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23/01/2024 | FRANCE | N°22LY00432

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 23 janvier 2024, 22LY00432


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 mai 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Isère a refusé de reconnaître imputable au service l'accident du 5 juin 2015, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours gracieux du 19 juillet 2019.



Par un jugement n° 19075

57 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.



Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 mai 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Isère a refusé de reconnaître imputable au service l'accident du 5 juin 2015, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours gracieux du 19 juillet 2019.

Par un jugement n° 1907557 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 février 2022, M. B..., représenté par Me Bacha, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 décembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 29 mai 2019, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours gracieux du 19 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte journalière de 100 euros, au président du SDIS de l'Isère, de reconnaître imputable au service l'accident du 5 juin 2015, en conséquence, de le placer en congé de maladie imputable au service pour la période du 8 juin au 28 juillet 2015, en reconstituant ses droits à plein traitement, y compris ses droits sociaux ;

4°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge du SDIS de l'Isère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en raison de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme : deux de ses membres ayant siégé lors de l'examen initial de son dossier, il a été privé d'une garantie d'impartialité ;

- le médecin de sapeurs-pompiers n'a pas été régulièrement désigné par le préfet de l'Isère pour établir le rapport destiné à la commission de réforme ;

- la notification d'une décision portant refus d'avancement pour des motifs dont le caractère discriminatoire est reconnu ne saurait être rattachée à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2023, le service départemental d'incendie et de secours de l'Isère, représenté par Me Bontoux, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 mai 2023.

M. B... a produit un mémoire en réplique, enregistré le 28 décembre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique ou au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bacha pour M. B... ainsi que celles de Me Benhaddou pour le service départemental d'incendie et de secours de l'Isère.

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour M. B..., enregistrée le 11 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., sous-officier de sapeur-pompier professionnel, exerce ses fonctions au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Isère au centre de secours de Saint-Quentin-Fallavier. Le 5 juin 2015 lui a été notifié l'avis défavorable du chef du centre quant à sa demande d'avancement au grade de sergent. M. B... a été placé en arrêt de maladie le 8 juin 2015 et jusqu'au 28 juillet 2015, pour " état anxieux suite à un stress professionnel avec insomnie ", puis a initié une procédure tendant à ce que l'événement du 5 juin 2015, qu'il qualifie " d'accident ", soit reconnu imputable au service. Sur avis défavorable de la commission de réforme daté du 1er octobre 2015, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Isère, par une décision du 4 novembre 2015, a refusé de reconnaître imputable au service l'accident du 5 juin 2015, et, par arrêté du 23 octobre 2015, a placé M. B... en congé de maladie ordinaire pour la période du 8 juin au 28 juillet 2015. Par un jugement du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions, et a enjoint au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Isère de réexaminer la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de M. B..., dans un délai de quatre mois. Dans le cadre de l'injonction de réexamen prononcée par le tribunal administratif de Grenoble, le président du conseil d'administration du SDIS de l'Isère a opposé un nouveau refus d'imputabilité le 29 mai 2019. M. B... relève appel du jugement du 14 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce nouveau refus d'imputabilité du 29 mai 2019, et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours gracieux du 19 juillet 2019.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable, désormais repris aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

3. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion d'un entretien qui a eu lieu dans son bureau le vendredi 5 juin 2015, le chef de caserne de Saint-Quentin Fallavier a notifié à M. B... son avis motivé concernant la candidature du requérant à la campagne d'avancement au grade de sergent au titre de l'année 2016. Au cours de cet entretien, ce dernier a émis un avis défavorable à sa candidature, selon la motivation suivante : " Le CCH B... accomplit ses emplois opérationnels de manière satisfaisante. Il exprime depuis plusieurs mois par courriers successifs adressés au chef de caserne " qu'il n'arrive pas à trouver sa place " au sein du service " matériels d'intervention, hygiène VSAV et habillement " auquel il a été affecté depuis le 19 juin 2014 et il sollicite un changement de service, refusé par le chef de caserne. Le CCH B... démontre par cette attitude sa difficulté à s'adapter au changement. Il ne respecte pas les conditions du port de la tenue de travail en continuant à ne pas porter l'écusson du SDIS alors que le conflit social a pris fin ". Il ressort des motifs qui constituent le support nécessaire du dispositif de l'arrêt définitif n° 20LY00326 du 29 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon que les évaluations de M. B... et les rapports avec sa hiérarchie se sont dégradées depuis sa prise de parole contre la réforme statutaire du corps des sapeurs-pompiers à l'occasion de la Sainte Barbe le 1er décembre 2012, que l'intéressé a été affecté d'office en 2014 au service " matériels d'interventions, habillement, hygiène VSAV ", que le refus de modifier cette affectation n'est pas justifié par l'intérêt du service, que M. B... accomplit ses emplois opérationnels de manière satisfaisante et que les rappels à l'ordre de la part de sa hiérarchie quant à son comportement ne sont pas sans lien avec ses activités syndicales. Il résulte des constatations énoncées dans cet arrêt que les avis défavorables à l'inscription de M. B... sur la liste d'aptitude au grade de sergent émis successivement par le supérieur hiérarchique depuis 2014 caractérisent une discrimination en raison de son appartenance syndicale. Un tel comportement discriminatoire ne peut, par nature, être regardé comme se rattachant à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. La dégradation de l'état de santé de M. B... à la suite de l'entretien du 5 juin 2015 doit en conséquence être regardée comme présentant un lien direct avec le service.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

7. L'annulation de la décision du 29 mai 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Isère a refusé de reconnaître imputable au service l'accident du 5 juin 2015 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. B... implique nécessairement qu'il soit enjoint au président du conseil d'administration du SDIS de l'Isère de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont M. B... a été victime et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à rémunération et à retraite, dans la mesure rendue nécessaire par l'attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le SDIS de l'Isère demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge du requérant, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du SDIS de l'Isère une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 décembre 2021, la décision du 29 mai 2019 ainsi que la décision de rejet du recours gracieux de M. B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au SDIS de l'Isère de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident dont M. B... a été victime, et de reconstituer sa carrière, ainsi que ses droits à rémunération et à retraite, dans la mesure rendue nécessaire par l'attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le SDIS de l'Isère versera à M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00432
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BACHA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;22ly00432 ?
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