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01/02/2024 | FRANCE | N°21LY02081

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 01 février 2024, 21LY02081


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 8 octobre 2019 par le directeur général de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse (RMC) pour un montant de 5 208,52 euros, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, d'annuler l'indu qui lui est réclamé et de lui verser la part des indemnités spécifiques de service dues au titre du service rendu au cours de l'année 2018 et non versées à ce jour, soit 3 40

4,70 euros, à titre subsidiaire, après réexamen de sa situation, d'annuler totalement ou part...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 8 octobre 2019 par le directeur général de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse (RMC) pour un montant de 5 208,52 euros, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, d'annuler l'indu qui lui est réclamé et de lui verser la part des indemnités spécifiques de service dues au titre du service rendu au cours de l'année 2018 et non versées à ce jour, soit 3 404,70 euros, à titre subsidiaire, après réexamen de sa situation, d'annuler totalement ou partiellement l'indu qui lui est réclamé ou, à défaut, de réexaminer sa situation ou de prescrire toute mesure permettant de mettre un terme au litige, ou encore, à tout le moins, de prononcer la décharge de la somme visée par ce titre.

Par un jugement n° 1909876 du 26 avril 2021, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 juin et 19 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Deniau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 8 octobre 2019 et de la décharger de la créance visée par ce titre ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'agence de l'eau RMC :

- à titre principal, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'annuler l'indu qui lui est réclamé et de lui verser la somme totale de 8 613,22 euros, correspondant au montant du titre exécutoire qu'elle a acquitté et à la part des indemnités spécifiques de service dues au titre du service rendu au cours de l'année 2018 et non versées à ce jour, soit 3 404,70 euros ;

- à titre subsidiaire, dans le même délai et sous la même astreinte, après réexamen de sa situation, d'annuler totalement ou partiellement l'indu qui lui est réclamé ou, à défaut, de réexaminer sa situation ou de prescrire toute mesure permettant de mettre un terme au litige, ou encore, à tout le moins, de prononcer la décharge de la somme visée par ce titre ;

- à défaut, de prendre une nouvelle décision après réexamen de sa situation ;

4°) si nécessaire, d'enjoindre toute mesure permettant de mettre un terme au litige ;

5°) à défaut, de prononcer la décharge totale ou partielle, de la somme visée par ce titre, compte tenu de la carence de l'agence de l'eau RMC ;

6°) de mettre à la charge de de l'agence de l'eau RMC une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance était recevable, n'étant pas soumise à une contestation préalable obligatoire devant le comptable public en application de l'article 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 et étant régulièrement dirigée contre l'agence de l'eau RMC et son agent comptable ;

- le titre exécutoire en litige est irrégulier, en l'absence de mention suffisante des bases de liquidation conformément à l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 dans le titre lui-même ou un document qui lui serait joint, ou en tout état de cause, ultérieurement établi ;

- la créance en litige n'est pas fondée, en l'absence de justification de son existence, de son montant, de son exigibilité, des calculs effectués, ainsi que son fondement juridique ;

- le titre exécutoire en litige est illégal, se fondant sur le décret n° 2018-1119 du 10 décembre 2018 et l'arrêté du 10 décembre 2018 ayant modifié l'entrée en vigueur au 1er janvier 2020, pour les stagiaires du corps des ingénieurs des travaux publics de l'État (ITPE), du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), eux-mêmes illégaux, compte tenu du caractère rétroactif de l'arrêté, contraire au principe général de non rétroactivité des actes administratifs, à l'article 2 du code civil, et pour le décret, de l'absence de prévision de mesures transitoires en méconnaissance du principe de sécurité juridique ; elle bénéficie d'un droit acquis au RIFSEEP compte tenu de la date à laquelle elle a obtenu le concours ;

