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23/01/2024 | FRANCE | N°21LY03611

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 23 janvier 2024, 21LY03611


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Vichy à lui verser la somme de 15 929 euros, correspondant au montant de l'indemnité de précarité qu'elle estime lui être due, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2018.



Par un jugement n° 1901234 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.





Procédure devant la c

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Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2021 et 3 avril 2023, Mme B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Vichy à lui verser la somme de 15 929 euros, correspondant au montant de l'indemnité de précarité qu'elle estime lui être due, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2018.

Par un jugement n° 1901234 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2021 et 3 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Golfier-Métais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 septembre 2021 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Vichy à lui verser la somme de 15 929 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le bénéfice de l'indemnité de précarité prévue par l'article L. 1243-8 du code du travail, applicable aux praticiens contractuels en vertu de l'article R. 6152-418 du code de la santé publique, lui a été refusé ;

- le montant de l'indemnité à lui verser s'élève à la somme de 15 929 euros, correspondant à 10 % de la rémunération totale brute de 152 270,27 euros qui lui a été versée au titre des quatre contrats de praticien contractuel successifs, pour la période du 10 novembre 2016 au 9 novembre 2018, à laquelle il convient d'ajouter la somme relative aux congés payés non pris et réglés tardivement, à hauteur de 7 025,44 euros.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre 2022 et 15 mai 2023, le centre hospitalier de Vichy, représenté par Me Lesné (SELARL Houdart et associés), conclut, à titre principal, au rejet de la requête de Mme B..., à titre subsidiaire, à la limitation au montant de 15 227 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2019, de la somme à verser à l'appelante et à ce que soit mise à la charge de cette dernière une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 juin 2023.

Vu le jugement attaqué et les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tallec, président,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Laurent, représentant le centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy.

Considérant ce qui suit :

1. Docteur en médecine titulaire d'un diplôme d'études spécialisées de chirurgie générale, Mme B... a été recrutée par le centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy comme assistante spécialisée, et affectée dans le service de chirurgie urologique, par contrat à durée déterminée, pour la période du 10 novembre 2014 au 9 novembre 2016. A compter du 10 novembre 2016, Mme B... a été recrutée par l'établissement, sur le fondement de l'article R. 6152-402-4° du code de la santé publique, en qualité de praticien contractuel à temps plein, par un contrat d'une durée de six mois, suivi de trois avenants de même durée, et affectée dans le même service jusqu'au 9 novembre 2018. Ayant quitté ses fonctions à cette dernière date, l'intéressée a sollicité, par courrier du 25 février 2019, le bénéfice de l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8 du code du travail. Par une décision du 25 avril 2019, le directeur du centre hospitalier de Vichy a refusé de faire droit à sa demande. Par le jugement du 16 septembre 2021 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant notamment à la condamnation du centre hospitalier de Vichy à lui verser la somme de 15 929 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2018.

Sur le droit de Mme B... à percevoir l'indemnité de fin de contrat :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique : " Le personnel des établissements publics de santé comprend (...) : 1° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens dont le statut, qui peut prévoir des dispositions spécifiques selon que ces praticiens consacrent tout ou partie de leur activité à ces établissements, est établi par voie réglementaire ; 2° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat dans des conditions déterminées par voie réglementaire. (...) ; 3° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat sur des emplois présentant une difficulté particulière à être pourvus (...) ". Aux termes de l'article R. 6152-401 du même code, dans sa version applicable au litige : " Les établissements publics de santé, en application des dispositions du 2° de l'article L. 6152-1 (...) peuvent recruter des médecins, des pharmaciens et des odontologistes en qualité de praticiens contractuels à temps plein ou de praticiens contractuels à temps partiel (...) ". Aux termes de l'article R. 6152-402 de ce code, alors applicable : " Les praticiens contractuels mentionnés à l'article R. 6152-401 (...) ne peuvent être recrutés que dans les cas et conditions suivant : (...) 4° Pour occuper, en cas de nécessité de service et lorsqu'il s'avère impossible d'opérer un tel recrutement en application des dispositions statutaires en vigueur, un poste de praticien à temps plein ou à temps partiel resté vacant à l'issue de chaque procédure statutaire de recrutement. Le contrat peut être conclu pour une période maximale de six mois renouvelable dans la limite d'une durée totale d'engagement de deux ans (...) ". L'article R. 6152-418 dudit code précise : " Les dispositions du code du travail sont applicables aux praticiens contractuels en tant qu'elles sont relatives, à l'indemnité prévue à l'article L. 1243-8 du code du travail et aux allocations d'assurance prévues à l'article L. 5424-1 du code du travail. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1243-8 du code du travail : " Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation (...) ". L'article L. 1243-10 du même code prévoit que : " L'indemnité de fin de contrat n'est pas due : (...) 3° Lorsque le salarié refuse d'accepter la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente (...) ".

