Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel le préfet du Cantal l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n° 2102787 du 12 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 juin et 17 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Benhamida, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Cantal, sans délai et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d'instruire sa demande de titre de séjour en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation et d'un défaut de motivation dans la mesure où le préfet ne s'est pas prononcé sur sa demande de titre de séjour qui était complète ;
- il est entaché d'une erreur de base légale puisque sa situation ne relève pas du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement car il entre dans la catégorie des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire a été signée par une autorité incompétente ;
- il n'entre pas dans le champ du 7° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de sorte que le préfet ne justifie pas l'existence d'un risque de soustraction à la mesure d'éloignement ;
- la décision fixant le pays de destination a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'erreur de fait ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de délai de départ volontaire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'est pas justifiée compte tenu de sa situation personnelle ;
- elles méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 1er août 2022, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée par une décision du 21 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle.
Le recours dirigé contre la décision du 21 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle a été rejeté par une ordonnance du 11 octobre 2023 du président de la cour administrative d'appel de Lyon.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, rapporteure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., se déclarant né le 15 août 2001 et ressortissant ivoirien, a bénéficié, peu de temps après son arrivée en France en août 2017, d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance. A sa majorité, il a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après examen des actes d'état civil qu'il avait déposés à la préfecture, le préfet du Cantal a décidé, par arrêté du 7 décembre 2021, de l'obliger à quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a fixé son pays de destination. Par un jugement du 12 mai 2022 dont M. A... relève appel, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
3. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative oblige à quitter le territoire français un étranger qui se trouve dans l'un des cas mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ne saurait davantage y faire obstacle la circonstance qu'un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour a été délivré à l'intéressé pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
4. L'obligation de quitter le territoire français comprend les motifs de droit et les considérations de fait qui en constituent le fondement. Si le préfet n'a pas expressément statué, dans la décision litigieuse, sur la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement de l'article L. 423-22, il n'était pas tenu de le faire, le refus de délivrance d'un tel titre de séjour ne constituant pas la base légale de l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation et d'un défaut de motivation dans la mesure où le préfet ne s'est pas prononcé sur cette demande de titre de séjour doivent être écartés.
5. Par ailleurs, d'une part, pour les motifs exposés aux points 6 et 7 du jugement attaqué qu'il y a lieu d'adopter, M. A... ne justifie pas qu'il est entré en France alors qu'il était mineur. S'il fait valoir qu'il dispose d'un passeport authentique qui a été délivré sur la base de documents qui n'avaient alors pas été écartés comme frauduleux, il ressort des pièces du dossier qu'il a été délivré sur la base d'un extrait d'acte de naissance du 1er septembre 2016, délivré le 25 juillet 2017, qui avait fait l'objet d'un avis défavorable de la cellule fraude documentaire du ministère de l'intérieur au motif notamment que n'était pas produit le jugement supplétif n° 185 du 29 janvier 2016 sur lequel il se fondait. Postérieurement à l'obtention de son passeport, il a produit ce jugement supplétif. Toutefois, il a été établi qu'il s'agissait d'un document falsifié puisque la signature permettant de légaliser l'acte était frauduleuse. Si M. A... fait valoir que cette signature n'a pas vocation à authentifier l'acte lui-même, toutefois cette falsification ôte, dans les circonstances de l'espèce, dans la mesure où il a été établi que l'acte de naissance que M. A... a produit dans le même temps était un faux document, toute valeur probante à ce document. Dans ces conditions, et ainsi que l'a indiqué le tribunal, il n'est pas établi que M. A... était mineur lorsqu'il est arrivé en France.
6. D'autre part, M. A... s'est maintenu en France sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. A supposer même le refus du préfet d'enregistrer sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile illégal, ni le dépôt de cette demande de titre de séjour, ni le fait qu'il aurait pu obtenir dans le cadre de l'instruction de cette demande un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour n'auraient fait obstacle à ce que le préfet prenne la mesure d'éloignement litigieuse. Dans ces conditions, M. A..., qui entrait dans le champ du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale.
7. Si l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit les conditions dans lesquelles l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer un titre de séjour, il n'est pas établi que M. A... ait été confié à ce service alors qu'il n'était pas encore âgé de seize ans. Par suite le moyen tiré de ce qu'entrant dans la catégorie des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement doit, en tout état de cause, être écarté.
8. Pour le surplus, M. A... reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de l'incompétence du signataire de l'obligation de quitter le territoire français et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les motifs retenus par le premier juge qu'il y a lieu d'adopter, et alors que M. A... a bénéficié indument d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance et que sa bonne intégration ne saurait suffire à caractériser une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ces moyens doivent être écartés.
Sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire :
9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ; ".
10. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision.
11. Dès lors que pour justifier de son identité M. A... a présenté des documents falsifiés, le préfet pouvait estimer, sur le fondement du 7° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 3° de l'article L. 612-2, qu'il existait un risque que M. A... se soustraie à la mesure d'éloignement.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. M. A... reprend en appel les moyens déjà soulevés devant le tribunal tirés de ce que la décision fixant le pays de destination a été signée par une autorité incompétente, qu'elle est entachée d'erreur de fait et qu'elle est insuffisamment motivée. Il y a lieu, par adoption des motifs de la magistrate désignée du tribunal, d'écarter ces moyens.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. Compte tenu de ce qui a été précédemment indiqué sur la légalité du refus d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., ce dernier n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de cette mesure à l'encontre de l'interdiction de retour.
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté.
15. Pour le surplus, il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter les moyens tirés de l'incompétence du signataire de cette décision, de son insuffisante motivation et de ce qu'en adoptant une telle mesure, non justifiée au regard de sa situation personnelle, le préfet aurait commis une erreur d'appréciation.
16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, en ce compris celles aux fins d'injonction et d'astreinte et de mise à la charge de l'État d'une somme à verser à son conseil au titre des frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Cantal.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01848
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