- il est également illégal, se fondant sur l'article 1er du décret n° 2003-799 du 25 août 2003, lui-même illégal, ces dispositions réservant le bénéfice de l'indemnité spécifique de service, durant l'année de stage en qualité de fonctionnaire, aux seuls agents qui étaient fonctionnaires l'année n-1, en excluant ainsi les agents qui avaient avant leur stage un statut d'agent contractuel, une telle différence de traitement n'étant pas justifiée ; il s'agit d'une différence de traitement prolongée au-delà d'un délai raisonnable non justifiée par un motif d'intérêt général, le pouvoir règlementaire n'ayant pas prévu de régime transitoire ; ces dispositions sont également illégales, en ce qu'elles instituent cette différence de traitement contraire à l'article 225-1 du code pénal prohibant la discrimination selon l'origine, créant une différence de traitement entre une " origine contractuelle " et une " origine de titulaire " de la catégorie A de la fonction publique ;

- il est aussi illégal, se fondant sur l'article 28 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994, lui-même illégal, ces dispositions ne prévoyant pas la possibilité d'un maintien, pendant la période de stage, de la rémunération antérieure en qualité d'agent contractuel, à la différence des fonctionnaires titulaires, une telle différence de traitement n'étant pas justifiée ;

- il est par ailleurs illégal, se fondant, tout comme la créance sur laquelle il est basé, sur les dispositions de l'article 28 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 qui sont illégales, en tant qu'elles prévoient une application limitée aux seuls anciens fonctionnaires, car discriminatoires, instituant une différence de traitement, entre les agents auparavant titulaires et ceux qui bénéficiaient d'un contrat de droit public, lors de leur période de stage, sans qu'elle soit justifiée par des raisons objectives, méconnaissant les points 1 et 4 de la clause 4 de l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée dans l'Union européenne mis en œuvre par la directive 1999/70/CE, telle qu'interprétée par la Cour de justice Cour de justice de l'Union européenne le 18 octobre 2012 dans les affaires jointes C-302/11 à C-305/11, le 20 juin 2019 dans l'affaire n° C-72/18 et le principe de non-discrimination inscrit à l'article 2 du traité sur l'Union européenne ;

- il est par ailleurs illégal, la créance sur laquelle il est fondé, correspondant à la différence entre la rémunération dont elle a bénéficié comme ancien agent contractuel durant son année de stage à compter de sa nomination comme ITPE et celle qu'elle aurait dû percevoir en qualité de fonctionnaire stagiaire, étant illégale, engendrant une rémunération moindre que lorsqu'elle était agent contractuel alors même que son expérience professionnelle et ses compétences sont restées les mêmes, en méconnaissance du principe d'égale admissibilité aux emplois publics prévu par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 2 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994, de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et de l'article 28 du même décret ;

- par voie de conséquence de l'annulation du titre exécutoire en litige, et compte tenu de l'illégalité du décret n° 2003-799 du 25 août 2003, elle est fondée à obtenir, outre le remboursement du montant de de 5 208,52 euros une somme de 3 404,70 euros correspondant à l'indemnité spécifique de service lui étant due au titre du service rendu l'année 2018 ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée à obtenir la décharge partielle ou totale de la créance en litige, l'agence de l'eau RMC ayant fait preuve de carence fautive qui est exclusivement à son origine, en appliquant pas la réglementation pendant neuf mois, et en attendant dix mois pour régulariser sa rémunération ; elle a maintenu sa rémunération en qualité d'agent contractuel, alors qu'elle avait le statut de fonctionnaire stagiaire, pour la période du 1er janvier au 31 août 2019, en méconnaissance de l'article 28 du décret du 7 octobre 1994 ; elle a maintenu sa rémunération en qualité d'agent contractuel, pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2018, alors qu'elle avait depuis le 29 septembre 2018 réussi le concours réservé au titre de l'année 2018, le 29 septembre 2018 et aurait donc dû bénéficier de la rémunération comme ITPE à compter de cette date ; elle n'aurait pas dû lui verser le RIFSEEP, dont l'application avait été reporté au 1er janvier 2020 en décembre 2018, ce qui avait nécessairement été porté à sa connaissance ; la carence fautive est matérialisée par le délai entre la publication des listes des lauréats du concours ITPE 2018, soit le 29 septembre 2018, la transmission de la proposition de reclassement le 29 avril 2019, et enfin sa nomination comme fonctionnaire de manière rétroactive le 21 mai 2019, sans que son acceptation du concours le 5 mai 2019 puisse être invoquée, car elle aurait pu renoncer au bénéfice du concours si elle avait été informée plus tôt de cette proposition.

