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13/11/2023 | FRANCE | N°23LY00622

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 13 novembre 2023, 23LY00622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par jugement n° 2205682 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 février 2023, M. A..., représenté par Me C

outaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 ja...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par jugement n° 2205682 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 février 2023, M. A..., représenté par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 janvier 2023 ainsi que l'arrêté du 6 juillet 2022 du préfet de l'Isère le concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, de réexaminer sa demande dans le délai de huit jours après remise d'une autorisation provisoire de séjour sous deux jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 421-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; pour évaluer les revenus, le préfet, comme les premiers juges n'ont pas suffisamment pris en compte le contexte du COVID et son impact sur la vente d'œuvres d'art, alors en outre, qu'il démarrait son activité artistique sur cette même période ; sur les douze derniers mois glissants avant le refus en cause, les ressources issues de son activité artistique se montent à 8 400 euros ;

- il peut utilement se prévaloir de la violation de l'article et L. 421-21 du même code ; il a demandé un titre de séjour " passeport talent " et, compte tenu de sa participation significative au rayonnement artistique de la France, sa demande devait aussi être étudiée au visa de ces dispositions ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la fixation du pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Le préfet de l'Isère n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,

- et les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant chinois, né le 23 février 1988, réside régulièrement en France depuis avril 2015 où il a d'abord poursuivi des études à l'école d'art de Chalon-sur-Saône, dont il a été diplômé en 2017, puis à l'école supérieure d'art et de design de Grenoble qui lui a délivré un diplôme national supérieur d'études plastiques en 2019. A l'achèvement de ces études, il a demandé un titre de séjour " passeport talents ". Par un arrêté du 6 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé de le lui délivrer, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 janvier 2023 qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Aux termes de l'article L. 421-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui est auteur d'une œuvre (...) artistique mentionnée à l'article L. 112-2 du (...) code [de la propriété intellectuelle] se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " d'une durée maximale de quatre ans, sous réserve de justifier du seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d'Etat. ". Suivant le paragraphe 13 de l'annexe 10 du même code tel qu'approuvé par l'ordonnance du 16 novembre 2020, reprenant l'article R. 313-68 du code en vigueur avant le 1er mai 2021, les pièces à fournir en première demande ou changement de statut pour l'obtention de la carte de séjour lorsque l'étranger n'exerce pas une activité salariée sont : " les documents justifiant de la qualité d'artiste ou d'auteur d'œuvre (...) artistique et les justificatifs de ressources, issues principalement (au moins 51 %) de l'activité, pour la période de séjour envisagée, pour un montant au moins équivalent à 70 % du SMIC brut pour un emploi à temps plein par mois de séjour en France (...) ".

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 qu'un étranger demandeur d'une carte de séjour pluriannuelle " passeport talent " doit établir par tous moyens qu'il est en mesure de satisfaire à la condition de ressources suffisantes, non pas au cours de la période passée équivalente à la durée du titre demandé, mais sur la période de validité de l'autorisation qu'il demande. A cette fin, les revenus artistiques des années précédentes peuvent être utilement pris en compte à la condition qu'ils permettent de contribuer à déterminer le niveau de ressources futures retirées de l'activité artistique.

4. M. A..., qui n'a pas limité la durée du titre dans sa demande doit être regardé comme demandant une carte pluriannuelle d'une durée de quatre années, soit la durée maximale. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de la lui délivrer, le préfet de l'Isère s'est uniquement fondé sur la circonstance que, sur les années 2019, 2020 et 2021 antérieures à la demande, M. A... ne justifiait pas disposer de l'existence de moyens suffisants, notamment de ressources équivalant à 70 % du SMIC brut pour un emploi à temps plein par mois. Ce faisant, le préfet, qui devait tenir compte des perspectives de rémunération de M. A... sur la période de séjour envisagée et pas uniquement des ressources d'années antérieures au cours desquelles M. A... était étudiant et ne pouvait retirer de ressources représentatives de celles qu'il retirerait ultérieurement de son activité d'artiste, a méconnu les dispositions citées au point 2.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 6 juillet 2022. Le refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de renvoi doivent dès lors être annulés, ainsi que le jugement n° 2205682.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, mais seulement, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet de l'Isère réexamine la demande de titre de M. A.... Il y a lieu de lui délivrer une injonction en ce sens et de l'assortir d'un délai de deux mois avec remise sous quinzaine d'une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance exposés par M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2205682 du tribunal administratif de Grenoble du 27 janvier 2023 ainsi que l'arrêté du préfet de l'Isère du 6 juillet 2022 concernant M. A... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et après remise sous quinzaine d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président,

Mme Aline Evrard, présidente assesseure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2023.

La rapporteure,

Ch. Psilakis

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00622
Date de la décision : 13/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-13;23ly00622 ?
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