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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY00241

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 février 2024, 22LY00241


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



L'office public de l'habitat (OPH) Advivo a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la délibération du 29 mars 2018 par laquelle le conseil municipal de Reventin-Vaugris a mis un terme au projet de construction d'un bâtiment à usage de logements sociaux et de commerce que la commune lui avait confié le 30 juin 2014 ainsi que les décisions rejetant ses recours gracieux et hiérarchiques, d'autre part, de condamner la commune de Reventin-Vaugris à lui

verser la somme de 97 225,52 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'office public de l'habitat (OPH) Advivo a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la délibération du 29 mars 2018 par laquelle le conseil municipal de Reventin-Vaugris a mis un terme au projet de construction d'un bâtiment à usage de logements sociaux et de commerce que la commune lui avait confié le 30 juin 2014 ainsi que les décisions rejetant ses recours gracieux et hiérarchiques, d'autre part, de condamner la commune de Reventin-Vaugris à lui verser la somme de 97 225,52 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2018, en réparation du préjudice né de la rupture de ses engagements.

Par jugement n° 1804749 du 25 novembre 2021, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistré le 24 janvier 2022, l'OPH Advivo, représenté par Me Holterbach, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner la commune de Reventin-Vaugris à lui verser la somme de 97 225,52 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Reventin-Vaugris la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, au motif que le conseil municipal de la commune de Reventin-Vaugris lui avait consenti un bail à construction qui s'analyse comme un contrat de droit privé, dès lors, d'une part, qu'un tel bail n'a pas été conclu, et, d'autre part, que le contrat envisagé par la commune, qui n'a toutefois pas été conclu, était une concession de travaux qui constitue un contrat administratif ; dans ces conditions, le litige relève de la juridiction administrative ;

- sa demande tend à l'engagement de la responsabilité extracontractuelle de la commune ;

- en lui faisant croire qu'elle allait lui consentir un bail à construction, et en lui faisant financer en pure perte les études et prestations nécessaires à l'édification de l'immeuble projeté, avant de mettre irrégulièrement un terme à l'opération, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- elle a subi un préjudice consistant, à hauteur de 61 160,52 euros TTC, dans les dépenses engagées pour la réalisation de l'opération, à hauteur de 2 387,06 euros TTC, dans l'indemnisation contractuelle du maître d'œuvre, dont elle a dû résilier le contrat pour motif d'intérêt général et à hauteur de 33 677,97 euros TTC dans son manque à gagner.

Par mémoire enregistré le 26 octobre 2022, la commune de Reventin-Vaugris, représentée par Me Bourillon, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'OPH Advivo la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si elle estime que le contrat la liant à l'OPH Advivo est un contrat public, elle s'en remet néanmoins à la sagesse de la cour quant à cette qualification ;

- elle n'a pas commis de faute, dès lors que l'OPH ne démontre pas le caractère injustifié de la mesure de résiliation ;

- cette mesure, justifiée par le retard pris par l'opérateur et l'impossibilité de conclure un bail à construction à la suite de l'adoption de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et à son décret d'application, a été prononcée pour motif d'intérêt général ;

- l'OPH ne démontre pas la réalité du préjudice subi dès lors que, compte tenu du retard pris, il n'aurait pas été en mesure de mener le projet de construction à son terme ;

- il n'établit pas avoir subi un manque à gagner équivalent à 3% du montant global de l'opération en se référant à la méthode de calcul des immobilisations corporelles ;

- la comptabilité analytique qu'il produit ne suffit pas davantage à justifier de la réalité de son préjudice ;

- l'OPH Advivo a commis des fautes exonératoires de la responsabilité de la commune dès lors qu'il n'a pas pu mener à bien l'opération durant un délai de trois ans et qu'il a indiqué en octobre 2017 qu'il suspendait le projet compte tenu de l'obligation lui incombant d'accorder des remises de loyers à ses locataires afin de compenser la baisse de l'aide personnalisée au logement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de M. A...,

- les observations de Me Meierhans pour l'OPH Advivo, et celles de Me Manzoni pour la commune de Reventin-Vaugris.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Reventin-Vaugris a été enregistrée le 12 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un projet d'aménagement du centre du village, la commune de Reventin-Vaugris a décidé de construire, sur la parcelle du domaine public communal section AN n°s 249 et 137, un bâtiment de deux niveaux comportant neuf logements locatifs et un local commercial. Par délibération du 30 juin 2014, le conseil municipal a décidé de " confier à l'OPH Advivo la réalisation de ce projet de construction neuve de logements en association avec la SARL Barrios architecture (...), de l'autoriser à déposer une demande de permis de construire et à pénétrer sur le terrain, et de consentir à l'OPH Advivo un bail à construction à titre gratuit d'une durée de soixante ans ". Par délibération du 29 mars 2018, le conseil municipal de Reventin-Vaugris a décidé de mettre un terme au projet confié à l'OPH Advivo par la délibération du 30 juin 2014. L'OPH Advivo a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 29 mars 2018 ainsi que les rejets de ses recours gracieux et hiérarchiques et de condamner la commune de Reventin-Vaugris à lui verser la somme de 97 225,52 euros TTC, outre intérêts au taux légal, en réparation de son préjudice. Par un jugement du 25 novembre 2021, le tribunal a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. L'OPH Advivo relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner la commune de Reventin-Vaugris à lui verser la somme de 97 225,52 euros TTC, outre intérêts.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La demande de L'OPH Advivo porte sur l'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de la commune du fait de la délibération du 29 mars 2018 qui est un acte administratif unilatéral. Par suite, et sans égard à la circonstance que le projet dont la réalisation a été rompue aurait dû donner lieu à la conclusion d'un bail à construction présentant le caractère d'un contrat de droit privé, il appartient à la juridiction administrative de connaître de ce litige. L'OPH Advivo est, dès lors, fondé à soutenir que le tribunal n'a pu, sans entacher le jugement attaqué d'irrégularité, décliner la compétence des juridictions de l'ordre administratif et à en demander l'annulation dans cette mesure.

