Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 octobre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2208697 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 mai 2023, M. B..., représenté par Me Mahdjoub, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet du Rhône du 24 octobre 2022 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation après délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quarante-huit heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d'une procédure irrégulière, compte tenu du refus irrégulier d'enregistrer sa demande déposée comme salarié, opposé le 1er avril 2022, et en l'absence de tout refus d'autorisation de travail précédemment notifié ;
- les décisions litigieuses n'ont pas été précédées d'un examen sérieux, en s'abstenant de statuer sur son droit à obtenir un titre de séjour en qualité de salarié, malgré les pièces produites en ce sens ;
- elles méconnaissent les articles 3 et 4 de la convention franco-camerounaise, eu égard à ses compétences et aux démarches préalables de son employeur, à la demande qu'il avait déposée en ce sens et en l'absence de tout refus d'autorisation de travail précédemment notifié ;
- elles méconnaissent également l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour ces mêmes motifs ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2023.
Par courrier du 24 novembre 2023, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur l'inapplicabilité de l'article 4 de la convention franco-camerounaise pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et de la possibilité d'y substituer en tant que de besoin la base légale tirée de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-camerounaise du 21 avril 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 17 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 24 octobre 2022 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. B... n'établit pas, par la " confirmation de rendez-vous pour le renouvellement d'un titre de séjour " et l'attestation de présence à la préfecture le 1er avril 2022 " aux fins de démarches administratives liées à son séjour en France " qu'il produit, avoir alors entendu déposer une demande de délivrance d'une carte de séjour en qualité de salarié, ni la réalité du refus d'enregistrement qui lui aurait alors été opposé. En tout état de cause, il ressort du refus de titre de séjour litigieux qu'après avoir relevé que M. B... n'avait pas déposé de demande en ce sens, le préfet du Rhône a néanmoins examiné son droit au séjour en qualité de salarié. Par suite, aucun vice de procédure, ni aucun défaut d'examen de sa demande ne résultent de l'absence de prise en compte, par le préfet du Rhône, d'une éventuelle demande en qualité de salarié.
3. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 de ce même code, " sous réserve des conventions internationales ".
4. D'une part, aux termes de l'article 14 de la convention franco-camerounaise : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la présente Convention ". Aux termes de son article 3 : " Pour un séjour de plus de trois mois, (...) les nationaux camerounais (...) doivent, à l'entrée sur le territoire de l'Etat d'accueil, être munis d'un visa de long séjour et pouvoir présenter, le cas échéant, les justificatifs mentionnés aux articles 4 à 7 ". Aux termes de son article 4 : " Les nationaux de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent, en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : (...) 2° D'un contrat de travail visé par le ministère chargé du travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil ". Enfin, aux termes de l'article 11 de cette même convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux camerounais doivent posséder un titre de séjour (...) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'Etat d'accueil ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail (...) ".
6. Il résulte de la combinaison de ces stipulations que la convention franco-camerounaise renvoie, par son article 11, à la législation nationale pour la délivrance des titres de séjour et que ses articles 3 et 4 se bornent, quant à eux, à régir les conditions d'entrée sur le territoire de l'un des deux Etats, de ceux des ressortissants de l'autre Etat qui souhaitent y exercer une activité salariée. Ainsi, les ressortissants camerounais souhaitant exercer une activité salariée en France doivent solliciter un titre de séjour en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Par suite, si le préfet du Rhône s'est, à tort, fondé sur les stipulations de l'article 4 de la convention franco-camerounaise pour refuser au requérant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", la base légale tirée des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut être substituée à cette base légale erronée, dès lors que cette substitution n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation.
8. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B... en qualité de salarié, le préfet du Rhône a d'abord relevé qu'il n'avait pas présenté de demande en ce sens, puis a retenu qu'il n'était pas en possession d'un visa de long séjour et d'une autorisation de travail. D'une part, si, pour contester le premier de ces motifs, M. B... se prévaut de la demande en ce sens qu'il aurait déposée le 1er avril 2022 et à laquelle un refus d'enregistrement aurait été opposé, il n'établit pas la réalité de ce refus, comme indiqué au point 2. En tout état de cause, ce motif s'avère surabondant et insusceptible d'entacher d'illégalité la décision litigieuse, le préfet du Rhône ayant examiné le droit au séjour de l'intéressé en qualité de salarié. D'autre part, M. B... ne conteste pas utilement ne pas avoir disposé, à la date de la décision litigieuse, d'une autorisation de travail, en se prévalant de l'absence de refus explicitement opposé aux demandes en ce sens de son employeur, celles-ci pouvant faire l'objet de refus implicites. Enfin, en faisant valoir ses compétences et ses conditions d'emploi, il ne conteste pas utilement les motifs du refus ainsi opposé par le préfet du Rhône. Par suite, M. B..., qui, en outre, ne conteste pas utilement le motif tiré du défaut de visa de long séjour, n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions et stipulations précitées en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " (...) ou " vie privée et familiale " (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que, le 10 octobre 2022, M. B... a signé un contrat de travail à durée indéterminée comme ingénieur d'affaires avec la société Numeriquest, au sein de laquelle, après un stage, il exerçait déjà depuis le mois de janvier 2022. Toutefois, alors même que cet emploi visait à développer l'activité de la société vers le marché africain et qu'aucune autre candidature n'a été reçue par son employeur, le préfet du Rhône n'a pas, compte tenu du caractère récent de cette activité professionnelle et de la durée de séjour de l'intéressé en France, manifestement méconnu les dispositions précitées en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour sur leur fondement.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, (...) à la prévention des infractions pénales (...) ".
12. M. B..., ressortissant camerounais né le 30 mars 1994, est entré au mois de novembre 2017 sur le territoire français, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour, afin d'y poursuivre des études. Il a ainsi obtenu un diplôme universitaire au mois de juin 2018 et un master au mois d'octobre 2022. Toutefois, à la date des décisions litigieuses, il ne résidait que depuis cinq ans sur le territoire français, où, célibataire et dépourvu de charges de famille, il ne se prévaut d'aucune attache familiale, à l'exception d'un oncle qui l'hébergeait. Par ailleurs, nonobstant son activité professionnelle, au demeurant récente, il ne justifie d'aucune intégration particulière. Enfin, il ne prétend pas être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que, par les décisions litigieuses, le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées. Pour ces mêmes motifs, le préfet du Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation discrétionnaire.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
14. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
15. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
S. Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01829