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09/11/2023 | FRANCE | N°22LY00542

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 09 novembre 2023, 22LY00542


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes, M. B... D... et Mme C... A... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 23 février 2021 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi.

Par jugement n° 2104305, 2104306 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enr

egistrés les 16 février 2022 et 24 novembre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Hassid, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes, M. B... D... et Mme C... A... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 23 février 2021 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi.

Par jugement n° 2104305, 2104306 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2022 et 24 novembre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Hassid, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2021 ainsi que les décisions susvisées ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de leur délivrer à titre principal un titre de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de fixer le délai d'instruction de leur dossier à deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) en cas d'annulation des décisions fixant le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète du Rhône de leur délivrer une assignation à résidence ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions portant refus de séjour sont entachées d'un défaut de motivation et d'examen particulier de leur demande ;

- l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans le cadre de la demande de séjour présentée par M. D... est irrégulier ; les signatures portées sur l'avis de l'OFII sont illisibles ; la preuve du caractère collégial de l'avis n'est pas rapportée au regard notamment des prescriptions de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial ni celle du respect des prescriptions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 s'agissant de la signature électronique ; il n'est pas justifié de la compétence des médecins du collège de l'OFII ni de celle du médecin rapporteur ; l'avis rendu le 15 juin 2020 l'a été plus de trois mois après la transmission par M. D... du certificat médical requis et la décision a été édictée le 23 février 2021 soit plus de 14 mois après cette transmission ;

- la décision portant refus de séjour opposée à M. D... méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement nécessaire à l'état de santé de l'intéressé n'est pas disponible au Kosovo et que différents examens médicaux doivent être réalisés en France ;

- les décisions portant refus de séjour édictées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut de motivation et d'examen particulier de leur demande ;

- elles méconnaissent les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions fixant un délai de départ volontaire d'un mois méconnaissent l'article L. 511-1, II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3, combiné à l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations par courrier du 14 novembre 2022 qui ont été communiquées aux parties.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date des arrêtés attaqués ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les observations de Me Cavalli substituant Me Hassid pour M. et Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., de nationalité kosovare, déclarent être entrés irrégulièrement en France, accompagnés de leurs deux enfants mineurs, le 17 février 2015. Les demandes d'asiles présentées par les intéressés ont été définitivement rejetées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 17 février 2017. M. et Mme D... ont fait l'objet de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français du 20 mars 2017 qui ont été annulées par jugements du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2017. La cour administrative de Lyon ayant annulé ces jugements le 26 octobre 2017, par deux arrêtés du 26 novembre 2018, le préfet du Rhône a de nouveau rejeté les demandes des intéressés. Par un jugement du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a prononcé l'annulation de ces décisions enjoignant à l'autorité administrative de procéder au réexamen de la situation de M. et Mme D.... Le 12 décembre 2019, les intéressés ont sollicité le réexamen de leurs situations. Par deux arrêtés du 23 février 2021, le préfet du Rhône a rejeté les demandes d'admission au séjour présentées par M. D... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pour Mme D... sur le fondement du 7° du même article. M. et Mme D... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur le moyen commun aux décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. Les appelants réitèrent en appel leurs moyens tirés du défaut de motivation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français qui leur ont été opposées ainsi que du défaut d'examen particulier de leur situation. Le tribunal a écarté ces moyens au point 2 de son jugement par des motifs pertinents qu'il convient pour la cour d'adopter.

Sur la légalité des décisions portant refus de séjour :

En ce qui concerne l'état de santé de M. D... :

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'avis du 15 juin 2020 produit au dossier comporte au-dessus des signatures des trois médecins composant le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), parfaitement lisibles, les prénoms et noms de chacun des trois médecins composant le collège permettant de les identifier et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils n'auraient pas été compétents pour émettre cet avis de même que le médecin rapporteur.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ( ...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. " Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

