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09/11/2023 | FRANCE | N°23LY02359

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 09 novembre 2023, 23LY02359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2302991 du 17 avril 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enr

egistrée le 17 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Cadoux, demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2302991 du 17 avril 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Cadoux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, une somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure, faute de saisine pour avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; elle est également entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale, la préfète ne pouvant retenir à son encontre qu'il ne pouvait justifier de ressources stables et constituait une menace à l'ordre public ; elle est également entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois est disproportionnée ; elle est également entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

M. C... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant de la Géorgie né le 25 septembre 1976 à Tbilissi, déclare être entré sur le territoire français le 14 septembre 2021. Sa demande d'asile a été rejetée par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) prises respectivement les 31 décembre 2021 et 15 mars 2022. Par un arrêté du 27 janvier 2022, M. C... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement devenue définitive. A la suite d'une interpellation et de son placement en garde à vue, par un arrêté du 13 avril 2023 la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. M. C... relève appel du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...). ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence aux fins d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou placé ou maintenu en rétention administrative en application du titre IV du livre VII, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent. ". Aux termes de l'article R. 611-2 de ce code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est placé ou maintenu en rétention administrative, le certificat prévu au 1° est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 744-14. ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition en garde à vue le 11 avril 2023, M. C... a déclaré souffrir d'hépatite dite " C ", d'une thrombose, d'une " prostate chronique ", d'un ganglion devant être retiré, de problèmes psychologiques et avoir été soigné pour une tuberculose, mais également être suivi par des praticiens au centre hospitalier de la Croix-Rousse ainsi qu'un médecin généraliste. Il a indiqué souhaiter obtenir un titre de séjour au regard de son état de santé. Toutefois, il résulte d'un certificat médical du même jour établi sur réquisition par un docteur en médecine que si l'intéressé bénéficiait d'un traitement retrouvé lors de la fouille, dont la nature n'a pas été précisée, son état de santé était compatible avec une garde à vue sous réserve de l'administration de ce traitement. De même, il ressort d'un document établi le même jour, signé par l'intéressé, que son état de santé n'était pas d'une particulière vulnérabilité ou comme relevant d'un handicap, seuls des problèmes de santé non précisés ayant été évoqués. Ainsi, hormis les propres déclarations de M. C..., il n'apparaît pas que, à la date de la décision contestée, la préfète du Rhône aurait disposé d'éléments suffisamment précis permettant de penser que sa situation relevait du 9° de l'article L. 611-3 précité. Le moyen tiré du vice de procédure, faute de saisine pour avis du collège des médecins de l'OFII, doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté contesté qui, en particulier, retrace le parcours administratif en France de M. C..., mentionne différents éléments, repris plus haut, relatifs à son état de santé et rappelle que sa compagne, dont il est séparé, se trouvait sur le territoire ainsi que son fils, témoigne d'un examen particulier de sa situation. Aucune erreur de droit ne saurait être retenue.

5. En troisième lieu, si M. C... produit pour la première fois en appel différents documents à caractère médical, comprenant des éléments relatifs à des rendez-vous médicaux, ainsi que plusieurs ordonnances, ces pièces ne font état d'aucune pathologie précise et de l'impossibilité de soins en Géorgie, où l'intéressé a vécu, selon ses déclarations jusqu'à son entrée en France le 14 septembre 2021. Rien dans ces éléments ni ses déclarations ne permet de penser que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, au regard de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié au sens des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3. Aucune méconnaissance de ces dispositions ne saurait être admise.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il (...) ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...). ".

7. M. C... a déclaré, lors de sa garde à vue, être sans domicile fixe mais demeurer, à l'heure actuelle, à Villeurbanne. Il apparaît qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement prise le 27 janvier 2022, devenue définitive. Dans ces conditions, la préfète du Rhône pouvait lui refuser un délai de départ volontaire en se fondant, comme elle l'a fait, sur les dispositions du 3° de l'article L. 612-2 et des 5° et 8° de l'article L. 612-3 précités. Si elle a également estimé que l'intéressé constituait une menace à l'ordre public, il apparaît de toutes les façons qu'elle aurait pris la même décision en prenant uniquement en compte les motifs qui viennent d'être évoqués, à l'exclusion de l'ordre public. Et contrairement à ce que soutient M. C..., l'administration n'a pas retenu à son encontre l'absence de justification de ressources stables. Le moyen ne saurait donc être retenu.

8. En cinquième lieu, M. C... soutient qu'il justifie devoir bénéficier d'un délai de départ volontaire compte tenu des circonstances particulières dont il se prévaut. Toutefois, eu égard à ce qui a été précédemment dit s'agissant de son état de santé, et en l'absence de tout élément permettant de penser qu'il aurait des liens avec son fils âgé de dix-sept ans qui résiderait, selon ses déclarations, en France auprès de son ancienne compagne et dont il n'aurait pas la charge, la préfète du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Pour fixer à dix-huit mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, la préfète du Rhône a retenu que l'intéressé ne justifiait pas de circonstances humanitaires, qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement alors que l'asile lui avait été refusé, qu'il ne justifiait pas de la nature ou de l'ancienneté de ses liens avec la France et qu'il constituait une menace à l'ordre public. Si M. C... se prévaut de son état de santé et de la présence de son fils en France, la mesure contestée, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, ne procède d'aucune erreur d'appréciation et n'a pas davantage porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il apparaît en toute hypothèse que, même en estimant que l'intéressé ne constituait pas une menace pour l'ordre public, l'administration aurait pris la même mesure. Les moyens doivent donc être écartés.

11 Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02359

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02359
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : CADOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-09;23ly02359 ?
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