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23/01/2024 | FRANCE | N°22LY00214

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 23 janvier 2024, 22LY00214


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



L'association de défense environnementale du nord-Isère (ADENI) a demandé au tribunal administratif de Grenoble à titre principal, d'annuler, l'arrêté du préfet de l'Isère du 29 juin 2019 portant autorisation environnementale pour l'exploitation d'une unité de méthanisation sur le territoire de la commune d'Anthon, ensemble l'arrêté du même jour de prescriptions applicables à la SAS Saint-Louis Energies et, à titre subsidiaire, de renforcer les prescriptions applicables au projet

de manière à le rendre plus conforme à la réglementation applicable.



Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association de défense environnementale du nord-Isère (ADENI) a demandé au tribunal administratif de Grenoble à titre principal, d'annuler, l'arrêté du préfet de l'Isère du 29 juin 2019 portant autorisation environnementale pour l'exploitation d'une unité de méthanisation sur le territoire de la commune d'Anthon, ensemble l'arrêté du même jour de prescriptions applicables à la SAS Saint-Louis Energies et, à titre subsidiaire, de renforcer les prescriptions applicables au projet de manière à le rendre plus conforme à la réglementation applicable.

Par un jugement n° 1905104 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 janvier 2022, 3 mars 2023 et 16 juin 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'ADENI, représentée par Me Roche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2019 du préfet de l'Isère valant autorisation environnementale et l'arrêté de prescriptions complémentaire ; subsidiairement, de renforcer les prescriptions applicables au projet de manière à le rendre plus conforme à la réglementation applicable ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les derniers mémoires de l'ADENI et du préfet n'ont pas été communiqués, méconnaissant le principe du contradictoire ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'absence d'avis de l'autorité environnementale, sauf à ce qu'il soit démontré que le dossier a bien été instruit ; par ailleurs, l'avis de l'autorité environnementale a été rendu par une autorité ne disposant pas d'une autonomie suffisante ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le projet constitue un équipement d'intérêt collectif au sens de l'article 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le projet pouvait s'implanter en zone Bi'1 du PLU ;

- les travaux concernant le GAEC Saint-Louis et ceux concernant l'arrêté attaqué constituent un projet fractionné, qui aurait dû faire l'objet d'une même étude d'impact, réduisant illégalement son périmètre ;

- l'étude d'impact est insuffisante, s'agissant de l'impact du projet sur le trafic routier, des particules fines, de l'analyse des effets cumulés avec les installations d'ores et déjà existantes sur le site et autour du site d'assiette du projet, des mesures d'évitement, des espèces protégées, de la justification du choix retenu dans le cadre de la conception de l'autorisation, de la justification de l'impossibilité de mettre une cuvette de rétention, du risque d'inondation ;

- les conclusions du commissaire-enquêteur sont insuffisamment motivées ;

- le porteur du projet devait déposer une demande de dérogation pour destruction d'espèces protégées ;

- l'arrêté de prescriptions est incompatible avec le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) et le principe de proximité prévu à l'article L. 541-1 du code de l'environnement ;

- la SAS Saint-Louis Energies ne démontre pas ses capacités techniques et financières qui sont également insuffisamment présentées dans le dossier de demande ;

- les arrêtés sont illégaux en ce qui concerne le traitement des matières entrantes, et plus particulièrement des boues de stations d'épuration ;

- les arrêtés omettent de traiter la problématique relative à la RD 55 ;

- les arrêtés n'ont pas tenu compte des recommandations du commissaire-enquêteur ;

- il appartenait au préfet de fixer des horaires précis d'ouverture du site ;

- les arrêtés sont illégaux en l'absence de prescription visant à garantir que les intrants agricoles proviendront prioritairement du GAEC Saint-Louis ;

- l'arrêté de prescriptions applicables prévoit des capacités et productions annuelles et non journalières, en méconnaissance de l'article 7 de l'arrêté du 10 novembre 2009 ;

- l'arrêté de prescriptions méconnaît l'article 8 relatif à la prévention des risques d'incendie et d'explosion de l'arrêté du 10 novembre 2009 ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 42 de l'arrêté du 10 novembre 2009 relatif au dispositif de rétention prévu.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 juillet 2022 et 5 avril 2023, la société Saint-Louis Energies, représentée par Me Gandet, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la réformation des prescriptions applicables au projet relativement à la prise en compte des prescriptions de l'arrêté du 10 novembre 2009, à titre infiniment subsidiaire, à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'ADENI en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intérêt à agir de l'association requérante est insuffisamment justifié ;

- les moyens soulevés sont infondés.

