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31/10/2023 | FRANCE | N°23LY00518

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 31 octobre 2023, 23LY00518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société La Goutte d'Or a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'un recours contre le titre de recette émis le 29 juin 2017 par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) en vue du reversement d'une aide d'un montant de 188 019,90 euros.

Par un jugement n° 1706420 du 20 août 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19LY03751 du 13 juillet 2021, le président de la 3ème chambre de la cour administrat

ive d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société La Goutte d'Or contre ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société La Goutte d'Or a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'un recours contre le titre de recette émis le 29 juin 2017 par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) en vue du reversement d'une aide d'un montant de 188 019,90 euros.

Par un jugement n° 1706420 du 20 août 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19LY03751 du 13 juillet 2021, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société La Goutte d'Or contre ce jugement.

Par une décision n° 456666 du 14 février 2023, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance précitée et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour

L'affaire ainsi renvoyée a été enregistrée le 14 février 2023 sous le n° 23LY00518.

Par un mémoire, enregistré le 9 mars 2023, l'EARL La Goutte d'Or, représentée par Me Gonnet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 août 2019 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire n° 2017-799 du 29 juin 2017 émis à son encontre par la directrice générale de FranceAgriMer, pour un montant de 188 019,90 euros, et de la décharger du paiement de cette somme ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête de première instance était recevable, ainsi que l'a retenu le Conseil d'Etat ;

- la créance revendiquée par FranceAgriMer était prescrite à la date d'émission du titre de recettes ;

- au vu de l'imprécision des textes, FranceAgriMer ne pouvait remettre en cause une partie de l'aide accordée au motif que le délai de réalisation des travaux n'était pas respecté ;

- FranceAgriMer ne justifie pas ses demandes de reversement à hauteur de la somme de 134 619,54 euros, correspondant aux travaux achevés au 31 mai 2013, de 4 202,17 euros concernant les factures Technicom, de 12 264 euros relative aux travaux de démolition, dont il n'est pas démontré qu'ils n'étaient pas éligibles, ni enfin celle afférente à la limitation imposée aux frais d'ingénierie ;

- la pénalité appliquée n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2023, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgrimer, représenté par la SELAS d'avocats Seban et Associés, agissant par Me Vandepoorter, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'EARL La Goutte d'Or la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EARL La Goutte d'Or ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;

- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;

- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;

- le code civil ;

- le décret n° 2009-178 du 16 février 2009 ;

- le décret n° 2013-148 du 19 février 2013 ;

- l'arrêté du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en œuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- la décision FILIERES/SEM/D 2010-05 du directeur général de FranceAgriMer du 17 février 2010 ;

- l'arrêt n° C-59/14 du 6 octobre 2015 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Peyronnard, représentant l'EARL La Goutte d'Or, et celles de Me Goachet, représentant l'établissement FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. La société La Goutte d'Or, qui exploite un domaine viticole sur le territoire de la commune de Ballaison (Haute-Savoie) et ses alentours, a présenté une demande d'aide auprès de l'établissement FranceAgriMer afin de financer la construction d'un chai de vinification et d'embouteillage, la rénovation d'un ancien bâtiment destiné au stockage des bouteilles ainsi que l'acquisition d'équipements de vinification. Par une décision du 21 décembre 2010, FranceAgriMer lui a attribué une aide d'un montant de 633 595 euros pour la réalisation d'un projet d'investissement évalué à 1 583 987,50 euros, soit 40 % de ce dernier montant. Un premier versement est intervenu le 17 mai 2011 et le solde de l'aide a été versé le 7 juillet 2014, à l'issue d'un contrôle sur place réalisé par FranceAgriMer. A la suite d'un second contrôle sur place effectué par la mission de contrôle des opérations dans le secteur agricole du contrôle général économique et financier, qui a conclu à un dépassement de la date limite de fin de travaux, à la présentation d'une demande de paiement insincère, à la prise en compte de dépenses inéligibles et à l'acquisition de matériels d'occasion, le directeur de FranceAgriMer a émis le 29 juin 2017 un titre de recette à l'encontre de la société La Goutte d'Or en vue d'obtenir le reversement d'une partie de l'aide octroyée, à hauteur de 165 774,07 euros, assorti de pénalités d'un montant de 22 245,83 euros, soit un montant total de 188 019,90 euros. Par un jugement du 20 août 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête formée par cette société contre ce titre de recette au motif qu'elle était dépourvue de conclusions et par suite irrecevable. Par une ordonnance du 13 juillet 2021, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, l'appel qu'elle a formé contre ce jugement. Par une décision du 14 février 2023, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. Il ressort des termes de la requête présentée devant le tribunal administratif de Grenoble, intitulée " recours contentieux contre le titre de recette n° 2017-1799 du 29 juin 2017 ", que la société La Goutte d'Or, qui n'était pas assistée d'un conseil, demandait que la somme mise à sa charge par ce titre de recette " soit dans son ensemble reconsidérée et fortement diminuée " et invoquait, par une motivation renvoyant précisément à des documents joints à la requête, plusieurs moyens tendant à contester le bien-fondé de la demande de reversement de l'aide dont elle avait bénéficié. Elle devait dès lors être regardée comme sollicitant la décharge, totale ou partielle, de la somme en litige. Il s'ensuit qu'en rejetant sa demande au motif qu'elle était dépourvue de conclusions et par suite irrecevable, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité, lequel doit être annulé.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :

