgence au sens de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, les dispositions de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020, qui ne méconnaissent pas le droit à un recours effectif et les droits de la défense, ne sont de toutes les façons pas contraires aux stipulations des articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

4. En second lieu, la décision par laquelle le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a refusé d'admettre M. C... à l'aide juridictionnelle à titre provisoire étant insusceptible de recours, les conclusions d'appel tendant à l'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées, la circonstance que l'intéressé ait exercé un recours contre la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 11 janvier 2023 rejetant sa demande d'aide juridictionnelle étant sans incidence sur cette irrecevabilité.

Sur l'appel en tant qu'il est dirigé contre les articles 2 et 3 du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

5. D'une part, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. (...) "

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C... avait, dans sa requête introductive d'instance, demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en application des dispositions précitées, d'enjoindre à l'administration de communiquer l'entier dossier sur la base duquel a été pris l'arrêté litigieux. Contrairement à ce que soutient le requérant, de telles conclusions ne doivent pas s'analyser comme des conclusions à fin d'injonction auxquelles le premier juge n'aurait pas répondu mais comme une demande de communication de pièces présentée au cours de la procédure contentieuse. Il ressort à ce titre des pièces du dossier de première instance qu'après demande en ce sens du magistrat désigné, le préfet du Puy-de-Dôme a communiqué au tribunal administratif l'ensemble des pièces sur la base desquelles l'arrêté attaqué a été pris et qui, contrairement à ce qu'allègue le requérant, le concerne bien. Au moyen de l'application Télérecours, le greffe du tribunal a communiqué ces pièces au requérant, par l'intermédiaire de son avocat, qui en a accusé réception le 4 janvier 2023. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le premier juge aurait méconnu les dispositions de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou aurait entaché son jugement d'une omission à statuer.

7. D'autre part, la circonstance évoquée par le requérant tirée de ce que le tribunal " rejetterait les demandes d'aide juridictionnelle provisoire hors cas d'urgence " ne saurait révéler une absence d'impartialité du tribunal dès lors que l'application de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle peut conduire la juridiction à rejeter la demande qui lui est présentée. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité à ce titre.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

9. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

10. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 cité au point 8, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

11. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait été, à un moment de la procédure, informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français ou mis à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. Dans ces conditions, le préfet du Puy-de-Dôme a entaché ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur ledit territoire d'irrégularité.

12. Le requérant soutient que l'état de santé de son fils mineur n'a pas été pris en compte par le préfet. Toutefois, l'unique certificat médical daté du 9 mars 2022 produit par M. C... indique que son enfant âgé de trois ans est né prématurément et qu'il présente un trouble de l'équilibre et un trouble sévère de l'oralité avec un retard massif de langage sans trouble autistique évident nécessitant une prise en charge orthophonique. Les éléments produits ne démontrent pas que l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Géorgie, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement et d'un suivi médical approprié. Le préfet du Puy-de-Dôme n'a, dès lors, pas effectivement privé l'intéressé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Il suit de là que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir du principe de bonne administration et à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français prises à son encontre seraient intervenues en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu et, en tout état de cause, du principe du contradictoire. En outre, et tout état de cause, les dispositions du 9°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'appliquent pas à l'enfant mineur d'un demandeur mais à lui-même.

13. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les éléments médicaux produits par le requérant ne permettent pas d'établir que l'absence de soins concernant l'état de santé de son fils mineur serait susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'en tout état de cause, il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un suivi médical effectif en Georgie. Il n'est pas ainsi établi que l'éloignement de l'intéressé du territoire français, et alors que son épouse, Mme D..., fait l'objet de la même mesure, porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce que la décision susvisée serait entachée d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen dès lors que la situation de son enfant n'a pas été prise en considération par le préfet ne peuvent qu'être écartés.

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :

14. L'obligation de quitter le territoire français opposée à M. C... n'étant pas illégale, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision susvisée serait illégale pour défaut de base légale.

15. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. "

16. En se bornant à produire une ordonnance du 22 juin 2022 indiquant que l'état de santé de santé de son fils mineur nécessite une prise en charge en kinésithérapie et une " hospitalisation longue de plusieurs mois " sans aucune autre précision ni pièce corroborant cette affirmation, M. C... ne justifie pas de circonstances particulières nécessitant l'octroi d'un délai supérieur à trente jours. Par suite, le préfet du Puy-de-Dôme, en fixant à trente jours le délai de départ imparti à ce dernier pour quitter volontairement le territoire français, n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

17. Compte tenu de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à M. C..., ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

18. Il ne ressort pas des termes de la décision contestée que le préfet du Puy-de-Dôme se serait cru lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, M. C... n'est pas fondé à soutenir que par la décision contestée le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

20. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à M. C... ayant été écartés, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

21. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

22. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

23. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

24. Il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le préfet du Puy-de-Dôme se serait cru lié par l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français également prise à l'encontre de M. C... pour édicter l'interdiction de retour en litige dès lors qu'il a justifié tant du principe que de la durée de cette interdiction au regard des critères visés à l'article L. 612-10 précité, critères qui, contrairement à ce que soutient l'intéressé, permettent en l'espèce de justifier du principe et de la durée de cette interdiction prononcée à son encontre.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du président de la Cour sur le recours formé à l'encontre de la décision du 11 janvier 2023 refusant d'accorder l'aide juridictionnelle au requérant, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions édictées le 3 novembre 2022 à son encontre par le préfet du Puy-de-Dôme. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00288

ke


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00288
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-06-05-09 PROCÉDURE. - JUGEMENTS. - FRAIS ET DÉPENS. - AIDE JURIDICTIONNELLE. - ADMISSION PROVISOIRE À L'AIDE JURIDICTIONNELLE PRÉVUE PAR L'ARTICLE 20 DE LA LOI N° 91-647 DU 10 JUILLET 1991 RELATIVE À L'AIDE JURIDICTIONNELLE - ARTICLE 62 DU DÉCRET DU 28 DÉCEMBRE 2020 PORTANT APPLICATION DE LA LOI N° 91-647 DU 10 JUILLET 1991 - POSSIBILITÉ DE RECOURS CONTRE LA DÉCISION STATUANT SUR LA DEMANDE D'ADMISSION PROVISOIRE - ABSENCE.

54-06-05-09 Les dispositions de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 qui ne méconnaissent pas le droit à un recours effectif et les droits de la défense, ne sont de toutes les façons pas contraires aux stipulations des articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;23ly00288 ?
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