Par un mémoire, enregistré le 19 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 20 juin 2022, la commune d'Anthon, représentée par la société Aklea société d'avocats, agissant par Me Roche, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 novembre 2021, à celle de l'arrêté du 29 mars 2019 portant autorisation environnementale, et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de la société Saint-Louis Energies et de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- un méthaniseur comportant une unité industrielle de déconditionnement de biodéchets ne saurait être qualifié d'équipement d'intérêt collectif ; à tout le moins, une unité de déconditionnement de biodéchets, parfaitement divisible du méthaniseur et sans intérêt pour l'activité agricole, ne saurait être qualifiée d'équipement d'intérêt collectif ;

- le projet, incompatible avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière, méconnait l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme et le PLU ;

- le projet est incompatible avec le PLU d'Anthon et le SCOT en ce qui concerne la consommation foncière.

La société Saint-Louis Energies, représentée par Me Gandet, a produit un mémoire en réponse à l'intervention, enregistré le 26 juillet 2022.

Par ordonnance du 20 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 10 novembre 2009 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations de méthanisation soumises à autorisation en application du titre Ier du livre V du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rollin pour l'association de défense environnementale du nord-Isère et la commune d'Anthon ainsi que celles de Me Gandet pour société Saint-Louis Energies.

Considérant ce qui suit :

1. La société Saint-Louis Energies a déposé le 26 juillet 2017 une demande d'autorisation environnementale pour l'exploitation d'une unité de méthanisation de déchets à Anthon au lieu-dit Saint-Louis sur la parcelle cadastrée section OD n° 175p. Par un arrêté du 29 mars 2019 valant autorisation environnementale, le préfet de l'Isère a délivré l'autorisation d'exploiter cette unité et a fixé dans son annexe les prescriptions applicables. Le projet a fait l'objet d'un premier arrêté complémentaire du 23 octobre 2020, portant mise à jour du tableau des activités et imposant de nouvelles prescription techniques à la SAS Saint-Louis Energies, prenant acte de sa décision de modifier le mode de valorisation du biogaz. Par un nouvel arrêté complémentaire du 25 août 2021, le préfet de l'Isère a encore modifié les prescriptions applicables au site exploité par la société Saint-Louis Energies sur la commune d'Anthon. L'association de défense environnementale du nord-Isère (ADENI) a demandé au tribunal administratif de Grenoble à titre principal d'annuler, l'arrêté du préfet de l'Isère du 29 mars 2019 portant autorisation environnementale pour l'exploitation d'une unité de méthanisation sur le territoire de la commune d'Anthon, ensemble l'arrêté du même jour de prescriptions applicables à la SAS Saint-Louis Energies et, à titre subsidiaire, de renforcer les prescriptions applicables au projet de manière à le rendre plus conforme à la réglementation applicable. Elle relève appel du jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Sur l'intervention de la commune d'Anthon :

2. Le projet contesté est situé sur le territoire de la commune d'Anthon, qui justifie, eu égard à l'objet et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de la requête. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ".

4. La société pétitionnaire a produit devant le tribunal l'arrêté préfectoral complémentaire du 25 août 2021. Le 3 septembre 2021, l'ADENI a produit un mémoire, faisant valoir que l'arrêté attaqué ne saurait être considéré comme régularisé par cet arrêté complémentaire. En réponse, la société Saint-Louis Energies a produit un mémoire, enregistré au greffe du tribunal le 24 septembre 2021, et qui a été communiqué à la requérante. L'ADENI reproche aux premiers juges l'absence de communication ultérieure de deux autres mémoires, enregistrés au greffe du tribunal les 8 octobre 2021 et 29 octobre 2021.

5. D'une part, si la requérante conteste l'absence de communication de son propre mémoire du 8 octobre 2021, répondant à l'argumentation développée par la société Saint-Louis Energies dans son mémoire du 24 septembre 2021, s'agissant de la portée du plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), dès lors qu'il n'a pas été fait droit à sa demande, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative pour se plaindre de l'absence de communication à la partie adverse de ses écritures, cette absence n'ayant pu préjudicier à ses droits.

6. D'autre part, si, pour rejeter les conclusions de l'ADENI, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur les prescriptions de cet arrêté complémentaire du 25 août 2021, le mémoire du préfet du 29 octobre 2021 ne comportait pas d'élément nouveau sur lequel le tribunal se serait fondé pour écarter, au point 28 du jugement attaqué, le moyen de la requérante tiré de l'incompatibilité alléguée de l'article 6 de l'arrêté attaqué, modifié par l'arrêté complémentaire du 25 août 2021 avec le PRPGD approuvé le 19 décembre 2019.

7. L'ADENI n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement en litige aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière en raison de la méconnaissance du principe du contradictoire.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

8. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge du plein contentieux d'en apprécier la légalité au regard des règles de procédure applicables à la date de délivrance de l'autorisation.

Sur la présentation des capacités techniques et financières du pétitionnaire :

9. Aux termes des dispositions de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement, applicable à la date de délivrance de l'autorisation litigieuse : " (...) / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir. Dans ce dernier cas, l'exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ".

