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11/01/2024 | FRANCE | N°23LY02681

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 11 janvier 2024, 23LY02681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer le titre sollicité, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer le titre sollicité, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2300047 du 25 avril 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 août 2023, Mme A..., représentée par Me Huard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est fondée à se prévaloir, à ce titre, de l'instruction ministérielle du 23 décembre 2021 relative à la délivrance des titres pour les victimes de violences conjugales et familiales et de la circulaire du 28 novembre 2012 ; il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du même code, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il méconnaît également les stipulations de l'article 3 -1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Mme A... ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante de la République fédérale du Nigéria, née le 20 décembre 1992 à Warri, Delta State, déclare être entrée sur le territoire français en 2017. Sa première demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 22 février 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ayant déclaré irrecevable une première demande de réexamen le 23 mai 2019 et rejeté une seconde le 18 juin 2021. Le préfet de l'Isère lui a notamment fait obligation de quitter le territoire français, par un arrêté du 9 octobre 2019, devenu définitif. Le 17 mai 2022, Mme A... a demandé au préfet de l'Isère un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé par un arrêté du 22 novembre 2022, l'obligeant également à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que l'arrêté contesté, pris dans son ensemble, serait insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...). ".

4. Mme A... se prévaut de sa résidence sur le territoire français depuis le mois de juillet 2017, de la présence à ses côtés de deux enfants nés en France en 2018 et 2022 de son union avec un compatriote, dont elle est séparée en raison de violences conjugales, et de ce qu'elle a fui un réseau de traite d'êtres humains. Elle précise également que toutes ses attaches sociales et personnelles se trouvent en France et qu'elle n'a plus de liens avec son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est maintenue en situation irrégulière depuis le 9 octobre 2019, malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre et devenue définitive. Elle est séparée du père de ses enfants, dont rien ne permet de dire qu'il participerait sérieusement à leur éducation et à leur entretien. Les éléments dont se prévaut l'intéressée pour justifier son insertion personnelle et professionnelle en France, relatifs notamment au suivi de cours de français, à la participation à des activités associatives, ou à la recherche d'un travail ne suffisent pas à établir une insertion d'une particulière intensité. Eu égard notamment au jeune âge de ses enfants et au fait qu'elle n'est pas en France depuis longue date alors qu'elle a vécu une grande partie de son existence au Nigéria, où elle a conservé des liens, notamment sa mère, le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire en litige n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Aucune méconnaissance des dispositions et stipulations ci-dessus ne saurait être retenue.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Mme A... se prévaut de ce que la décision contestée porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs qui ne pourraient l'accompagner au Nigéria dès lors que leur père bénéficie de la protection subsidiaire en Italie et qu'ils s'y trouveraient menacés en raison de l'histoire de leurs parents. Toutefois, et comme il a été dit, rien ne permet de dire que leur père entretiendrait une relation suivie avec eux et l'existence de risques auxquels ils seraient exposés au Nigéria n'est pas avérée. Aucune violation par le refus de séjour et la mesure d'éloignement contestés des stipulations ci-dessus ne saurait donc être retenue.

7. En quatrième lieu, et pour les mêmes motifs que précédemment, en prenant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français en litige, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressée et, y compris de ses enfants mineurs. Les moyens ne peuvent donc être admis.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...). ".

9. D'abord, et comme l'a relevé le préfet de l'Isère, l'intéressée n'a apporté aucun élément relatif à un contrat de travail, à une promesse d'embauche ou à un projet professionnel susceptible de caractériser la possibilité d'une éventuelle insertion par le travail. Ensuite, il n'apparaît pas que, à l'appui de sa demande de titre, elle aurait fait valoir avoir été victime de violences conjugales, rien au dossier ne permettant par ailleurs de justifier d'une telle situation. Par suite, et alors qu'aucun des éléments dont elle peut se prévaloir n'est constitutif d'une considération humanitaire ou d'un motif exceptionnel, le refus de séjour contesté n'est ni erroné en droit ni entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. En sixième lieu, si la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comporte des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, toutefois, les intéressés ne peuvent faire valoir aucun droit au bénéfice de ces mesures de faveur et ne peuvent donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser leur situation par la délivrance d'un titre de séjour. Il en est de même de l'instruction ministérielle du 23 décembre 2021 relative à la délivrance des titres pour les victimes de violences conjugales et familiales, qui vise seulement à rappeler aux préfets l'application des dispositions spécifiques du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux victimes de violences familiales et conjugales, et à orienter leur analyse en la matière. Par suite, en toute hypothèse, Mme A... ne saurait utilement se prévaloir des énonciations de ces textes.

11. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour. Le moyen ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY02681

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02681
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;23ly02681 ?
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