En ce qui concerne la prescription :

5. Aux termes de l'article premier du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans. / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s'étend en tout cas jusqu'à la clôture définitive du programme. / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / (...) / 3. Les États membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2. ".

6. En l'absence d'un texte spécial fixant, dans le respect du principe de proportionnalité, un délai de prescription plus long pour le reversement des aides à l'investissement accordées dans le cadre de l'organisation commune du marché vitivinicole, seul le délai de prescription de quatre années prévu au premier alinéa du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 cité ci-dessus est applicable. Par suite, le délai de prescription de cinq années, prévu, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, par les dispositions à caractère général de l'article 2224 du code civil, n'est pas applicable en lieu et place du délai de prescription de quatre années précité. En outre, par un arrêt du 6 octobre 2015, Firma Ernst Kollmer Fleischimport und -export c/ Hauptzollamt Hamburg-Jonas (C-59/14), la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel, a dit pour droit que les articles 1er, paragraphe 2, et 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2988/95, cités au point précédent, doivent être interprétés en ce sens que, dans des circonstances où la violation d'une disposition du droit de l'Union n'a été détectée qu'après la réalisation d'un préjudice, le délai de prescription commence à courir à partir du moment où tant l'acte ou l'omission d'un opérateur économique constituant une violation du droit de l'Union que le préjudice porté au budget de l'Union ou aux budgets gérés par celle-ci sont survenus, et donc à compter de la plus tardive de ces deux dates. Par le même arrêt, la Cour de Justice a dit pour droit que l'article 1er, paragraphe 2, de ce règlement doit être interprété en ce sens que le préjudice est réalisé à la date à laquelle la décision d'octroyer définitivement l'avantage concerné est prise.

7. Il résulte de l'instruction que l'avantage dont l'EARL La Goutte d'Or a bénéficié a été définitivement accordé par le versement du solde de l'aide le 7 juillet 2014. Par suite, le point de départ du délai de prescription se situe à cette date et non, contrairement à ce que l'EARL La Goutte d'Or soutient, à la fin de l'année 2010, année de notification de la décision d'attribution de l'aide. Dès lors que le titre litigieux a été émis le 29 juin 2017, soit moins de quatre ans après le versement, le 7 juillet 2014, du solde de l'aide attribuée à l'EARL La Goutte d'Or, le moyen tiré de la prescription de l'action en répétition de l'indu ne peut qu'être écarté, alors d'ailleurs qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 3, paragraphe 1 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 cité au point 4, le cours de la prescription avait été interrompu par le courrier du chef de mission de FranceAgriMer du 21 juin 2016 et le courrier du directeur général de cet établissement du 14 mars 2017 invitant l'EARL La Goutte d'Or à présenter ses observations sur les manquements constatés.