10. Il résulte des règles de procédure prévues par ces dispositions que le dossier d'une demande d'autorisation déposée depuis le 1er mars 2017 ne doit plus comporter des indications précises et étayées sur les capacités techniques et financières exigées par l'article L. 181-27 mais seulement une présentation des modalités prévues pour établir ces capacités, si elles ne sont pas encore constituées.

11. Il ressort du dossier de demande d'autorisation environnementale que la société Saint-Louis Energies a prévu que l'investissement nécessaire à l'installation, évalué à 5 480 172 euros hors taxes, serait financé à hauteur de 750 000 euros (13,69 %) par des fonds propres, et au moyen de subventions à hauteur de 400 000 euros (7,30 %), et d'un financement bancaire à hauteur de 4 430 131 euros (79,02 %). Dès lors que l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement précité permet à l'exploitant de justifier jusqu'à la mise en service de l'installation des capacités financières qu'il entend mettre en œuvre, le dossier n'avait pas à comporter d'engagement bancaire quant au financement du projet. Dans ces conditions, le dossier comporte une présentation suffisante des modalités par lesquelles le pétitionnaire entend disposer des capacités financières exigées par l'article L. 181-27 du code de l'environnement.

Sur la nécessité d'une étude d'impact d'ensemble :

12. L'ADENI soutient que les travaux concernant l'arrêté attaqué forment avec ceux du GAEC Saint-Louis un projet unique qui aurait dû faire l'objet d'une étude d'impact d'ensemble conformément au II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement.

13. Toutefois, la seule circonstance qu'une grande partie des intrants proviendra du GAEC Saint-Louis ne saurait suffire à caractériser un unique projet, alors que l'augmentation de l'élevage de bovins du GAEC Saint-Louis, ayant d'ailleurs donné lieu à un arrêté d'enregistrement du 23 mars 2018, constitue un projet autonome du projet en litige. Le moyen selon lequel les deux projets auraient dû faire l'objet d'une étude d'impact conjointe ne peut qu'être écarté.

Sur l'insuffisance de l'étude d'impact :

14. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant du trafic routier sur la route départementale n° 55 :

15. L'accès au site du projet se fait depuis la route départementale RD 55 grâce à un chemin d'exploitation privé goudronné contournant les bâtiments du GAEC Saint-Louis. Un pont-bascule situé sur le chemin d'accès a permis de disposer de données permettant de connaître sur l'année 2016, le nombre de passages de camions à cet endroit, liés aux activités du GAEC Saint-Louis et des plateformes de compostage à proximité. A l'appui de son moyen selon lequel l'étude d'impact concernant l'analyse du trafic routier et l'impact du projet sur le trafic routier serait insuffisante, l'ADENI fait valoir que certains passages n'ont pas été comptabilisés dans le comptage opéré, que seuls les camions entrants sont comptabilisés dans l'étude et non les camions sortants, alors qu'un seul accès dessert le site, entraînant mathématiquement une division par deux de l'impact sur le trafic routier, que le trafic sur le RD 55 a été considérablement sous-évalué, en prenant pour référence l'année 2016, et précise que les camions et remorques tractées, véhicules lourds et peu manœuvrables, vont nécessairement impacter le trafic.

16. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les données initiales de ce trafic seraient erronées alors même que les données sur le trafic généré par les activités existantes ont été recueillies par le pétitionnaire et non par un bureau d'étude. Il résulte des précisions apportées par le pétitionnaire dans son mémoire en réponse au rapport du commissaire-enquêteur qu'il y a bien en moyenne 27 véhicules qui passent (aller-retour) par jour sur le site, les véhicules ne se pesant qu'une fois, à l'entrée s'ils apportent des intrants ou à la sortie s'ils exportent des matières. Comme l'ont relevé les premiers juges, le commissaire-enquêteur a d'ailleurs relevé page 56 de son rapport que la réponse apportée par la société Saint-Louis Energies permettait d'avoir une définition précise et claire des chiffres présentés et de valider le nombre de rotations de véhicules (camions, tracteurs) sur le site actuel du GAEC et des deux plateformes. Il a également confirmé page 63 de son rapport l'existence d'une erreur de lecture commise par l'ADENI de la carte issue du schéma directeur Vélo du Nord-Isère et précisé que l'étude d'impact sur le trafic local figurant aux pages 165 à 167 du document 3 de l'étude d'impact est assise sur des données exactes et vérifiées. En outre, le trafic supplémentaire généré par le projet lié à l'approvisionnement en matières premières et à l'évacuation des produits, évalué à 13,8 trajets par jour ouvré et 1,8 passages par heure, n'apparaît pas excessif par rapport au trafic existant puisqu'il ne représente, selon l'étude d'impact, qui n'est pas sérieusement remise en cause, que 0,37 % du trafic total. Le porteur de projet a proposé des aménagements de sécurité routière pour l'accès au site, en particulier la mise en place de panneaux de dangers lumineux et la création d'une voie spéciale de tourne-à-gauche, qui ont été validés par le conseil départemental de l'Isère, gestionnaire de la voie, dans le cadre de l'instruction du permis de construire délivré et non contesté. Si l'ADENI se prévaut de la carte des trafics moyens journaliers annuels sur les routes de l'Isère pour les années 2018 et 2019, ces données ne pouvaient être prises en compte par l'étude d'impact réalisée antérieurement. Il résulte de ce qui précède que les éléments figurant au dossier d'enquête publique ont permis au public comme à l'administration compétente de disposer d'une information suffisante sur le trafic existant et le trafic supplémentaire généré par le projet.