5. En vertu des articles L. 313-11 11°), R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3 et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 313-11°), doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 15 juin 2020 par le collège de médecins de l'OFII concernant M. D... indique que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale et qu'un éventuel défaut de soins pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays d'origine de l'intéressé, il pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Les dispositions citées au point 4, issues de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et de ses textes d'application, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'OFII, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de la garantie liée au caractère collégial de la délibération du collège de médecins de l'OFII doit être écarté, sans que les requérants ne puissent utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial dès lors que ces dispositions ne régissent pas la procédure d'élaboration de l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures communiquées par l'OFII de l'immigration et de l'intégration à la suite d'une mesure d'instruction de la cour, que les signatures figurant sur l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII et de l'intégration ne sont pas des signatures électroniques, mais constituent un fac-similé des signatures manuscrites de chacun des médecins composant le collège et ne relèvent pas, de ce fait, de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. Il ressort également des explications de l'OFII que la signature de chacun des médecins composant le collège est apposée électroniquement, lorsque ce membre valide l'avis collégial, par le biais d'une application de gestion laquelle comporte deux niveaux d'identification nécessitant pour chaque médecin une connexion avec un identifiant et un mot de passe individualisé défini sur le réseau interne de l'Office, puis une connexion au système d'information relatif à la procédure " étranger malade " avec un autre identifiant et un mot de passe personnel. Cette application génère à la suite un avis au format " PDF " qui ne peut être modifié ou contrefait, puis cet avis est diffusé aux membres du collège pour une ultime validation. Compte tenu de ces garanties, aucun élément du dossier ne permet de douter que chacun des médecins composant le collège qui a rendu l'avis concerné n'aurait pas consenti à ce document ou que celui-ci aurait été altéré depuis son émission. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII doit donc être écarté.

8. En quatrième lieu, si l'avis du collège des médecins a été rendu le 15 juin 2020, soit plus de trois mois après que M. D... a transmis les éléments médicaux le concernant, la méconnaissance de ce délai de trois mois prévu à l'article R. 313-23 du code précité n'a pas privé le requérant d'une garantie ni exercé d'influence sur le sens de la décision prise dès lors, notamment, qu'il n'est pas établi par les certificats médicaux produits que l'état de santé de l'intéressé se serait sensiblement modifié.

9. En dernier lieu, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

10. M. D... soutient qu'il a été opéré d'un cancer de la thyroïde au Kosovo, en 2013, et qu'il a dû subir, en France, en 2015, une nouvelle intervention, souffrant d'un cancer des ganglions lymphatiques du cou. Il a suivi par la suite une radiothérapie, six mois après l'intervention, puis six mois plus tard. Il ressort des pièces médicales produites au dossier qu'il suit un traitement médicamenteux (Levothyrox, Rocaltrol et Calcite) et est suivi par des médecins endocrinologues de l'hôpital Lyon Sud, son état de santé nécessitant une surveillance biologique trimestrielle et plusieurs examens annuels. Toutefois, aucune de ces pièces ne démontrent que le traitement médicamenteux prescrit à M. D... ne serait pas disponible au Kosovo ni qu'il ne pourrait y bénéficier d'un suivi médical approprié à son état de santé. Par suite, les documents dont fait état l'intéressé ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII, que le préfet du Rhône s'est approprié en prenant la décision portant refus de séjour opposée à M. D.... Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation portée sur l'état de santé du requérant doivent être écartés.

En ce qui concerne la situation de M. et Mme D... :

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont entrés en France à l'âge respectivement de 32 ans et 29 ans et ont donc vécu l'essentiel de leur existence dans leur pays d'origine. S'ils se prévalent de la présence en France du frère de M. D..., ils ont nécessairement conservé dans leur pays d'origine d'autres attaches familiales ainsi que des attaches privées. Ainsi qu'il a été précisé, M. D... pourra être suivi médicalement au Kosovo au regard de son état de santé. Les intéressés ne justifient pas d'une intégration sociale particulière en France hormis au niveau associatif et ne démontre aucune insertion professionnelle. S'ils se prévalent de la scolarisation de leurs enfants, celle-ci pourra se poursuivre au Kosovo où la cellule familiale pourra se reconstituer. Dans ces conditions, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour en France des intéressés, le préfet du Rhône n'a pas entaché ses décisions portant refus de séjour d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il n'a pas davantage entaché sa décision pour les mêmes motifs d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision susvisée opposée à M. D... méconnaît les dispositions alors applicables du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 12, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions susvisées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et qu'elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

15. Les requérants réitèrent en appel le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne leur accordant pas de délai de départ volontaire supérieur à trente jours sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit à l'appui de celui-ci ni critiquer les motifs par lesquels le tribunal a écarté ce moyen. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 15 et 16 de leur jugement.

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 12, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions susvisées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et qu'elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

17. Les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français opposées aux requérants n'étant pas illégales, M. et Mme D... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi.

18. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...)". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les requérants n'établissent pas que M. D... ne pourrait effectivement bénéficier au Kosovo d'un traitement adapté à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

20. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Les conclusions qu'ils présentent aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme C... A... épouse D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône et à l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00542

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00542
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : HASSID

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-09;22ly00542 ?
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