Par des mémoires enregistrés les 23 septembre et 9 décembre 2021, l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, représentée par Me Poisson, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle se trouvait en situation de compétence liée pour appliquer les dispositions règlementaires relatives à l'indemnité spécifique de service ;

- les moyens soulevés par Mme B... sont soit inopérants soit infondés.

Par une ordonnance du 14 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 octobre 2012 C-302/11 à C-305/11, du 20 septembre 2018 C-466/17 et du 20 juin 2019 C-72/18 ;

- le code civil ;

- le code pénal ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'État et de ses établissements publics ;

- le décret n° 2003-799 du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement ;

- le décret n° 2005-631 du 30 mai 2005 portant statut particulier du corps des ingénieurs des travaux publics de l'État ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État (RIFSEEP) ;

- le décret n° 2018-1119 du 10 décembre 2018 modifiant diverses dispositions de nature indemnitaire ;

- l'arrêté du 10 décembre 2018 modifiant l'arrêté du 27 décembre 2016 pris en application de l'article 7 du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Jagueux, substituant Me Deniau, pour Mme B..., ainsi que celles de Me Sardinha, substituant Me Poisson, pour l'agence de l'eau RMC ;

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir exercé sous contrat de droit public des fonctions de chargée d'étude au sein de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse (RMC), pour la période du 14 juin 2011 au 31 décembre 2018, Mme B... a été déclarée admise à l'issue des opérations d'un concours réservé pour accéder aux corps des ingénieurs des travaux publics de l'État (ITPE) organisé au titre de l'année 2018. Elle a alors été nommée par un arrêté du 21 mai 2019 en qualité de stagiaire du corps des ITPE à compter du 1er janvier 2019 et été affectée au sein de l'agence de l'eau RMC pour la période du 1er janvier au 31 août 2019, ayant, pendant cette période, été maintenue dans ses anciennes fonctions et conservé sa rémunération. Puis, à compter du 1er septembre suivant, elle a été mutée comme chargée de mission à la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement (DREAL) Auvergne Rhône Alpes par un arrêté du 8 août 2019 avant d'être titularisée au sein de ce corps au grade d'ingénieur à compter du 1er janvier 2020 par un arrêté de la ministre de la transition écologique et solidaire du 31 décembre 2019. Le 18 octobre 2019, l'agence de l'eau RMC lui adressé un titre exécutoire émis à son encontre le 8 octobre précédent par le directeur général de cette agence pour un montant de 5 208,52 euros, correspondant à un indu de rémunération pour la période du 1er janvier au 31 août 2019. Le recours gracieux formé par l'intéressée à l'encontre de ce titre auprès du directeur de l'agence de l'eau RMC par courrier du 14 novembre 2019 a été rejeté par une décision du 31 décembre 2019. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 avril 2021 portant rejet de sa demande aux fins d'annulation de ce titre exécutoire et d'injonctions.

Sur les conclusions présentées à titre principal :

2. En premier lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de ce que le titre exécutoire en litige serait irrégulier, en l'absence de mention suffisante des bases de liquidation conformément à l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 dans le titre lui-même ou un document qui lui serait joint, ou en tout état de cause, ultérieurement établi, doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

3. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la créance en litige n'est pas fondée, en l'absence de justification de son existence, de son montant, de son exigibilité, des calculs effectués, ainsi que de son fondement juridique. Toutefois, le courrier explicatif du 18 octobre 2019 et le bulletin de paie relatif au mois d'octobre 2019, joints au titre exécutoire en litige et produits par l'intéressée, justifient de tels éléments. Il en résulte que cette créance correspond à la différence entre la rémunération qu'elle a effectivement perçue du 1er janvier au 31 août 2019, en qualité d'agent contractuel de l'agence de l'eau RMC, pour un montant de 18 315,93 euros, et celle à laquelle elle avait en réalité droit en qualité de stagiaire du corps des ITPE, fixée à 13 107,41 euros, compte tenu de sa nomination dans ce corps à compter du 1er janvier 2019 par un arrêté du 21 mai 2019, avant d'être mutée en qualité de chargée de mission à la DREAL Auvergne Rhône Alpes à compter du 1er septembre 2019. Par ailleurs le bulletin de paie d'octobre 2019 mentionne précisément et détaille les sommes versées à l'intéressée pendant cette période et de celles qui auraient dû l'être, afin de calculer la somme de 5 208,52 euros qui lui est réclamée. Il apparaît que cette situation est la conséquence de la décision prise par Mme B... le 5 mai 2019 d'accepter le bénéfice du concours dont la teneur, notamment en termes de rémunération, avait été portée à sa connaissance à de nombreuses reprises. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

4. En troisième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.

5. Le titre exécutoire litigieux, qui vise à recouvrer un indu de rémunération effectivement versée dans les conditions précédemment évoquées, n'a pas pour base légale les décrets du 10 décembre 2018 et du 20 mai 2014 et l'arrêté du 10 décembre 2018. Ni ce titre ni la créance en cause n'ont davantage pour base légale l'article 28 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994, alors que Mme B... n'avait pas, avant sa nomination comme ITPE stagiaire, le statut de fonctionnaire. Par suite, l'intéressée ne saurait utilement soutenir que le titre exécutoire ou la créance en litige étant fondés sur des textes illégaux, seraient eux-mêmes illégaux.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2003 susvisé, dans sa rédaction applicable : " Les ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et les fonctionnaires des corps techniques de l'équipement, ingénieurs des travaux publics de l'État, techniciens supérieurs du développement durable, dessinateurs, experts techniques des services techniques bénéficient, dans la limite des crédits ouverts à cet effet, d'une indemnité spécifique de service. / Cette indemnité leur est versée l'année civile suivant celle correspondant au service rendu par les agents concernés. Cependant, les agents qui ne bénéficient pas de versement d'indemnité une année donnée peuvent prétendre, dès cette année-là, à des versements anticipés dans la limite des crédits disponibles. Les versements anticipés au titre d'une année donnée ne peuvent excéder 50 % de ce à quoi ils pourraient prétendre au titre des droits acquis cette même année. / (...).". Aux termes de l'article 225-1 du code pénal, dans sa rédaction applicable : " Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d'autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée. / (...). ".

7. D'abord, si le principe d'égalité de traitement entre les agents appartenant à un même corps interdit les distinctions au sein de ce corps selon les conditions dans lesquelles ces agents ont été recrutés, notamment pour l'avancement, il n'implique pas que, lors de leur intégration en son sein, ils bénéficient de conditions identiques de classement et par voie de conséquence de conditions de rémunération identiques. Par suite, si les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 25 août 2003 impliquent que, durant leur année de stage, les ITPE qui, lors de leur nomination dans ce corps, avaient auparavant un statut de fonctionnaires ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité spécifique de service, obtiennent le versement de cette indemnité au titre du service rendu l'année précédente, et soient alors traités, de ce point de vue, différemment de ceux qui avaient précédemment le statut d'agents contractuels de droit public, une telle circonstance n'entache pas ces dispositions d'une méconnaissance du principe d'égalité et donc d'illégalité. En admettant même que le titre exécutoire en litige pourrait être regardé comme fondé sur ces dispositions, Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir qu'il serait, de ce seul fait, illégal. Le moyen ne peut être admis.

8. Ensuite, si Mme B... soutient que le titre exécutoire en litige serait illégal, du fait d'une discrimination selon l'origine créée par la différence de traitement en termes de rémunération résultant de l'article 1er du décret du 25 août 2003, telle qu'elle vient d'être évoquée, qui est prohibée par les dispositions précitées de l'article 225-1 du code pénal, un tel moyen, dans la mesure où cette différence de traitement ne relève en toute hypothèse d'aucune des catégories visées par ces dispositions, ne saurait être utilement invoqué.