4. Il est constant que Mme B... a été recrutée par le centre hospitalier de Vichy en tant que " praticien contractuel " et qu'elle a effectivement exercé ses fonctions du 10 novembre 2016 au 9 novembre 2018 au terme d'un contrat à durée déterminée. Elle était ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, au nombre des praticiens susceptibles de percevoir, à l'issue de son dernier contrat à durée déterminée, et en l'absence de poursuite de la relation contractuelle, l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8 du code du travail, Si le centre hospitalier de Vichy soutient que l'intéressée aurait pu changer de statut et devenir, après avoir passé et réussi le concours ouvert à ce titre, praticien des établissements publics de santé, alors que Mme B... indique que n'étant pas titulaire du diplôme exigé, elle ne pouvait réglementairement se présenter à ce concours, il résulte de la combinaison des textes cités aux points 2 et 3 que la situation de l'appelante ne saurait être assimilée au refus d'une proposition de contrat à durée indéterminée au sens du 3° de l'article L. 1243-10 du code du travail, de nature à justifier le refus du versement de l'indemnité de fin de contrat. Si l'établissement fait également valoir qu'il lui a proposé le 25 septembre 2018 un nouveau contrat pour occuper un poste de clinicien hospitalier comportant une rémunération très supérieure à celle qui lui était précédemment allouée, et que l'intéressée n'a pas donné suite à cette proposition, il reconnaît que cette dernière portait sur une durée limitée à six mois. Par suite, dès lors que Mme B... ne peut être regardée comme ayant refusé la conclusion d'un contrat à durée indéterminée, et sans que le centre hospitalier de Vichy puisse utilement faire valoir l'impossibilité de lui proposer un tel contrat, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que l'établissement a refusé de lui verser l'indemnité de fin de contrat et que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.

Sur le montant l'indemnité de fin de contrat due :

5. Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1243-8 du code du travail, l'indemnité de précarité : " (...) est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant ".

6. Il résulte de l'instruction que durant la période du 10 novembre 2016 au 9 novembre 2018, Mme B... a perçu une rémunération totale brute de 152 270,27 euros. Si la requérante soutient qu'il importe d'ajouter à cette somme l'indemnité compensatrice de congés payés, pour un montant de 7 025,44 euros, qui lui a été effectivement versée en mai 2019, cette indemnité spécifique prévue par l'article L. 1242-16 du code du travail, calculée à partir de la rémunération versée au salarié et s'ajoutant à celle-ci pour être versée en fin de contrat, ne peut être prise en compte pour le calcul de l'indemnité de fin de contrat. Il suit de là que le montant de l'indemnité à verser au titre de l'article L. 1243-8 du code du travail à Mme B... par le centre hospitalier de Vichy doit être limité à la somme de 15 227 euros.

Sur les intérêts au taux légal :

7. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter de la réception par la partie débitrice de la réclamation de la somme principale ou, le cas échéant, faute de demande préalable indemnitaire, de l'enregistrement de cette demande au tribunal. Dans la présente espèce, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Vichy a reçu la demande indemnitaire préalable de Mme B... le 26 février 2019. Il y a donc lieu de faire courir les intérêts à compter du 26 février 2019.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Vichy à l'occasion de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Mme B... d'une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Vichy est condamné à verser à Mme B... la somme de 15 227 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2019.

Article 3 : Le centre hospitalier de Vichy versera à Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... et les conclusions du centre hospitalier de Vichy présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Vichy.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

Le président rapporteur,

Jean-Yves TallecLa première assesseure

Emilie Felmy

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne à la préfète de l'Allier en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY03611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03611
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Dispositions propres aux personnels hospitaliers - Personnel médical.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Jean-Yves TALLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GOLFIER-METAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;21ly03611 ?
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