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18/01/2024 | FRANCE | N°23LY01884

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 18 janvier 2024, 23LY01884


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 30 juin 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.



Par un jugement n° 2208654 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour



Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Cadoux, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 30 juin 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2208654 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Cadoux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 30 juin 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de procéder au réexamen de sa situation et de statuer à nouveau sur son droit au séjour dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'elle ait de nouveau statué sur son droit au séjour dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- dès lors que sa fille ne pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Serbie, le refus de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions en litige méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

Par un courrier du 16 novembre 2023, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office, tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée à tort sur les dispositions du 3°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne visent pas le cas des parents d'enfant étranger malade qui se sont vu refuser une première autorisation provisoire de séjour.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 4 avril 1991, ressortissante serbe, est entrée en France, le 1er octobre 2018, selon ses déclarations. Le 8 juin 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L.425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en évoquant l'état de santé de sa fille, née le 3 novembre 2019. Par décisions du 30 juin 2022, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 17 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de destination, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de destination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Dans son avis du 15 octobre 2021, le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de la fille de la requérante qui est atteinte d'un rétinoblastome de l'œil droit et présente une mutation du gène Rb1 l'exposant à un risque de tumeur au niveau de l'œil gauche, nécessite une prise en charge médicale et que son défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié était effectivement disponible en Serbie. La requérante conteste la teneur de cet avis en produisant un article du courrier des Balkans de 2014 intitulé " la Serbie a-t-elle (vraiment) le plus mauvais système de santé d'Europe " ainsi qu'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) du 6 mars 2019 sur le traitement de la cardiomyopathie ischémique en Serbie, qui, de par leur caractère trop général ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration. Il en est de même des certificats médicaux qu'elle produit, lesquels attestent de la lourdeur et de la gravité de la pathologie dont la fille de la requérante est atteinte, mais qui restent peu circonstanciés sur l'impossibilité pour elle de pouvoir effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Serbie. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus d'admission au séjour en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".

6. Si Mme B... fait valoir qu'elle est présente sur le territoire français depuis plus de quatre ans à la date des décisions en litige, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident selon ses propres déclarations ses parents, et que son conjoint, de nationalité serbe, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement depuis le 1er juillet 2020. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que l'état de santé de sa fille ne saurait faire obstacle à son retour en Serbie. Dès lors, le préfet du Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision en litige a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision du préfet sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

8. La décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de sa fille dès lors qu'elle peut repartir avec elle en Serbie pour y poursuivre leur vie et que, comme il a été dit, il n'est pas établi que l'état de santé de sa fille ne pourrait effectivement être pris en charge dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...). "

10. La décision portant obligation de quitter le territoire français, fondée à tort sur les dispositions du 3°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne visent pas le cas des parents d'enfant étranger malade qui se sont vu refuser une première autorisation provisoire de séjour pouvait être légalement prise par l'administration sur le fondement du 1°) du même article, en vertu du même pouvoir d'appréciation et sans que l'intéressée ne soit privée d'une garantie liée à l'application de ce dernier texte, dès lors que Mme B... est entrée irrégulièrement sur le territoire français. Par suite, il y a lieu, après en avoir averti les parties, de procéder à une substitution de la base légale de la décision litigieuse.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8 du présent arrêt, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

12. Il résulte de ce tout qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie du présent arrêt en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01884

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01884
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CADOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;23ly01884 ?
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