3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de l'OPH Advivo.

Sur la responsabilité de la commune de Reventin-Vaugris :

En ce qui concerne la faute de la commune :

4. Il résulte de l'instruction que le conseil municipal de la commune de Reventin-Vaugris s'est engagé, par la délibération du 30 juin 2014, à donner à l'OPH Advivo le droit de construire sur une dépendance du domaine public communal par le biais d'un bail à construction. Toutefois, en dépit de cet engagement et des démarches accomplies par l'office pour la réalisation de ce projet, pour lequel un permis de construire a été délivré en juin 2017, aucun bail à construction n'a été conclu et le conseil municipal a mis un terme au projet de construction par la délibération du 29 mars 2018. Contrairement à ce que soutient la commune, la circonstance que la conclusion d'un bail à construction de gré à gré ait été remise en cause par l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 29 janvier 2016 n'est pas de nature à justifier qu'elle n'ait pu poursuivre le projet de construction sous une autre forme juridique. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'OPH Advivo, qui a déposé une demande de permis de construire dès qu'il a obtenu l'accord définitif de la collectivité sur les caractéristiques du projet, aurait fait preuve de négligence dans le suivi de ce dernier. Enfin, si l'OPH Advivo a indiqué à la commune qu'il suspendait la poursuite de la construction par un courrier du 9 octobre 2017, il résulte des termes mêmes de ce courrier et de ceux du courrier adressé par l'OPH à la commune le 14 mars 2018, que cette suspension, résultant d'incertitudes sur les modalités de financement de son activité de bailleur social du fait d'un projet de réduction des aides personnalisées au logement, était limitée à une période de deux mois courant jusqu'à la fin de l'année 2017 et que l'office a confirmé sa volonté de poursuivre la construction en attribuant dès le mois d'avril 2018 les marchés de travaux pour lesquels un appel à candidature avait été effectué en septembre 2017. Il s'ensuit qu'en mettant un terme au projet, sans conférer à l'OPH Advivo, comme elle s'y était engagée, un quelconque titre lui permettant de construire sur la dépendance en cause du domaine public communal, et sans démontrer l'existence d'un motif ayant pu justifier ce changement, la commune de Reventin-Vaugris a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

5. La commune de Reventin-Vaugris soutient, il est vrai, que l'OPH Advivo, en prenant du retard dans la réalisation de l'opération et en prononçant sa suspension le 9 octobre 2017, a commis des fautes de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que si le projet n'était pas encore achevé à la date de la délibération du 29 mars 2018, ce retard est pour partie imputable à la commune qui a modifié plusieurs des caractéristiques de la construction et s'est, en outre, abstenue de déclasser le terrain d'assiette ou de formaliser la convention habilitant l'office à construire, ce qui a notamment retardé le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme. En outre, dans les circonstances de l'espèce, et alors notamment que des démarches concrètes ont été effectuées par l'office en vue de la réalisation de la construction, le retard de trois ans invoqué n'est pas d'une ampleur telle qu'il puisse être regardé comme fautif. Dans ces conditions, la commune de Reventin-Vaugris n'est pas fondée à soutenir que l'office a commis une faute de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité.

En ce qui concerne le préjudice :

6. Il résulte de l'instruction, notamment des factures produites, que l'OPH Advivo a engagé des frais d'études préalables, des frais de maîtrise d'œuvre, de dépôt et d'affichage du permis de construire ainsi que des frais de conduite d'opération d'un montant total de 66 658,41 euros TTC. Contrairement à ce que soutient la commune, ces factures retracent des dépenses exposées et le préjudice allégué ne présente donc pas un caractère éventuel. Par suite, l'OPH Advivo est fondé à demander l'indemnisation de ces dépenses qu'il a exposées pour le projet en pure perte. Par ailleurs le requérant, qui a été contraint de verser une indemnité de 2 387,03 euros TTC à la SARL Barrios architecture pour la résiliation du contrat de maître d'œuvre passé pour la réalisation du projet est également fondé à demander l'indemnisation de cette dépense dont il établit s'être acquitté. En revanche, l'OPH Advivo n'établit pas la réalité du manque à gagner qu'il invoque en se bornant à produire, d'une part, un extrait d'un document comptable indiquant que, pour la comptabilisation des immobilisations, le montant des immeubles doit être majoré de la rémunération de la conduite d'opération, sans autre précision, et, d'autre part, un bilan financier de l'opération et un plan de financement, lesquels, en tant que tels, ne permettent pas de démontrer que l'opération lui aurait permis de dégager un bénéfice net.

7. Il résulte de ce qui précède que l'OPH Advivo est fondé à demander la condamnation de la commune de Reventin-Vaugris à lui verser la somme de 69 045,44 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2018, en réparation du préjudice qu'il a subi.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Reventin-Vaugris, partie perdante, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Reventin-Vaugris une somme de 2 000 euros à verser à l'OPH Advivo sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804749 du tribunal administratif de Grenoble du 25 novembre 2021, en tant qu'il rejette comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, la demande indemnitaire de l'OPH Advivo dirigée contre la commune de Reventin-Vaugris, est annulé.

Article 2 : La commune de Reventin-Vaugris est condamnée à verser à l'OPH Advivo la somme de 69 045,44 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2018.

Article 3 : La commune de Reventin-Vaugris versera à l'OPH Advivo la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat Advivo et à la commune de Reventin-Vaugris.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00241
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-04 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Contentieux de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : HOLTERBACH

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly00241 ?
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