S'agissant des particules fines :

17. L'ADENI reproche à l'étude d'impact de ne pas avoir évalué spécifiquement l'impact des particules fines PM 2,5 émise par la combustion de biogaz. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le projet, compte tenu de son importance et de sa nature, engendrerait un risque particulier d'émissions de particules fines. En outre, le secteur, bien que sensible à la pollution atmosphérique et aux particules, n'est pas couvert par un plan de protection de l'atmosphère. Dans les circonstances de l'espèce, l'ADENI ne démontre par aucun élément probant en quoi les incidences prévisibles des émissions de particules PM 2,5, justifiaient une analyse spécifique dans l'étude d'impact.

S'agissant des effets cumulés de l'unité de méthanisation avec les autres activités existantes dans la zone :

18. L'ADENI réitère en appel son moyen selon lequel les installations d'ores et déjà présentes sur le site et autour du site d'assiette du projet auraient été insuffisamment prises en compte. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.

S'agissant de l'insuffisante justification du choix retenu :

19. L'étude d'impact évalue les principaux modes de valorisation du biogaz et du digestat ainsi que les potentialités de l'installation et justifie aux pages 151 à 153, le choix finalement retenu ainsi que la localisation. Il est notamment indiqué que l'unité se trouve au plus proche du GAEC Saint-Louis, fournisseur de matières entrantes, et au cœur des terres agricoles qui seront fertilisées grâce au digestat produit par la méthanisation. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 10 novembre 2009 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations de méthanisation soumises à autorisation, aux termes duquel " l'étude d'impact évalue les principaux modes de valorisation du biogaz, du digestat, les potentialités de l'installation, et justifie le choix finalement retenu ", doit être écarté.

S'agissant de l'absence de justification de l'impossibilité de mettre en place une cuve de rétention :

20. L'ADENI soutient que l'article 42 de l'arrêté du 10 novembre 2009 n'envisage la mise en place d'un dispositif de drainage qu'en cas d'impossibilité justifiée dans l'étude d'impact de mettre en place une cuvette de rétention, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce. Toutefois, l'étude d'impact indique que les liquides polluants seront stockés dans des cuves étanches, associées à une rétention réglementaire. Le pétitionnaire a ainsi choisi d'associer tous les stockages à un dispositif de rétention, qu'il décrit pages 197 et 198. Le dispositif de drainage est mis en place en sus, de sorte que la requérante ne saurait se prévaloir d'une insuffisance à ce titre de l'étude d'impact.

S'agissant du risque inondation :

21. Une partie de l'emprise du projet se situe dans le sous-secteur Bi'1, relatif à un risque faible d'inondation. L'ADENI ne saurait sérieusement prétendre à l'absence totale de prise en compte du risque d'inondation par l'étude d'impact, puisque ce document mentionne page 187, que " le site du projet n'est pas concerné par l'aléa Inondation par débordement du Rhône compte tenu de son éloignement. Il est concerné par une sensibilité très faible à inexistante pour l'aléa inondation par remontée de nappe. Compte tenu de la profondeur de la nappe souterraine (30 m), le projet n'est pas concerné ". Dans ces conditions, l'étude d'impact ne souffre d'aucune insuffisance sur ce point.

S'agissant des mesures d'évitement :

22. Compte tenu, d'une part, de ce qui a été dit au point 16 s'agissant du trafic supplémentaire généré par le projet, d'autre part, du faible impact olfactif de l'unité de méthanisation relevé par le commissaire-enquêteur, en se bornant à soutenir que les aménagements prévus sur la RD 55, notamment la mise en place du tourne-à-gauche, et la campagne de mesures d'odeurs qui sera réalisée la première année de fonctionnement, seraient insuffisantes, l'ADENI ne démontre pas que l'arrêté en litige aurait été délivré sur le fondement d'une étude d'impact incomplète.

