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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY02896

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 01 février 2024, 22LY02896


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler :

- les décisions du 24 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;

- l'arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence

pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2205463 du 31 août 2022, la magistrate désignée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler :

- les décisions du 24 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;

- l'arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2205463 du 31 août 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par un jugement n° 2205463 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions restant en litige de la demande.

Procédure devant la cour

I°) Par une requête enregistrée le 29 septembre 2022, sous le n° 22LY02896, M. B..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 août 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 24 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 26 août 2022 portant assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois courant à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- avant dire-droit, la cour demandera au préfet de produire la fiche de demande de titre de séjour qu'il a remplie lors de son rendez-vous le 26 janvier 2021 ainsi que le motif du rendez-vous de dépôt de la demande de titre de séjour ;

- il apporte la preuve de sa présence habituelle en France pendant dix années et le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour conformément à l'article L. 435-1 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ainsi l'obligation de quitter le territoire français se fonde sur un refus de titre de séjour illégal ;

- ce refus de titre de séjour porte également atteinte au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ce refus méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- c'est par une erreur de droit que le préfet a cru pouvoir se contenter de viser l'une des hypothèses visées par les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour le priver de tout délai de départ volontaire ;

- il justifie de motifs exceptionnels ;

- la décision fixant l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire ;

- cette décision est entachée d'erreurs de faits ;

- en appliquant les dispositions de l'article L .612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de droit et prononcé une interdiction de retour excédant le maximum légal encouru ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le seul fait de ne pas avoir exécuté de précédentes mesures d'éloignement ne peut fonder

une interdiction de retour de la durée maximale de trois années ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision l'assignant à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de celle de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observation.

II°) Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, sous le n° 22LY03788, M. B..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du 24 juin 2022 refusant de lui accorder un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'une année portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois courant à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- avant dire-droit, la cour demandera au préfet de produire la fiche de demande de titre de séjour qu'il a remplie lors de son rendez-vous le 26 janvier 2021 ainsi que le motif du rendez-vous de dépôt de la demande de titre de séjour ;

- il apporte la preuve de sa présence habituelle en France pendant dix années et le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour conformément à l'article L. 435-1 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ainsi l'obligation de quitter le territoire français se fonde sur un refus de titre de séjour illégal ;

- ce refus de titre de séjour porte également atteinte au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ce refus méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- et les observations de Me Guillaume représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 5 octobre 1981, de nationalité arménienne, est entré en France le 6 juillet 2011, selon ses déclarations. Le 26 janvier 2021, il a sollicité une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décisions du 24 juin 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, et par une décision du 26 août 2022, ce même préfet l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. Par le premier jugement attaqué du 31 août 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions, sous réserve des conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour qu'elle a transmises à la formation collégiale. Par le second jugement attaqué du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions restant en litige, dirigées contre la décision de refus de séjour. Les requêtes d'appel formées par M. B... sont dirigées contre chacun de ces jugements. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche de renseignement déposée par l'intéressé aux services de la préfecture, que M. B... n'a pas sollicité son admission au séjour à titre exceptionnel en invoquant le bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais en se prévalant uniquement des dispositions de l'article L. 423-23 de ce code (anciennement L. 313-11 7°). Il ne peut, par suite, soutenir qu'en ne soumettant pas sa demande de titre de séjour pour avis à la commission du titre de séjour, comme le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait pris le refus de titre de séjour en litige au terme d'une procédure irrégulière.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

5. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2011 ainsi que de celle de ses deux enfants mineurs et de leur mère, titulaire d'un titre de séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, l'intéressé et son épouse étaient en instance de divorce. Si l'intéressé produit des documents justifiant avoir effectué plusieurs versements d'argent au profit de la mère de ses enfants avant et après l'édiction de la décision en litige, ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il aurait respecté l'obligation de verser la pension alimentaire mensuelle que le juge aux affaires familiales lui avait ordonné de verser, alors qu'il ressort de la décision en litige que la mère de ses enfants a déposé plusieurs plaintes concernant cette abstention. De même, les éléments qu'il produit, et notamment les documents photographiques ne suffisent pas à établir que l'intéressé aurait exercé son droit de visite auprès de ses deux enfants, tel que le juge aux affaires familiales lui avait accordé. Enfin, le requérant n'apporte pas plus d'élément permettant d'établir son intégration sociale et professionnelle, en se bornant à se prévaloir d'une promesse d'embauche ainsi que de sa participation à un atelier d'apprentissage du français. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, doit également être écarté le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

6. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. En l'espèce, il résulte de ce qui précède que M. B... ne démontre ni l'intensité des relations qu'il entretient avec ses enfants ni sa participation à leur entretien et à leur éducation. En conséquence, la décision attaquée ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de ces derniers.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment, que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. B... ne saurait se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

10. En second lieu, pour les motifs précédemment énoncés aux points 5 et 8 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. B..., ne peuvent qu'être écartés.

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;(...) ".

13. Si le requérant soutient que le préfet s'est contenté de mentionner l'une des hypothèses visées par les dispositions précitées pour le priver de tout délai de départ volontaire, il ressort toutefois des termes de la décision en litige, que le préfet a estimé qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre au sens du 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas exécuté les quatre précédentes mesures d'éloignement dont il avait fait l'objet et qu'il ne justifie d'aucune circonstance particulière pour s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français.

14. Enfin, eu égard à la situation personnelle du requérant telle qu'elle a été exposée précédemment, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'aucune circonstance particulière ne justifiait d'accorder en l'espèce un délai de départ volontaire. Par suite, en l'absence de circonstance particulière propre à écarter le risque que M. B... se soustraie à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, le préfet de l'Isère n'a ni méconnu les dispositions précitées, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de la décision lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire, à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre.

16. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Enfin, en application de l'article L. 612-11 de ce code : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : / 1° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était obligé de le quitter sans délai ; / 2° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé ; 3° L'étranger est revenu sur le territoire français après avoir déféré à l'obligation de quitter le territoire français, alors que l'interdiction de retour poursuivait ses effets. / Compte tenu des prolongations éventuellement décidées, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sauf menace grave pour l'ordre public. "

17. Lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où l'étranger fait état de circonstances humanitaires qui y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code précité, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

18. D'une part, il ressort des termes de la décision en litige que le préfet de l'Isère n'a pas prolongé la durée d'une précédente interdiction de retour mais a édicté à l'encontre de M. B... une nouvelle décision portant interdiction de retour sur le territoire français assortissant la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet concomitamment le 14 juin 2022. Par suite, il a pu se fonder sur les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas été assortie d'un délai de départ volontaire, et n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.

19. D'autre part, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... ne démontre ni l'intensité des relations qu'il entretient avec ses enfants ni sa participation à leur entretien et à leur éducation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est maintenu en France irrégulièrement en se soustrayant à l'exécution de quatre mesures d'éloignement prises à son encontre. Dans ces conditions et alors même que l'intéressé ne constituerait pas une menace à l'ordre public, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant à la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de M. B... et le moyen tiré de l'erreur de fait doivent être écartés.

20. En dernier lieu, eu égard à la situation privée et familiale du requérant, exposée aux points 5 et 8 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

21. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

22. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'assignant à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que de l'illégalité de la décision lui refusant l'octroi de tout délai de départ volontaire.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02896, 22LY03788

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02896
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly02896 ?
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