Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2023 par lequel la préfète du Rhône a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.
Par jugement n° 2306576 du 16 août 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a, dans un article 2, rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Bouhalassa, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 16 août 2023 ainsi que l'arrêté susvisé ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par deux mémoires, enregistrés les 17 novembre 2023 et 12 décembre 2023, la préfète du Rhône conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante kosovare née le 2 octobre 1997, déclare être entrée en France en avril 2023. L'intéressée a présenté une demande d'asile, le 22 juin 2023, auprès des services de la préfecture du Rhône. Toutefois, il est apparu après consultation du fichier VIS que l'intéressée était titulaire d'un visa délivré par les autorités allemandes, valide du 7 décembre 2022 au 22 juin 2023. Les autorités allemandes ont été saisies, le 5 juillet 2023, d'une demande de prise en charge de Mme A... sur le fondement de l'article 12 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et ces autorités ont expressément fait connaître leur accord le 7 juillet 2023. Par un arrêté du 20 juillet 2023, la préfète du Rhône a prononcé la remise de Mme A... aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile. Mme A... relève appel de l'article 2 du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant transfert auprès des autorités allemandes :
2. En premier lieu, en application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
3. L'arrêté du 20 juillet 2023 portant transfert de Mme A... aux autorités allemandes, qui vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne que l'intéressée était titulaire d'un visa délivré par les autorités allemandes, valide du 7 décembre 2022 au 22 juin 2023, ce qui rendait ces autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile. Il précise que lesdites autorités ont été saisies le 5 juillet 2023 d'une demande de prise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013, à laquelle elles ont donné explicitement leur accord le 7 juillet 2023. Il mentionne en outre qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, l'intéressée ne relève pas des dérogations prévues au 2 de l'article 3 ou à l'article 17 du règlement, que l'arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'elle n'établit pas l'existence d'un risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. Il énonce ainsi les considérations de fait et de droit qui le fondent. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté la transférant aux autorités allemandes serait insuffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A... avant d'édicter à son encontre l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes en litige. Ainsi qu'il a été rappelé, cet arrêté fait état de la situation personnelle notamment administrative et familiale de l'intéressée et mentionne, contrairement à ce que soutient la requérante, la présence de sa sœur en France laquelle a obtenu le statut de réfugiée statutaire le 20 mars 2015. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressée doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". L'article 2 du même règlement dispose : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) "membres de la famille", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres: / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national (...) ".
6. Ainsi que l'a relevé le premier juge, si Mme A... fait état de la présence en France de sa sœur, titulaire du statut de réfugiée depuis 2015, la sœur de Mme A... ne constitue pas un membre de la famille, au sens des dispositions des articles 2 et 9 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, devant conduire à ce que la France soit responsable de l'examen de sa demande d'asile. Si le considérant 17 du même règlement permet que tout État membre puisse déroger aux critères de responsabilité notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... justifie de liens particuliers et intenses avec sa sœur en se bornant à produire son extrait d'acte de naissance et son titre de séjour. Il résulte de cet élément que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé doit être écarté.
7. En quatrième lieu, Mme A... réitère en appel les moyens tirés de ce que la préfète du Rhône a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 8 et 9 de son jugement.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 janvier 2024.
La rapporteure,
V. Rémy-NérisLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03239
kc