S'agissant des espèces protégées :

23. Selon le " A retenir " figurant p. 70, faisant la synthèse des enjeux de l'étude d'impact, " la faune du site d'étude et des alentours est pauvre. Les espaces agricoles et le corps de ferme n'abritent que quelques espèces d'Oiseaux et d'Insectes généralistes et très probablement le Lézard des murailles. Seule une espèce patrimoniale, le Milan noir, a été contactée au sein de l'aire d'étude étendue. Des espèces protégées ont été contactées parmi deux des taxons prospectés : les Mammifères et les Oiseaux. Les potentialités en termes d'accueil de la faune au sein de l'aire d'étude rapprochée sont très limitées. Hormis le Lézard des murailles, le Lézard vert, le Triton palmé et certaines espèces d'Oiseaux anthropophiles ou de passage, aucune espèce protégée n'est susceptible de fréquenter le site ". Si comme le soutient l'ADENI, ce document démontre que la présence d'espèces protégées sur le site du projet est avérée, cette seule circonstance ne permet pas d'établir, contrairement à ce qu'elle soutient, que l'étude d'impact serait insuffisante. L'étude d'impact rappelle que la sensibilité du milieu et les enjeux sont considérés comme faibles. En effet, pour ce qui concerne l'Avifaune, les espèces contactées, une quinzaine, sont majoritairement des espèces généralistes ou à faibles exigences écologiques. La surface de la zone d'implantation du projet étant occupée par des parcelles agricoles, le milieu offre une faible capacité d'accueil pour l'avifaune nicheuse. En particulier, si le Milan noir fréquente les alentours du site du projet, notamment les plateformes de compostages des alentours, cette espèce n'y est pas nicheuse. Parmi les espèces contactées, figurent également le Chardonnet élégant et l'Hirondelle rustique, mais l'étude d'impact a conclu à des enjeux faibles ou très faibles, sans que cette conclusion ne soit sérieusement critiquée. Pour ce qui concerne la mammofaune, hors chiroptère, l'étude d'impact indique que les prospections permettent de suspecter la présence ponctuelle du Chevreuil européen au sein de l'aire d'étude rapprochée. La présence du Lièvre d'Europe, de l'Ecureuil roux et du Lapin de garenne n'est quant à elle été établie qu'au sein de l'aire d'étude étendue. Aucune autre espèce de mammifères (hors chiroptères) n'a été contactée. L'étude d'impact conclut à un enjeu faible concernant les mammifères. Pour ce qui concerne l'Herpétofaune, l'étude d'impact mentionne qu'aucune espèce de reptile n'a été contactée, mais que la présence du Lézard des murailles sur le site d'étude est néanmoins presque certaine. Elle conclut à un enjeu faible, après avoir précisé que le Lézard des murailles est une espèce commune qui s'adapte bien aux changements d'habitats et à l'anthropisation. Par suite, l'analyse des impacts du projet sur les espèces faunistiques et floristiques apparait suffisante et proportionnée au projet. A supposer même que cette étude comporterait certaines insuffisances, il ne résulte pas de l'instruction que celles-ci auraient eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou aurait été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Sur l'avis du commissaire-enquêteur :

24. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire-enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies./ Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public./ Le commissaire-enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. /(...) ". Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire-enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

25. D'une part, le commissaire-enquêteur n'avait pas à répondre de manière détaillée à l'ensemble des observations formulées au cours de l'enquête ni aux avis défavorables émis par chacune des communes consultées. Il a d'ailleurs répondu aux reproches formulés par les communes concernées, en regroupant selon des thèmes communs les différentes observations versées au cours de l'enquête publique.

26. D'autre part, il résulte de l'instruction que le commissaire- enquêteur a donné un avis favorable au projet, sans réserve, assorti de cinq recommandations, qui illustrent ainsi la prise de position personnelle du commissaire-enquêteur quant au projet en litige. Le commissaire-enquêteur s'est ainsi livré à une appréciation personnelle et suffisamment circonstanciée et a pris position sur le dossier. Le moyen mettant en cause, à cet égard, la régularité de l'enquête publique doit ainsi être écarté.

Sur l'avis de l'autorité environnementale :

27. Aux termes du II de l'article R. 122-7 du code de l'environnement : " L'autorité environnementale, lorsqu'elle tient sa compétence du I ou du II de l'article R. 122-6, se prononce dans les trois mois suivant la date de réception du dossier mentionné au premier alinéa du I et, dans les autres cas, dans les deux mois suivant cette réception. Ce délai est fixé à deux mois pour les collectivités territoriales et leurs groupements. L'avis de l'autorité environnementale, dès son adoption, ou l'information relative à l'absence d'observations émises dans le délai, est mis en ligne sur internet. (...) ".

28. Il résulte de l'instruction que l'autorité environnementale n'a pas présenté d'observations sur le projet dans le délai prévu par les dispositions de l'article R. 122-7 du code de l'environnement, donnant ainsi naissance à un avis tacite. Il ne résulte pas de l'instruction que l'autorité environnementale, qui n'a pas à justifier d'actes d'instruction, se serait abstenue d'examiner ce dossier d'autorisation.

