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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY02560

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 février 2024, 22LY02560


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures



Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, la décision implicite de refus initialement née sur sa demande de délivrance d'un certificat de résidence de dix ans et, d'autre part, les décisions du préfet de l'Isère du 5 avril 2022 refusant de lui renouveler son certificat de résidence, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de destination de cette mesu

re d'éloignement.



Par jugement nos 2106985-2202994 du 2 août 2022, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, la décision implicite de refus initialement née sur sa demande de délivrance d'un certificat de résidence de dix ans et, d'autre part, les décisions du préfet de l'Isère du 5 avril 2022 refusant de lui renouveler son certificat de résidence, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par jugement nos 2106985-2202994 du 2 août 2022, le tribunal administratif de Grenoble a joint et rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 août 2022 et 12 janvier 2023, Mme C..., représentée par Me Aldeguer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet de l'Isère du 5 avril 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, subsidiairement, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus litigieux méconnaît le 2) de l'article 6 et l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français litigieuse est illégale en raison de l'illégalité du refus de certificat de résidence ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement du 2 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 5 avril 2022 refusant de renouveler son certificat de résidence et de lui délivrer un certificat d'une durée de dix ans et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Sur le refus de certificat de résidence :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Aux termes de son article 7 bis : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour (...) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) ".

3. Mme A... B... épouse C..., ressortissante algérienne, a obtenu un certificat de résidence, valable du 15 novembre 2019 au 24 novembre 2020, à la suite de son mariage avec M. C..., de nationalité française, le 25 août 2018. Il est toutefois constant que ce dernier a été incarcéré quelques jours seulement après l'entrée sur le territoire français de son épouse en décembre 2018, sans qu'elle n'établisse, par la seule demande de permis de visite qu'elle produit et la mention d'une telle visite, le 22 février 2019, figurant sur certains documents de l'enquête administrative, avoir effectivement entretenu des liens avec lui pendant cette incarcération. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que son époux n'a jamais demeuré au domicile conjugal depuis la fin de son incarcération, en invoquant les nécessités de son activité professionnelle en Haute-Savoie. Ils n'établissent pas que des liens conjugaux auraient été maintenus en dépit de cet éloignement, leurs déclarations recueillies par les services de la police nationale, le 16 novembre 2021 et le 24 janvier 2022, s'étant avérées incohérentes et les pièces produites ne démontrant nullement la réalité des visites, au demeurant ponctuelles, alors invoquées. Une visite domiciliaire diligentée, le 16 novembre 2021, a en outre permis de constater l'absence d'effets personnels de M. C..., à l'exception de quelques effets masculins dont le propriétaire n'est pas précisé. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations citées au point 2 en refusant, au motif de l'absence de communauté de vie effective entre les époux, de renouveler le certificat de résidence dont disposait Mme C... et de lui en délivrer un d'une durée de dix ans.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

5. Mme A... B... épouse C..., née en 1979, est, d'après ses déclarations, entrée, en dernier lieu, le 4 décembre 2018, en France où son mariage avec M. C..., de nationalité française, avait été célébré le 25 août 2018. Toutefois, comme indiqué au point 3, elle ne démontre pas avoir entretenu une communauté de vie avec son époux. Si ses trois enfants mineurs, issus d'une précédente union et également de nationalité algérienne, y résident à ses côtés, elle ne prétend pas que leur scolarité, suivie pendant quatre années en France, ne pourrait se poursuivre normalement s'ils devaient quitter le territoire français. Mme C... ne se prévaut d'aucune autre attache privée ou familiale en France et ne prétend pas en être dépourvue en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans et où demeurent, sans qu'elle ne le conteste, ses parents et sa sœur, ainsi que le père de ses enfants. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que, par le refus litigieux, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations citées au point 4.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Comme indiqué au point 5, Mme C... ne démontre pas qu'il existerait un obstacle à ce que ses enfants poursuivent une scolarité normale hors de France, notamment en Algérie où réside leur père. Elle n'invoque aucune autre circonstance nécessitant qu'ils demeurent sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. Enfin, et pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 5 et 7, le refus litigieux n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de l'illégalité du refus de certificat de résidence opposé à Mme C... doit être écarté.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 5 et 7, Mme C..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

12. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

13. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme C....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02560
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly02560 ?
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