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23/01/2024 | FRANCE | N°22LY00179

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 23 janvier 2024, 22LY00179


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire Alpes Isère (CHUGA) à lui verser une somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subi selon elle du fait d'agissements de harcèlement moral commis à son encontre, assortie des intérêts moratoires légalement dus à compter de la réception de la demande préalable et leur capitalisation annuelle.



Par un jugement n° 1906223 du 16 novembre 2021, le tr

ibunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour



Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire Alpes Isère (CHUGA) à lui verser une somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subi selon elle du fait d'agissements de harcèlement moral commis à son encontre, assortie des intérêts moratoires légalement dus à compter de la réception de la demande préalable et leur capitalisation annuelle.

Par un jugement n° 1906223 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2022 et un mémoire en réplique, enregistré le 11 mai 2023, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 novembre 2021 ;

2°) de condamner le CHUGA à lui verser une indemnité de 50 000 euros, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation annuelle ;

3°) de mettre à la charge du CHUGA une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'accident de service du 4 février 2019, reconnu comme imputable au service, est fondé exclusivement sur les faits de harcèlement moral dont elle a été victime ;

- dès lors que les agissements de harcèlement moral sont établis, son supposé comportement ne peut être une cause d'amoindrissement de son préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2022, le CHUGA, représenté par Me Bracq conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a commis aucune faute ; le harcèlement n'est pas établi ; la reconnaissance d'un accident de service ne signifie nullement qu'une faute a été commise ;

- la demande indemnitaire est, en tout état de cause, disproportionnée.

Par ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Cavalli pour Mme A... ainsi que celles de Me Teston pour le Centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., adjointe des cadres hospitaliers employée par le CHUGA, comme responsable de la gestion administrative des achats de produits de santé pharmaceutiques, relève appel du jugement du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Lorsqu'un agent est victime, dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral visés à l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci.

3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

6. Pour soutenir avoir subi des faits constitutifs de harcèlement, Mme A... fait état d'une situation conflictuelle avec sa supérieure hiérarchique et des pressions psychologiques qui se seraient notamment manifestées par une réduction de ses missions. La requérante n'apporte, pas davantage qu'en première instance, dans la présente instance, aucun élément précis à l'appui des reproches généraux qu'elle formule. En particulier, si le pôle pharmacie au sein duquel Mme A... travaillait a connu, dans l'intérêt du service, une réorganisation, positionnant un pharmacien comme responsable du secteur administratif, la prétendue réduction des missions de l'intéressée ne résulte pas de l'instruction. Il n'est pas établi que les appréciations portées à l'occasion de son évaluation pour l'année 2018, réalisée le 19 octobre 2018, qu'elle a d'ailleurs contestée sans succès, faisant état d'un " relationnel perfectible ", seraient entachées d'inexactitudes. Mme A... ne produit aucun élément de fait susceptible de corroborer l'existence d'un comportement de sa supérieure hiérarchique excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. La réalité des pressions psychologiques, remarques vexatoires et humiliations qu'elle prétend avoir subies n'est nullement étayée par des éléments produits au dossier. La seule circonstance que, selon sa déclaration d'accident du 4 février 2019, Mme A... aurait subi un choc post traumatique suite à un conflit professionnel ne suffit pas pour faire présumer les faits de harcèlement dont elle se prétend victime. Au demeurant, selon les observations du CHUGA sur les circonstances de cet accident, plusieurs collègues de Mme A... se sont plaints de l'agressivité de la requérante, de sorte que son propre comportement participe de la situation conflictuelle qu'elle décrit.

7. Enfin, comme l'oppose le défendeur, à supposer même que Mme A... puisse être regardée comme l'invoquant comme un fait générateur de responsabilité, la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 4 février 2019 ne signifie nullement qu'une faute de nature à engager la responsabilité du CHUGA aurait été commise.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre du CHUGA, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions qu'il présente au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du CHUGA présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au Centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00179
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL ASTERIO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;22ly00179 ?
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