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18/01/2024 | FRANCE | N°22LY00288

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 18 janvier 2024, 22LY00288


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



La société civile immobilière (SCI) Moiroux Comte B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Fleurieu-sur-Saône (Ain) à lui verser la somme de 632 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de l'interdiction qui lui aurait été faite par le maire d'implanter une boulangerie dans le local commercial lui appartenant situé 38 route de Lyon.



Par jugement n° 2003215 du 2 décembre 2021, le tribun

al a rejeté la demande.





Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 28 janvier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Moiroux Comte B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Fleurieu-sur-Saône (Ain) à lui verser la somme de 632 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de l'interdiction qui lui aurait été faite par le maire d'implanter une boulangerie dans le local commercial lui appartenant situé 38 route de Lyon.

Par jugement n° 2003215 du 2 décembre 2021, le tribunal a rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2022, la SCI Moiroux Comte B..., représentée par Me Vincens-Bouguereau, demande à la cour, le cas échéant, après organisation d'une enquête :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Fleurieu-sur-Saône à lui verser la somme de 632 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fleurieu-sur-Saône la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en lui interdisant d'exploiter dans les locaux qu'elle a acquis en 2009 une activité de boulangerie au motif qu'elle pouvait nuire aux commerces du centre-bourg, le maire de Fleurieu-sur-Saône a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- la décision d'interdiction d'exploiter une boulangerie n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- dès lors qu'elle a accordé une telle autorisation d'ouverture d'une boulangerie à un tiers, la commune est à l'origine d'une rupture d'égalité devant les charges publiques ; en outre, elle porte atteinte à l'exercice de la liberté du commerce et de l'industrie ;

- le comportement de la commune, qui n'a jamais répondu à ses écrits ni motivé ses décisions, est également constitutif d'une faute à ce titre ;

- dans l'hypothèse où il serait considéré qu'elle ne démontre pas la réalité des faits qu'elle invoque, il y aurait lieu pour la cour de prescrire une enquête, sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative ;

- les prescriptions du maire lui ont causé un préjudice consistant dans une vacance des locaux et une baisse des loyers ; ces préjudices ont bien un lien avec les fautes de la commune ;

- elle a été contrainte, d'une part, de refuser plusieurs offres présentées en vue de l'exploitation d'une boulangerie entre 2014 et 2018, ce qui lui a causé une perte locative pour vacance des locaux de 288 000 euros, et, d'autre part, de donner à bail les locaux pour y exploiter une activité de restauration à un prix minoré de 1 000 euros par rapport au loyer qui aurait été perçu pour une boulangerie, soit une perte locative pour dépréciation de loyers de 324 000 euros ; enfin, elle a subi un préjudice moral estimé à 10 000 euros.

Par mémoire enregistré le 5 avril 2022, la commune de Fleurieu-sur-Saône, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Moiroux Comte B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas interdit à la SCI Moiroux Comte B... d'exploiter une boulangerie dans ses locaux ; aucune demande en ce sens n'a d'ailleurs été présentée ; la société requérante ne produit aucun justificatif permettant de démontrer la réalité de l'interdiction qu'elle invoque ;

- dès lors que la SCI Moiroux Comte B... ne démontre l'existence ni d'une demande tendant à obtenir l'autorisation d'exploiter une boulangerie, ni d'une décision du maire d'interdire une telle activité, elle ne peut soutenir qu'une telle décision serait insuffisamment motivée ;

- elle a répondu aux courriers de la société par un courrier du 20 décembre 2018 ; les délibérations du 19 septembre 2019 et 18 février 2020 rappellent expressément que la commune n'a pas interdit d'installer une boulangerie dans les locaux en cause ;

- en tout état de cause, la commune avait déjà autorisé l'ouverture au public des locaux en cause ; aucune rupture d'égalité ne saurait lui être reprochée ;

- dès lors que les faits sont clairs, il n'y a pas lieu de procéder à une enquête sur les faits ;

- le lien de causalité entre la faute et les préjudices allégués n'est pas démontré ;