29. L'ADENI soutient que l'avis de l'autorité environnementale a été émis au terme d'une procédure irrégulière au regard des exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 imposant que, dans le cas où l'autorité publique compétente pour autoriser un projet est en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

30. Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l'avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu'autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive, sauf dans le cas où c'est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d'autorisation et préparé l'avis de l'autorité environnementale.

31. Au cas d'espèce, le projet a été instruit par le service de santé et protection animale et de l'environnement de la direction départementales de la protection des populations pour le compte du préfet de l'Isère, tandis que l'autorité environnementale consultée était la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), dépendant du préfet de région.

32. Le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale doit donc être écarté.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

33. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécient au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

Sur la méconnaissance des dispositions du PLU :

34. Aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques (...) ".

35. Aux termes de l'article 3 des dispositions générales du règlement du PLU d'Anthon : " en zone A peuvent seules être autorisées : /- les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ; / - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ".

36. Il résulte de l'instruction que l'installation autorisée traitera les effluents d'élevage et la matière végétale brute d'exploitations agricoles proches, ainsi que des biodéchets (déchets de collectivités et des déchets agroalimentaires). Elle est composée d'un centre de déconditionnement de biodéchets, d'un méthaniseur appelé digesteur, transformant les matières organiques en biogaz, lequel sera épuré pour devenir du biométhane qui sera directement injecté dans le réseau public de gaz naturel. Le résidu, appelé digestat, sera également valorisé. Le digestat solide sera valorisé avec des déchets verts dans l'unité de compostage que prévoit également le projet.

37. L'ADENI et la commune d'Athon font valoir que l'activité de déconditionnement, soumise à autorisation est une activité autonome, ne relevant pas de la méthanisation elle-même, sans intérêt pour l'activité agricole, et qui ne saurait être qualifiée d'équipement d'intérêt collectif. Toutefois, et en tout état de cause, à supposer que cette activité accessoire de traitement de biodéchets ne serait pas en elle-même d'intérêt collectif, tel est le cas de la méthanisation, qui a pour objectif de produire de l'énergie à partir de la valorisation de déchets d'origine biologique et d'injecter cette énergie dans le réseau public de gaz naturel. Il n'est pas démontré ni même allégué que le projet serait incompatible avec l'activité agricole, qui est maintenue à proximité immédiate du terrain d'implantation du projet. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent ne peut donc qu'être écarté, sans qu'il soit besoin d'apprécier si le projet est nécessaire à l'exploitation agricole.

38. Une partie de l'emprise du projet se situe dans le sous-secteur Bi'1, relatif à un risque faible d'inondation. L'ADENI soutient à hauteur d'appel que des exhaussements sont prévus au droit de la zone inondable, alors que l'article A1 du règlement du PLU interdit notamment au sein de sous-secteurs Bi'1 " les affouillements ou exhaussements de sol, sauf dans le cadre de travaux et aménagements de nature à réduire les risques ou d'infrastructures de desserte après étude d'incidence ".

39. Toutefois, les dispositions du règlement d'un PLU interdisant les affouillements et exhaussements du sol ne sont pas applicables aux travaux de mise en état des terrains d'assiette des bâtiments et autres ouvrages dont la construction fait l'objet d'un permis de construire délivré conformément à d'autres dispositions du même règlement d'urbanisme. En tout état de cause, le dossier de permis de construire prévoit de tels exhaussements afin de réduire les risques.

40. La commune d'Anthon fait valoir que le projet d'aménagement et de développement durables du PLU fixe un objectif de limitation de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain, et que le lieudit Saint-Louis est identifié par le SCOT comme un espace à vocation agricole à préserver, de sorte que le projet serait incompatible avec le PLU d'Anthon et le SCOT en ce qui concerne la consommation foncière. Cependant, l'intervenante ne peut utilement se prévaloir de ces documents d'urbanisme, qui ne sont pas directement opposables à l'autorisation en litige. Il n'apparaît pas qu'elle ait entendu se fonder, par exception, sur une incompatibilité du PLU avec le SCOT.

Sur l'absence de dérogation au titre des espèces protégées :

41. Le système de protection des espèces, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection et du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

42. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. Les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

43. Il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de ce qui a été dit au point 23 que le projet présente un risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées. La société pétitionnaire donc n'était pas soumise à l'obligation de demander une dérogation au sens des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

Sur la compatibilité du projet avec la législation sur les déchets :

44. D'une part, aux termes de l'article L. 512-14 du code de l'environnement : " Les dispositions prises en application du présent titre doivent, lorsqu'elles intéressent les déchets, prendre en compte les objectifs visés à l'article L. 541-1. ". Au nombre des objectifs visés par l'article L. 541-1 de ce code figure notamment celui " d'organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume selon un principe de proximité ".