En ce qui concerne la réduction de l'aide :

8. Une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Il en résulte que les conditions mises à l'octroi d'une subvention sont fixées par la personne publique au plus tard à la date à laquelle cette subvention est octroyée. Quand ces conditions ne sont pas respectées, en tout ou partie, le retrait ou la réduction de la subvention peuvent intervenir sans condition de délai. Lorsque l'autorité compétente constate la méconnaissance d'une condition à laquelle l'octroi d'une subvention a été subordonnée, il lui appartient, sans préjudice des mesures qui s'imposent en cas de constat d'une irrégularité au regard du droit de l'Union européenne, d'apprécier les conséquences à en tirer, de manière proportionnée eu égard à la teneur de cette méconnaissance, sur la réduction ou le retrait de la subvention en cause.

9. En premier lieu, le directeur général de FranceAgriMer a précisé, par décision du 17 février 2010, les conditions d'attribution des aides au secteur vitivinicole financées par le FEAGA régies, à la date des faits en litige, par les règlements (CE) n° 479/2008 du 29 avril 2008 et n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et, en droit interne, par le décret du 16 février 2009 modifié et l'arrêté du 17 avril 2009. Aux termes du point 5° intitulé " Délai de réalisation des travaux ", de l'article V de cette décision : " Les travaux prévus doivent être réalisés dans les 2 années suivant la date de notification de la décision d'octroi de l'aide, ou suivant la date de notification au bénéficiaire de la convention signée par FranceAgriMer, prorogeables d'une année sur demande justifiée du porteur de projet. "

10. Il ressort des termes de la décision du 21 décembre 2010 d'attribution à l'EARL de l'aide aux investissements vinicoles, que les travaux objets de l'aide devaient être terminés dans un délai de deux années suivant la date de la notification de la décision, ce délai étant susceptible d'être prorogé d'un an, sous peine de réductions appliquées sur le montant de l'aide. Par convention du 25 juin 2012, FranceAgriMer a accepté la demande de prorogation formulée par la requérante le 28 mars 2012 et a reporté la date de fin de réalisation du projet d'investissement du 21 décembre 2012 au 31 mai 2013. Ainsi, dès lors qu'une telle date était prévue par la décision attributive de subvention, conformément à la décision du directeur général de FranceAgriMer citée au point précédent, puis par la convention signée ensuite entre les parties, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait légalement, en l'absence de texte, lui opposer le non-respect de la date limite de fin des travaux. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en œuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole : " 2. L'aide est attribuée sur décision du directeur de l'établissement désigné à l'article 2, après avis de la commission composée d'experts. / (...) / 4. L'aide est accordée sous forme de subvention. Le bénéficiaire de l'aide aux investissements peut demander le versement d'une avance, conformément à l'article 19 du règlement (CE) n° 555/2008, s'il constitue une caution égale à 110 % du montant de l'avance. / (...) / L'ensemble des dispositions du présent article sont précisées par la circulaire du directeur de l'établissement désigné à l'article 2 ". Le 7° du V de la décision précitée du directeur général de FranceAgriMer du 17 février 2010 précise que " le montant de l'aide (ou le solde) est versé au bénéficiaire après réalisation complète des travaux programmés et vérification sur place de la réalisation des investissements, et des dépenses éligibles effectuées sur la base des factures acquittées. ". Il résulte en outre des termes de la convention du 25 juin 2012 conclue avec l'EARL La Goutte d'Or que " la demande de solde accompagnée des justificatifs complets " devait être présentée " au plus tard 1 mois après la date limite de réalisation des travaux mentionnée à l'article 2 de la présente convention, cachet de la poste faisant foi, soit avant le 1er juillet 2013 ".

12. Pour retenir que la date d'achèvement des travaux n'avait pas été respectée, l'établissement FranceAgriMer a considéré qu'il ressortait de certaines factures, émises après le 31 mai 2013, que les travaux étaient toujours en cours à cette date. Il ressort en particulier de la décision attaquée du 29 juin 2017 et du courrier du 14 mars 2017 cité au point 6 que le planning transmis par la société Ducoin mentionnait que les travaux s'étaient poursuivis après cette date, que des réunions de chantier s'étaient tenues jusqu'en octobre 2013, que le procès-verbal de réception des travaux était intervenu en septembre 2013 et que la déclaration de conformité et d'achèvement des travaux signée le 31 juillet 2015 mentionnait un achèvement du chantier le 31 décembre 2014. Ainsi, la directrice générale de FranceAgriMer n'a pas commis d'erreur en retenant que les travaux n'étaient pas achevés à la date du 31 mai 2013, la circonstance que la société Diec ait émis le 16 mai 2013 une facture correspondant à l'intégralité du montant des travaux en cause n'étant pas de nature à établir la réalisation effective de ceux-ci à la date susmentionnée.

13. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision en litige que le reversement de la somme de 4 202,17 euros correspondant à 40 % du montant d'une facture d'acompte émise par la société Technicom le 17 mai 2013, est fondé sur le défaut de justification de réalisation des travaux avant le 31 mai 2013. En se bornant à soutenir que cette somme se rattache à la facture de la société Technicom pour le solde d'un montant de 68 959,57 euros, laquelle a précisément été émise le 27 juin 2013, postérieurement à la date limite de réalisation des travaux et n'était par suite pas éligible à l'aide, la société La Goutte d'Or ne contredit pas utilement le motif de la décision de FranceAgriMer.

14. En quatrième lieu, si l'EARL La Goutte d'Or fait également valoir que les factures correspondant à des travaux de démolition ne pouvaient être remises en cause, elle n'assortit son argumentation d'aucun élément précis, alors que FranceAgriMer fait valoir sans être contestée que de tels travaux ne figurent pas au nombre des dépenses éligibles à la subvention accordée par la décision du 17 février 2010.

15. En cinquième lieu, il ressort des termes de la décision d'octroi de la subvention que la prise en charge des frais d'étude et d'ingénierie était limitée à 10 % du coût de l'opération. L'EARL requérante n'est donc pas fondée à soutenir que FranceAgriMer aurait commis une erreur en réduisant le montant de l'aide octroyée à ce titre au seul vu du montant des dépenses considérées comme éligibles.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 bis de l'arrêté du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en œuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole : " En application des dispositions de l'article 98 du règlement (CE) n° 555 / 2008 et de l'article 18 du règlement (CE) n° 436 / 2009, des réfactions sont effectuées sur le montant de l'aide : / - si les dépenses éligibles retenues après contrôle sont inférieures au montant pour lequel des justificatifs ont été fournis ; / - en cas de sous-réalisation des dépenses prévues de plus de 20 % ; (...) 2. Sous-réalisation des dépenses prévues de plus de 20 % : /- lorsque les dépenses réalisées, éligibles après contrôle, sont inférieures à 80 % des dépenses prévues et supérieures ou égales à 70 %, l'aide est calculée sur la base des dépenses réalisées éligibles après contrôle, et est minorée de 5 % (...) ". L'article VII de la décision du 17 février 2010, intitulé " Contrôles et réfactions de l'aide ", prévoit l'application d'une telle réfaction sur le montant de l'aide " en cas de sous-réalisation des dépenses prévues de plus de 20 % ".

17. Il résulte de l'instruction que le total des sommes dont le reversement a été demandé correspond à 27,14 % de l'aide initialement octroyée et que les dépenses réalisées, éligibles après contrôle, représentent donc 72,86 % de cette aide, ce qui entraîne l'application de la minoration de l'aide à hauteur de 5 % prévue par les dispositions rappelées au point précédent. En soutenant qu'elle n'a pas cherché à tromper l'établissement FranceAgriMer ni n'a été de mauvaise foi, la requérante ne conteste pas utilement la réfaction opérée par ce dernier. Le moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions précitées de l'arrêté du 17 avril 2009, à le supposer invoqué, doit donc être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL La Goutte d'Or n'est pas fondée à demander l'annulation du titre exécutoire du 29 juin 2017 émis à son encontre par FranceAgriMer, pour un montant de 188 019,90 euros, et la décharge de l'obligation de payer cette somme.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que l'EARL La Goutte d'Or demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par FranceAgriMer sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 août 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de l'EARL La Goutte d'Or présentée devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par FranceAgriMer au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL La Goutte d'Or et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.

La présidente rapporteure,

Emilie FelmyL'assesseur le plus ancien,

Joël Arnould

La greffière,

Noémie Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00518
Date de la décision : 31/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture et forêts - Produits agricoles - Généralités.

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Politique agricole commune.

Communautés européennes et Union européenne - Litiges relatifs au versement d`aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-31;23ly00518 ?
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