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15/11/2023 | FRANCE | N°21LY00179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 novembre 2023, 21LY00179


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures

Par une première requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 janvier 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue de la prise en c

harge des frais et honoraires relatifs à ses plaintes pour diffamation et...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures

Par une première requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 janvier 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue de la prise en charge des frais et honoraires relatifs à ses plaintes pour diffamation et harcèlement des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019, et de le réintégrer dans une équipe de permanence, dans ses fonctions de chef d'équipe et le convoquer à nouveau aux réunions d'encadrement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1904789 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 janvier 2019 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. B..., et a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la demande de protection fonctionnelle de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par une seconde requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à l'administration de lui accorder le bénéfice de cette protection fonctionnelle en vue d'assurer la prise en charge des frais et honoraires consécutifs à ses plaintes des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019 et à la requête dirigée contre le refus d'octroi de la protection fonctionnelle, et tendant à sa réintégration dans ses fonctions de chef d'équipe et sa participation aux réunions d'encadrement du centre d'incendie et de secours de Lagnieu, enfin de condamner le SDIS de l'Ain à lui verser les sommes respectives de 8 500 euros et de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de son préjudice moral.

Par un jugement n° 2101823 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B....

Procédures devant la cour

I- Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2021 sous le n° 21LY00179, et un mémoire, enregistré le 21 juin 2022, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, représenté par Me Prouvez, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020.

Il soutient que :

- sa décision était justifiée par l'imprécision des faits au soutien de la demande de protection fonctionnelle ;

- aucun fait relevant de diffamation ou d'injure n'est caractérisé ;

- une substitution de motifs est de nature à justifier la décision en l'absence d'atteinte caractérisée ;

- les conclusions à fin d'injonction de réintégration constituent un litige distinct.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 mars 2022 et 11 juillet 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A... B..., représenté par Me Bacha, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain, d'une part, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue de la prise en charge des frais et honoraires relatifs à ses plaintes pour diffamation et harcèlement des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019 et ceux consécutifs à la présente procédure, d'autre part, de le réintégrer dans une équipe de permanence, dans ses fonctions de chef d'équipe et de le convoquer à nouveau aux réunions d'encadrement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) à ce qu'il soit procédé à la rectification d'erreur matérielle de l'omission, dans le dispositif du jugement, de la condamnation du SDIS de l'Ain au paiement des frais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens présentés par le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain ne sont pas fondés.

II- Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022 sous le n° 22LY02087, M. B..., représenté par Me Bacha, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue d'assurer la prise en charge des frais et honoraires consécutifs à ses plaintes des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019 et à la requête dirigée contre le refus d'octroi de la protection fonctionnelle, sa réintégration dans ses fonctions de chef d'équipe et sa participation aux réunions d'encadrement du centre d'incendie et de secours de Lagnieu ;

4°) de condamner le SDIS de l'Ain à lui verser les sommes respectives de 8 500 euros et de 5 000 euros en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral qu'il estime avoir subis ;

5°) de mettre à la charge du SDIS de l'Ain une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le fait que la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Lyon ait classé sans suite sa plainte relative aux faits du 29 septembre 2018 ne suffit pas à considérer que les propos tenus les 26 juin 2018 et les 29 septembre 2018 ne constituent pas des " atteintes, injures ou outrages " au sens de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- les faits dénoncés sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ;

- les mesures de rétorsion qu'il a subies ne peuvent en aucun cas se rattacher à un exercice " normal " du pouvoir hiérarchique et constituent des " attaques " ouvrant droit au bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2023, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, représenté par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés ;

- les conclusions indemnitaires doivent être rejetées en l'absence de faute et d'établissement des préjudices allégués.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Rey, représentant le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, et celles de Me Bacha, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., sapeur-pompier volontaire au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain, également sapeur-pompier professionnel auprès du service départemental-métropolitain d'incendie et de secours du département du Rhône et de la Métropole de Lyon, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 janvier 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a rejeté sa demande de protection fonctionnelle présentée le 3 décembre 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 20 février 2019. Par une première requête, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain relève appel du jugement rendu le 18 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 novembre 2019 et a enjoint au président de son conseil d'administration de procéder au réexamen de la demande de protection fonctionnelle de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. A la suite de l'injonction ainsi décidée par le tribunal, le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a de nouveau refusé d'accorder à M. B... le bénéfice de la protection fonctionnelle par une décision du 15 janvier 2021 dont celui-ci a demandé l'annulation au tribunal administratif de Lyon. Par le jugement du 7 juin 2022 dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. Les requêtes du SDIS de l'Ain et de M. B... concernent la situation de ce dernier, en particulier une même demande d'octroi de la protection fonctionnelle formée par lui, et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, rendu applicable aux sapeurs-pompiers volontaires par l'article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure, désormais codifié aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique : " (...) / IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

