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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY03813

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 01 février 2024, 22LY03813


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2205587 du 17 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire en

registrés le 21 décembre 2022 et le 5 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Albertin, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205587 du 17 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 décembre 2022 et le 5 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Albertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 1er août 2022 de la préfète de la Drôme ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Drôme, en cas d'annulation de l'arrêté pour un motif de forme, de réexaminer sa situation, et en cas d'annulation de l'arrêté pour un motif de fond, de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, en le munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros HT à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- dès lors qu'il était en mesure de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Drôme ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour sans avoir saisi la commission du titre de séjour conformément à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour en se fondant sur des éléments qui n'ont pas été portés à sa connaissance et en rejetant sa demande dès le 1er août 2022 alors qu'elle lui avait accordé jusqu'au 8 août 2022 pour produire un nouveau contrat de travail, la préfète de la Drôme a été déloyale et a méconnu son droit d'être entendu, tel que protégé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions combinées des articles L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 5221-5 du code du travail et de la circulaire du 12 juillet 2021 dans la mesure où, ni la signature d'un contrat de travail en apprentissage, ni un contrat court en intérim ne nécessitent d'autorisation de travail et que son contrat d'apprentissage avait été rompu de façon irrégulière ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le Traité sur l'Union européenne ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 2 juin 2003, est entré en France, selon ses déclarations, le 20 octobre 2019. Il a alors bénéficié d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance. Il s'est vu délivrer le 3 août 2021 un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire, sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, désormais repris à l'article L. 435-3 de ce code. Il a sollicité en juillet 2022 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er août 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

2. En premier lieu, le refus de titre de séjour mentionne les considérations de droit et les éléments de fait sur lesquels la préfète s'est fondée pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour. Si l'arrêté ne précise pas que M. A... avait retrouvé un emploi après la rupture de son dernier contrat d'apprentissage, le défaut de mention d'une telle circonstance est sans influence sur le caractère suffisamment motivé de la décision, cet élément ayant été nécessairement pris en compte par la préfète de la Drôme qui a refusé la demande de renouvellement de titre de séjour au motif que M. A... ne justifiait ni avoir déposé une demande d'autorisation de travail, ni disposer d'une telle autorisation.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ".

4. La décision par laquelle la préfète de la Drôme a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas une mesure entrant dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir à l'encontre du refus de titre de séjour qui lui a été opposé de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par un principe général du droit de l'Union européenne ni invoquer l'article 41 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne s'adresse pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par ailleurs, aucune disposition ni aucun principe général du droit ne fait obstacle à ce que l'administration, lorsqu'elle statue sur une demande de délivrance d'un titre de séjour par un étranger, fonde sa décision, sans en informer au préalable l'étranger, sur des éléments qu'elle a recueillis au cours de l'instruction de la demande. Enfin, si l'administration avait donné jusqu'au 8 août à M. A... pour produire un nouveau contrat de travail et a édicté l'arrêté dès le 1er août, le refus de titre de séjour ne se fonde pas sur l'absence de production d'un tel contrat. M. A... ne justifie pas qu'il aurait été en mesure, avant cette date, de produire un nouveau contrat de travail. L'administration disposait, lorsqu'elle a pris la décision en litige, du contrat d'intérim signé par l'intéressé le 11 juillet 2022. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en se fondant sur des éléments qui n'ont pas été portés à sa connaissance et en rejetant sa demande dès le 1er août 2022 alors qu'elle lui avait accordé un délai jusqu'au 8 août 2022 pour produire un nouveau contrat de travail, la préfète de la Drôme a été déloyale et a méconnu son droit d'être entendu doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...) se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". L'article L. 432-2 de ce code dispose que : " Le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à l'étranger qui cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations. " Selon l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. / L'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. (...) ". Selon l'article R. 5221-1 du code du travail, tout nouveau contrat de travail fait l'objet d'une demande d'autorisation de travail.

6. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. A..., sur le fondement de l'article L. 421-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Drôme s'est fondée sur le motif tiré de ce que M. A... ne produisait pas l'autorisation de travail prévue par l'article L. 5221-2 du code du travail ni ne justifiait qu'une demande d'autorisation de travail ait été souscrite par son employeur dans les conditions prévues aux articles R. 5221-12 et suivants du code du travail.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu son titre de séjour initial, valable du 3 août 2021 au 2 août 2022 sur la base d'un contrat d'apprentissage signé avec la société Nivon Métallerie afin de préparer le diplôme de CAP serrurier. M. A... s'est réorienté et a commencé un nouveau CAP. Il a signé le 3 mars 2022 un nouveau contrat d'apprentissage avec l'entreprise BL 26, qui a été rompu le 1er juillet 2022. A l'appui du renouvellement de sa demande de titre de séjour, il a présenté un contrat à durée déterminée (CDD), sans apprentissage, auprès de la société Triangle 31 pour une mission temporaire chez Leroy Merlin du 11 juillet 2022 au 6 août 2022, qui a ensuite été prolongée du 7 août 2022 au 28 janvier 2023. Ainsi, à la date à laquelle le préfet a refusé de renouveler son titre de séjour, le 1er août 2022, il était embauché en contrat d'intérim de moins de trois mois.

8. Il est constant que le contrat d'apprentissage qu'il avait signé avec la société BL 26 avait été rompu à la date de la décision en litige. Ce contrat ne pouvait donc justifier la demande de renouvellement de titre de séjour. Si le conseil des prud'hommes a depuis lors jugé que cette rupture était abusive et condamné l'employeur de M. A... à lui verser les rémunérations dues jusqu'au terme de ce contrat d'apprentissage, une telle circonstance, qui n'a pas pour effet de rétroagir sur la rupture du contrat de travail à la date du 1er juillet 2022, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'il était dépourvu d'autorisation de travail alors que la délivrance d'une autorisation de travail est de plein droit dans le cas de la signature d'un contrat d'apprentissage et que, conformément à la note du 12 juillet 2021 établie par le ministre de l'intérieur à l'attention des responsables des plateformes interrégionales de main d'œuvre étrangère, un contrat d'apprentissage signé et visé par un opérateur de compétences suffit.

9. Dès lors que la note du 12 juillet 2021 mentionnée ci-dessus prévoit que tout changement de situation (passage du contrat d'apprentissage à un CDD ou à un CDI) nécessite une autorisation de travail, M. A..., qui était précisément dans ce cas, n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu'en application de cette note il n'était pas nécessaire pour lui d'avoir une autorisation de travail pour un contrat d'intérim de moins de trois mois.

10. Ainsi, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions combinées des articles L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 5221-5 du code du travail et de la circulaire du 12 juillet 2021 dans la mesure où, ni la signature d'un contrat de travail en apprentissage, ni un contrat court en intérim ne nécessitent d'autorisation de travail et que son contrat d'apprentissage avait été rompu de façon irrégulière, doit être écarté.

11. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la préfète de la Drôme ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour sans avoir saisi la commission du titre de séjour conformément à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il était en mesure de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

12. En cinquième lieu, M. A... reprend en appel les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, de les écarter.

13. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03813

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03813
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly03813 ?
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