9. En cinquième lieu, Mme B... soutient que le titre exécutoire en litige méconnaît le principe d'égale admissibilité aux emplois publics prévu par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 2 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994, l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et l'article 28 du même décret, la créance dont le paiement lui est demandé étant elle-même illégale dès lors qu'elle engendre une rémunération moindre que lorsqu'elle était agent contractuel alors même que son expérience professionnelle et ses compétences restent les mêmes.

10. Toutefois, il ne résulte d'aucun texte ni principe qu'un agent public, auparavant agent contractuel de droit public, devrait bénéficier du maintien de sa rémunération antérieure lors de la nomination comme fonctionnaire stagiaire. Par ailleurs, et de toutes les façons, elle ne saurait utilement invoquer, pour contester la légalité de la créance en litige, le principe d'égale admissibilité aux emplois publics prévu par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les articles 2 et 28 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994, ainsi que l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, cette créance ne pouvant, en toute hypothèse, être regardée comme susceptible d'avoir pour objet ou pour effet de méconnaître ce principe et ces dispositions. Le moyen ne saurait donc être accueilli.

Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire :

11. Mme B... soutient, à titre subsidiaire, qu'elle est fondée à obtenir la décharge partielle ou totale de la créance en litige, l'agence de l'eau RMC ayant fait preuve de carence fautive qui est exclusivement à son origine.

12. D'abord, si elle fait valoir que, en méconnaissance de l'article 28 du décret du 7 octobre 1994 qui prévoit, le cas échéant, sous conditions, un maintien de rémunération sur option pour un fonctionnaire stagiaire, pendant la durée de son stage, qui avait auparavant un statut de titulaire, l'agence de l'eau RMC a maintenu sa rémunération en qualité d'agent contractuel alors qu'elle avait le statut de fonctionnaire stagiaire pour la période du 1er janvier au 31 août 2019, elle n'avait toutefois pas en toute hypothèse, ce statut avant le 1er janvier 2019.

13. En outre, Mme B... ne saurait se prévaloir de ce que l'agence de l'eau RMC a fait preuve de carence fautive en maintenant la rémunération dont elle bénéficiait en qualité d'agent contractuel pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2018, alors qu'elle avait depuis le 29 septembre 2018 réussi le concours réservé au titre de l'année 2018, et aurait donc dû bénéficier de la rémunération comme ITPE à compter de cette date, alors qu'elle n'a, en toute hypothèse, été nommée comme ITPE stagiaire qu'à compter du 1er janvier 2019. De plus, elle ne saurait davantage invoquer une carence fautive de l'agence de l'eau RMC en faisant valoir que le RIFSEEP n'aurait pas dû lui être versé dès lors, qu'en toute hypothèse, tel n'a pas été le cas.

14. Enfin, ni le délai entre la publication des listes des lauréats du concours, la transmission de la proposition de reclassement, et sa nomination comme ITPE stagiaire, ni le maintien de sa rémunération comme agent contractuel dans l'attente d'une régularisation de sa situation et le délai mis pour lui réclamer un trop-perçu après sa nomination, n'apparaissent ici spécialement déraisonnables alors que, notamment, l'intéressée avait été informée dès avril 2019, avant d'accepter le bénéfice du concours le 5 mai suivant, qu'elle devrait rembourser un trop-perçu.

15. Par suite, aucune carence fautive imputable à l'agence de l'eau RMC susceptible de permettre la décharge partielle ou totale de la créance en litige réclamée à Mme B... ne saurait être retenue.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions être rejetée.

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera une somme de 2 000 euros à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02081

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02081
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques.

Fonctionnaires et agents publics - Cadres et emplois - Egalité de traitement entre agents d'un même corps.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Exception d'illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;21ly02081 ?
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