4. Les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi.

5. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais repris aux articles L. 133-2 et L. 133-3 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser l'existence de tels agissements. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au regard de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. En outre, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte de l'ensemble des faits qui lui sont soumis, y compris des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés, lorsqu'ils émanent des responsables de l'agent, doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

6. Pour refuser d'accorder, par la décision en litige du 30 janvier 2019, le bénéfice de la protection fonctionnelle demandée le 3 décembre 2018 par M. B... pour des faits dénoncés comme relevant de l'injure ou de la diffamation, ainsi que du harcèlement, le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain s'est fondé sur le défaut de précision desdits faits, notamment les injures et diffamations alléguées, et l'absence d'éléments relatifs à la procédure consécutive à la plainte déposée à l'encontre du directeur du SDIS. Toutefois, l'administration ne conteste pas que la demande de M. B... du 3 décembre 2018 faisait référence au courrier du 3 juillet 2018 adressé par son conseil au directeur départemental du SDIS et à celui du 1er août 2018, adressé par lui-même au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain, qu'elle a reçus, même tardivement comme elle l'allègue sans cependant le démontrer, et qui exposent les griefs exprimés par l'agent à l'encontre du directeur départemental du SDIS, en particulier le caractère " diffamatoire " des propos tenus par celui-ci. Au surplus, il ressort du recours gracieux formé le 18 février 2019 par M. B... à l'encontre de la décision du 30 janvier 2019 que celui-ci précisait les éléments de faits justifiant la demande de protection fonctionnelle, notamment son dépôt de plainte du 9 novembre 2018 à la suite de " propos injurieux portant atteinte à son honneur et sa dignité ", et l'adoption de la délibération du 14 décembre 2018 du bureau du conseil d'administration du SDIS qui accordait le bénéfice de la protection fonctionnelle au directeur départemental de cet établissement public. Dans ces conditions, le SDIS de l'Ain n'établit pas que M. B... n'aurait pas suffisamment précisé les dénonciations pour lesquelles il sollicitait le bénéfice de la protection fonctionnelle ni qu'il ne pouvait par suite apprécier utilement l'opportunité d'une telle demande. Dès lors, ainsi que les premiers juges l'ont retenu, le motif d'imprécision de la demande de protection fonctionnelle présentée par M. B..., opposé par le SDIS de l'Ain dans la décision en litige, est entaché d'erreur d'appréciation.

7. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. En premier lieu, s'il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental du SDIS de l'Ain a tenu le 26 juin 2018 des propos à l'intérieur de la caserne de Lagnieu évoquant notamment " un volontaire au centre de secours de Lagnieu, professionnel au SDMIS et représentant syndical qui est indigne d'être pompier et de composer l'encadrement de la caserne de Lagnieu...", puis lors de la clôture du congrès national des sapeurs-pompiers le 29 septembre 2018, que M. B... " n'a rien à faire chez les pompiers, s'il n'a pas les valeurs de l'organisation, il n'a qu'à la quitter ", il résulte de la décision de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Lyon du 2 avril 2020 qui s'est prononcée à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 9 novembre 2018 par M. B... sur la qualification des propos tenus le 29 septembre 2018 par le directeur départemental du SDIS, que ceux-ci ne présentaient pas un caractère diffamatoire. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... aurait été nommément désigné lorsque le directeur a tenu les propos dénoncés par celui-ci en juin 2018. Ainsi, dès lors que l'ensemble des propos incriminés, tenus en juin et septembre 2018, ne visent pas un fait imputé à M. B..., en particulier un hypothétique mauvais agissement qui lui serait reproché, ceux-ci ne peuvent être qualifiés d'injures ou d'affirmations portant atteinte à son honneur ou à sa réputation. Enfin, si par délibération du 14 décembre 2018, le SDIS de l'Ain a accordé au directeur départemental de l'établissement le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison de l'information judiciaire ouverte à son encontre à la suite de la plainte pour diffamation de M. B..., il ressort des pièces du dossier que le bénéfice de cette protection lui a été retiré par délibération du bureau du conseil d'administration du 13 septembre 2019. Par suite, les faits à l'origine de la demande de M. B... ne relèvent pas du champ d'application des dispositions rappelées au point 4, et le motif tiré de l'absence de fait d'injure ou de diffamation doit être accueilli au titre de la substitution demandée par le SDIS.