45. En vertu de l'article 13 de l'arrêté du 10 novembre 2009 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations de méthanisation soumises à autorisation, l'arrêté préfectoral d'autorisation doit préciser l'origine géographique et la nature des matières admises dans l'installation. L'article 6 modifié par l'arrêté complémentaire du 25 août 2021 prévoit que les intrants de l'unité proviennent, en tonnage sur une année civile d'activité, à 90 % d'exploitations ou d'installations situées dans un rayon inférieur à 50 kilomètres du site d'implantation de l'unité et à 10 % d'exploitations ou d'installations de la région Auvergne Rhône-Alpes ou des départements français limitrophes à la région Rhône-Alpes. L'ADENI se borne à soutenir que le traitement à 50 km du lieu de production est contestable et que l'admission de 10 % de déchets, au-delà de ces kilomètres, ne saurait " respecter " le principe de proximité, n'établit pas l'insuffisante prise en compte de ce principe.

46. D'autre part, si le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) approuvé le 19 décembre 2019, avec lequel le projet doit être compatible, recommande " une limitation des transports routiers aux déchets provenant ou en direction des départements limitrophes ", une autre disposition de ce plan indique qu'il " ne peut édicter des mesures d'interdiction générales " ayant par exemple pour effet d'interdire les mouvements de déchets inter-régionaux. Alors qu'une telle incompatibilité doit s'apprécier en outre, dans le cadre d'une analyse globale, sans rechercher l'adéquation à chaque disposition ou objectif particulier, le moyen tiré d'une incompatibilité de l'arrêté contesté avec le PRPGD, lequel comporte également un objectif de développement des unités de méthanisation, ne peut qu'être écarté.

Sur l'insuffisance des capacités financières du pétitionnaire :

47. Il résulte des dispositions des articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement, que lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

48. Les modalités selon lesquelles la société exploitante entend disposer de capacités financières suffisantes, rappelées au point 11, apparaissent pertinentes pour lui permettre d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site. Dans ces conditions, et alors qu'elle fait désormais état de subventions de l'ADEME ainsi que de la région Auvergne-Rhône-Alpes à hauteur de 1 081 000 euros, le moyen tiré du caractère insuffisant des capacités techniques et financières doit être écarté.

Sur l'effectivité des mesures prévues par le pétitionnaire :

49. En vertu de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Il résulte de ces dispositions que les mesures proposées par le pétitionnaire afin d'éviter et de réduire les atteintes portées par le projet aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement doivent présenter des garanties d'effectivité suffisantes.

50. Si l'ADENI soutient qu'aucun délai n'est indiqué pour la réalisation des aménagement routiers prévus par le projet, qui nécessitent l'accord du gestionnaire du domaine public routier, et des autorisations d'urbanisme, il résulte de l'instruction que le permis de construire a été délivré par un arrêté du 7 mars 2018, qui reprend à titre de prescriptions les préconisations du gestionnaire de la voie et qui n'a fait l'objet d'aucun recours contentieux, de sorte que leur réalisation présente des garanties d'effectivité suffisantes.

Sur l'insuffisance des prescriptions préfectorales :

51. Lorsqu'elles lui apparaissent nécessaires, eu égard aux particularités de la situation, pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le préfet doit assortir l'autorisation environnementale qu'il délivre de prescriptions additionnelles, en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour ces intérêts.

S'agissant des intrants :

52. Le préfet n'est pas tenu de suivre les recommandations du commissaire-enquêteur. Dès lors, l'association requérante ne saurait reprocher au préfet de ne pas avoir repris ces recommandations en la matière.

53. Il résulte de l'instruction que le projet comportera une capacité de traitement annuel de 25 520 tonnes d'intrants dont 14 020 tonnes issues d'exploitations agricoles. L'article 6 de l'arrêté de prescriptions complémentaires du 29 mars 2019 intitulé " capacité de l'installation " indique que les matières agricoles représentent 14 020 tonnes soit 54,94 % de la totalité des intrants, 11 500 tonnes/an soit 45,06 % de matières industrielles (biodéchets) et de matières d'intérêt agronomique issues du traitement des eaux (MIATE).

54. L'ADENI soutient que les résidus de céréales et les déchets biodégradables de jardin ne se rattachent pas à des matières " provenant d'exploitations agricoles ", contrairement aux énonciations de cet article 6, de sorte que l'arrêté attaqué ne prévoit pas les conditions pour que l'article L. 311-1 du code rural soit respecté, un tel moyen est inopérant en vertu de l'indépendance des législations.

55. La requérante déduit de ses précédentes constatations que les MIATE précitées pourraient, selon la rédaction de l'article 6 précité, représenter 50 % des intrants. Cependant, l'exploitant est tenu de respecter cette limite, expressément rappelée par l'article 6, qui précise " que la quantité de MIATE associée à celle des biodéchets ne peut pas dépasser 50 % de la totalité des intrants ".

