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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY03376

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 01 février 2024, 22LY03376


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... et Mme D... C... épouse A... ont chacun demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 20 décembre 2021 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.



Par un jugement n° 2202806, 2202807 du 9 août 2022, le tribunal administratif de Lyon a reje

té ces demandes.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme D... C... épouse A... ont chacun demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 20 décembre 2021 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 2202806, 2202807 du 9 août 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Zouine, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les arrêtés du préfet du Rhône du 20 décembre 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le refus de titre de séjour opposé à M. A... méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre de séjour de Mme A... est entaché d'un défaut de motivation, d'un défaut d'examen particulier ;

- les décisions portant refus de titre de séjour méconnaissent les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont, à cet égard, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions fixant le délai de départ volontaire sont privées de base légale par suite de l'illégalité des décisions précédentes ;

- les décisions fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français et méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête de M. et Mme A... a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision commune du 19 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les observations de Me Zouine, pour M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., de nationalité kosovare, sont entrés en France le 22 juin 2017, accompagnés de leurs deux enfants. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 mai 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 23 novembre 2018. M. et Mme A... ont sollicité, le 22 août 2019, la délivrance d'un titre de séjour en raison de l'état de santé de leur fille, et une autorisation provisoire de séjour valide du 29 janvier au 28 juillet 2020, renouvelée jusqu'au 20 janvier 2021, leur a été accordée. Le préfet du Rhône a, par des arrêtés du 20 décembre 2021, refusé de faire droit à leur demande de titre, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 9 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.

Sur l'arrêté concernant M. A... :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / (...) ".

3. Depuis son accident du travail du 24 avril 2020, M. A... souffre de deux discopathies dont les douleurs sont traitées par des antalgiques, corticoïdes et anti-inflammatoires. L'avis rendu le 17 novembre 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qui peut être pris en charge dans son pays d'origine. Si un des médicaments de son traitement anti-inflammatoire n'est pas disponible au Kosovo, il n'apparaît cependant pas que d'autres médicaments anti-inflammatoires, aux propriétés comparables, ne pourraient lui être substitués et qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, aucune violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne saurait être retenue.

4. M. A... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance, tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon.

5. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

6. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. ".

7. Compte tenu de sa vie privée et familiale, qui peut se reconstituer au Kosovo, et de son expérience professionnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour de M. A... répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours :

8. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire.

9. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

11. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

12. Dès lors M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur l'arrêté concernant Mme A... :

En ce qui concerne sa légalité :

13. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...). ".

14. L'arrêté contesté vise la demande dont Mme A... a saisi le préfet notamment, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, et alors que l'intéressée avait également présenté, à l'appui de cette demande, des éléments liés à ses activités professionnelles, il apparaît que le préfet ne s'est prononcé qu'au regard de sa vie privée et familiale. Faute pour l'administration de pouvoir justifier d'un examen particulier de l'ensemble de la situation personnelle et professionnelle de l'intéressée compte tenu des prescriptions de l'article L. 435-1 ci-dessus, Mme A... est fondée à soutenir que le refus de séjour contesté procède d'une erreur de droit et à demander son annulation ainsi que celle des décisions subséquentes.

15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

16. Il y a lieu d'ordonner à la préfète du Rhône de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le conseil de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 août 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté pris à son encontre le 20 décembre 2021 par le préfet du Rhône.

Article 2 : L'arrêté du 20 décembre 2021 pris par le préfet du Rhône à l'encontre de Mme A... est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la situation de Mme A... dans les conditions prévues au point 16 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03376

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03376
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly03376 ?
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