- la vacance des locaux durant la période invoquée n'est pas démontrée ; le montant de l'indemnité qu'elle sollicite est différent de celui indiqué par l'expert-comptable ; aucune pièce ne justifie le loyer qu'elle invoque ; de même, aucune pièce ne justifie de la réalité de la dépréciation du loyer qu'elle soutient avoir subie, alors que rien ne vient démontrer qu'elle aurait pu prétendre à un loyer plus élevé si elle avait donné les locaux en cause à bail pour l'exercice d'une activité de boulangerie ; la réalité du préjudice moral n'est pas davantage étayée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me Vincens-Bouguereau pour la SCI Moiroux Comte B... et de Me Teyssier pour la commune de Fleurieu-sur-Saône.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Moiroux Comte B..., propriétaire de locaux commerciaux situés 38 route de Lyon à Fleurieu-sur-Saône (Ain), demande l'annulation du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Fleurieu-sur-Saône à lui verser la somme de 632 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à la suite de l'interdiction qui lui aurait été faite par le maire de la commune de donner à bail ces locaux pour qu'y soit exercée une activité de boulangerie.

2. En premier lieu, la SCI Moiroux Comte B... fait valoir qu'elle a acquis les locaux commerciaux en cause en 2009 et que, lors d'une rencontre informelle consécutive à cette acquisition, le maire de Fleurieu-sur-Saône aurait interdit à son gérant, M. Comte, d'exploiter une activité pouvant nuire aux commerces de centre-bourg. Elle soutient que, à la suite d'une nouvelle rencontre, le maire aurait indiqué qu'aucune autorisation ne serait accordée pour l'installation d'une boulangerie dans ces locaux. Pour justifier l'existence d'une telle interdiction qui aurait été formulée oralement et n'a donné lieu à aucune décision écrite, la société requérante produit la copie de courriers qu'elle a adressés à la commune et aux membres du conseil municipal à compter du 5 décembre 2017 ainsi que les réponses qui ont été apportées à ces courriers par la commune. Toutefois, ni les courriers de la société, qui se bornent à relater de façon imprécise la tenue des rencontres informelles entre le maire et son gérant, ni les réponses de la commune à ses différents courriers, qui indiquent uniquement qu'une telle interdiction n'a jamais été opposée, ne permettent de démontrer la réalité des faits invoqués, alors au demeurant que la société requérante ne conteste pas qu'elle n'a sollicité aucune autorisation d'ouverture d'un établissement recevant du public en vue de l'exploitation d'une boulangerie et qu'un commerce de piscine puis un restaurant ont été exploités dans ces locaux dès la fin de l'année 2009. Ne saurait davantage tenir lieu de preuve de l'existence d'une telle interdiction, et du traitement discriminatoire dont la société requérante estime avoir fait l'objet, la circonstance que des tiers ont, à la suite de la demande qu'ils ont formulée, obtenu l'autorisation d'ouvrir une boulangerie dans le même secteur. En l'absence de tout élément de nature à corroborer les allégations de la SCI Moiroux Comte B..., il n'y a pas lieu d'ordonner une enquête avant dire-droit sur le fondement des dispositions de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, laquelle ne serait pas utile à la solution du litige. Il s'ensuit que la SCI Moiroux Comte B... n'est pas fondée à soutenir que la commune de Fleurieu-sur-Saône aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité au motif que son maire se serait opposé arbitrairement à l'exploitation d'une boulangerie sur son fonds.

3. En deuxième lieu, faute de démontrer l'existence de la décision d'interdiction qu'elle invoque, la SCI Moiroux Comte B... n'est fondée à soutenir, ni qu'une telle décision serait insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ni qu'en s'abstenant de lui adresser une décision suffisamment motivée, la commune aurait également commis une faute de nature à lui ouvrir droit à réparation de son préjudice.

4. En dernier lieu, et dès lors que la SCI Moiroux Comte B... n'établit pas l'existence de la décision d'interdiction qu'elle invoque, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de répondre à ses différents courriers, la commune a également adopté un comportement fautif à son égard. Pour le même motif, la requérante n'a pas eu à supporter les conséquences anormales et spéciales d'un choix de la municipalité de privilégier les commerçants du centre-bourg. Il s'ensuit qu'elle n'est pas non plus fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la commune.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Moiroux Comte B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Fleurieu-sur-Saône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SCI Moiroux Comte B.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Moiroux Comte B... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Fleurieu-sur-Saône sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Moiroux Comte B... est rejetée.

Article 2 : La SCI Moiroux Comte B... versera à la commune de Fleurieu-sur-Saône la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Moiroux Comte B... et à la commune de Fleurieu-sur-Saône.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière

S. Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY00288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00288
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-04 Police. - Police générale.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : ATV AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;22ly00288 ?
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