56. Le dossier de demande d'autorisation environnementale prévoit que 120 tonnes/an maximum de boues de stations d'épuration urbaines seront traitées. Le préfet n'avait pas à rappeler dans son article 6 des prescriptions applicables ce seuil de 120 tonnes/an que l'exploitant est tenu de respecter comme le rappelle au demeurant l'article 3 de l'autorisation environnementale en litige.

57. Comme il a été dit, l'article 6 modifié par l'arrêté complémentaire du 25 août 2021 prévoit que les intrants de l'unité proviennent, en tonnage sur une année civile d'activité, à 90 % d'exploitations ou d'installations situées dans un rayon inférieur à 50 kilomètres du site d'implantation de l'unité. Alors que le dossier de demande prévoit seulement que les intrants agricoles admis sur le site proviendront du GAEC Saint-Louis et d'autres exploitations agricoles, l'ADENI ne peut utilement reprocher à l'arrêté de ne pas contenir de prescription visant à garantir que les intrants agricoles proviendront prioritairement du GAEC Saint-Louis.

S'agissant des nuisances olfactives :

58. L'article 28 de l'arrêté de prescriptions complémentaires du 29 mars 2019, concernant les odeurs, prévoit que " Pour les installations nouvelles susceptibles d'entraîner une augmentation des nuisances odorantes, l'étude d'impact inclut un état initial des odeurs perçues dans l'environnement du site selon une méthode décrite dans le dossier de demande d'autorisation. Dans un délai d'un an après la mise en service, l'exploitant procède à un nouvel état des odeurs perçues dans l'environnement selon la même méthode. Les résultats en sont transmis à l'inspection des installations classées au plus tard dans les trois mois qui suivent. Un observatoire des Odeurs devra être mis en place en concertation avec les communes voisines et concernera toutes les activités de l'agro-site Saint Louis, à savoir le site de méthanisation SAINT LOUIS ÉNERGIES, et les sites de compostage CONFLUENCE AMENDEMENTS et VALTERRA ENVIRONNEMENT. Un bilan annuel sera effectué des réunions faites avec les riverains participants à cet observatoire. Une campagne de mesures d'odeurs sera réalisée la première année de fonctionnement à l'échelle de l'ensemble des activités de l'agro-site Saint-Louis. En cas de plainte de nuisances olfactives liées à l'installation de méthanisation, d'autres mesures devront être réalisées les années suivantes. Dans tous les cas, si les mesures révèlent des nuisances olfactives, les causes seront recherchées et des mesures correctives seront mises en place ". La requérante ne démontre pas en quoi ces prescriptions seraient insuffisantes.

S'agissant des risques pour la sécurité publique :

59. L'ADENI soutient que les arrêtés omettent de traiter la problématique relative à la RD 55, qu'ils n'ont pas tenu compte des recommandations du commissaire-enquêteur, ni imposé des aménagements ou horaires de desserte du site, à titre de prescription complémentaire. Toutefois, comme il a été dit, le préfet n'est pas tenu de suivre les recommandations du commissaire-enquêteur. En outre, compte tenu de l'analyse du trafic existant et des projections futures de l'étude d'impact relevées au point 16, la réalisation des aménagements routiers prévus par le projet est suffisante et présente des garanties d'effectivité suffisantes comme il a été dit au point 47. Il ne résulte pas de l'instruction que le préfet aurait dû prévoir des prescriptions particulières relatives au trafic et à l'accessibilité du site.

S'agissant de l'information du public sur l'avancement du projet :

60. Le moyen selon lequel il appartenait au préfet de suivre les recommandations du commissaire-enquêteur doit être écarté pour les motifs déjà exposés.

S'agissant des horaires d'accès au site :

61. L'ADENI réitère en appel son moyen critiquant l'absence de fixation des horaires d'ouverture du site. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur la méconnaissance de l'arrêté du 10 novembre 2009 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations de méthanisation soumises à autorisation :

62. L'ADENI réitère en appel ses moyens tirés de la violation des articles 7, 8 et 42 de cet arrêté. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges, alors, comme il a été dit, que l'exploitant est tenu de respecter les conditions du dossier de demande d'autorisation déposé comme le rappelle l'article 3 de l'autorisation environnementale en litige.

63. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'ADENI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

64. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ADENI demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Saint-Louis Energies sur le fondement de ces mêmes dispositions. La commune d'Anthon, n'étant pas, en sa qualité d'intervenante, partie à la présente instance, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la commune d'Anthon est admise.

Article 2 : La requête de l'ADENI est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Saint-Louis Energies et la commune d'Anthon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de défense environnementale du nord-Isère, à la société Saint-Louis Energies, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune d'Anthon.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00214
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : AKLEA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;22ly00214 ?
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