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09/11/2023 | FRANCE | N°23LY01164

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 09 novembre 2023, 23LY01164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et de l'arrêté du 11 janvier 2023 l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2300462 du 31 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal, qui a

renvoyé en formation collégiale les conclusions contre le refus de titre de séjour, a r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et de l'arrêté du 11 janvier 2023 l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2300462 du 31 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal, qui a renvoyé en formation collégiale les conclusions contre le refus de titre de séjour, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation des autres décisions contestées.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 avril 2023, M. B... représenté par Me Huard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, ainsi que les arrêtés susmentionnés ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et après lui avoir remis une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention de New-York et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour, elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention de New-York et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivé, il est disproportionné et entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai prive de base légale l'interdiction de retour en France ; cette dernière est insuffisamment motivée, elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention de New York ; sa durée a été fixée sans examen des critères fixés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , elle est disproportionnée et entachée d'erreur d'appréciation ;

- l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai prive de base légale la décision l'assignant à résidence du 11 janvier 2023.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les observations de Me Huard, pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant macédonien né en 1979, est entré en France en septembre 2010. Sa demande de protection internationale a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 décembre 2012. Par un arrêté du 15 décembre 2022, le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français. Par un arrêté du 11 janvier 2023, il l'a assigné à résidence. M. B... relève appel du jugement du 31 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble, après avoir renvoyé en formation collégiale les conclusions contre le refus de titre de séjour, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande dirigées contre chacun de ces arrêtés.

Sur l'arrêté du 15 décembre 2022 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

S'agissant de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, et tout d'abord, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

4. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis 2010, que sa famille est intégrée et que ses enfants sont scolarisés. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que si la présence de M. B... en France depuis 2010 est établie, il s'y est maintenu en dépit de trois mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées. Son épouse, de même nationalité que lui, est elle-même en situation irrégulière. Il n'établit ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans ni que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Macédoine, pays dans lequel ses deux derniers enfants mineurs, eu égard à leur âge, pourraient poursuivre leur scolarité dans des conditions satisfaisantes et alors que ses autres enfants, en situation régulière en France, sont majeurs. Par suite, et au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de séjour contesté n'a pas été pris en violation des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur la situation personnelle de l'intéressé ne saurait être retenue.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... et son épouse ne pourraient poursuivre leur vie familiale en Macédoine, pays dont ils ont tous les deux la nationalité, avec leurs enfants mineurs où rien ne fait obstacle à la poursuite de leur scolarisation. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait intervenu en violation des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

7. Ainsi M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.

S'agissant des autres moyens :

8. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du premier juge le moyen tiré du défaut de motivation.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens tirés de ce que cette obligation de quitter le territoire aurait été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

10. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du premier juge les moyens tirés du défaut de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés plus haut, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

13. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs du premier juge, le moyen tiré du défaut de motivation et de ce que sa durée est disproportionnée et entachée d'erreur d'appréciation.

Sur l'arrêté du 11 janvier 2023 l'assignant à résidence :

14. Compte tenu de ce qui précède M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté l'assignant à résidence doit être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées. Dès lors, les conclusions de sa requête doivent, dans leur ensemble, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

C. Djebiri Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY01164

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01164
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-09;23ly01164 ?
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