9. En deuxième lieu, M. B... fait état, au titre du harcèlement qu'il dénonce, de la dégradation des conditions d'exercice de ses fonctions et des conditions dans lesquelles, dans un contexte marqué par sa présentation d'une demande indemnitaire préalable puis d'une requête contentieuse fondées sur la méconnaissance par le SDIS des règles relatives aux obligations de service et à la rémunération des sapeurs-pompiers volontaires et résultant selon lui de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il a été amené à déposer plainte à raison de propos tenus publiquement à son égard par le directeur du SDIS les 26 juin et 29 septembre 2018 et des décisions prises à son encontre aux mois de septembre et de novembre 2018, constitutives selon lui de mesures de rétorsion, consistant en particulier à lui interdire de dormir en caserne, à lui retirer ses fonctions de chef d'équipe et à l'exclure des équipes de permanence et des réunions d'encadrement. Toutefois, il ne ressort ni des appréciations critiques portées au sujet de M. B... par le directeur du SDIS, ni de la circonstance que le SDIS aurait procédé à un rappel du régime des nuitées en caserne ou à l'organisation d'un planning des gardes, que M. B... ferait l'objet d'un traitement particulier de la part de ses supérieurs. Ainsi, le SDIS expose sans être utilement contesté, notamment par l'attestation produite par M. B..., que seuls les sapeurs-pompiers de garde la nuit et affectés à ce titre à une activité opérationnelle conservent la possibilité de dormir à la caserne. En outre, le SDIS justifie avoir fait droit à la demande de son agent de ne plus être affecté à des disponibilités programmées, gardes et astreintes, qu'il considérait non conformes au droit européen et préjudiciables à sa santé et sa sécurité, lui permettant ainsi, dès lors que cette demande impliquait le retrait des permanences et des fonctions d'encadrement, de relever d'un état de disponibilité ou de renfort compatible avec son emploi du temps professionnel. Par suite, il ne résulte pas des éléments apportés par M. B... au soutien de sa requête que les faits qu'il dénonce seraient susceptibles de caractériser des agissements de harcèlement moral au sens des dispositions rappelées au point 5, traduisant notamment un exercice anormal du pouvoir hiérarchique.

10. S'il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. B... à l'encontre de cette décision, il ne ressort ni des mémoires d'appel ni des mémoires de première instance que ce dernier aurait invoqué d'autres moyens à l'appui de ses conclusions. Il résulte ainsi de ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 novembre 2019 par laquelle le président de son conseil d'administration a rejeté la demande de protection fonctionnelle de M. B..., ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux. Ce jugement doit dès lors être annulé et les conclusions présentées par ce dernier en première instance doivent être rejetées.

11. Il n'y a par suite pas lieu d'une part, alors au surplus que de telles conclusions présentées par M. B... sont irrecevables, de faire procéder à la rectification des erreurs matérielles qui entacheraient ce jugement. D'autre part, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... dans l'instance n° 21LY00179 ne peuvent qu'être rejetées dès lors que le présent arrêt annule le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020 et rejette les conclusions de M. B... présentées en première instance.

12. Il résulte des motifs retenus aux points 8 et 9 que le nouveau refus de protection fonctionnelle opposé à M. B... par la décision en cause du 15 janvier 2021, fondé sur les circonstances que celui-ci n'établissait pas les faits d'injures dénoncés, que les propos dénoncés ne relevaient ni de la diffamation ni du harcèlement, et enfin qu'il ne justifiait d'aucune atteinte au sens des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2021 et, par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires. Par suite, l'ensemble de ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction, de condamnation du SDIS de l'Ain au versement de sommes et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : La requête de M. B..., ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2019 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain et ses conclusions accessoires présentées tant devant le tribunal administratif qu'en appel dans l'instance n° 21LY00179 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00179, 22LY02087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00179
Date de la décision : 15/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-15;21ly00179 ?
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