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31/10/2023 | FRANCE | N°22LY02135

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 31 octobre 2023, 22LY02135


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de son éloignement et a prononcé une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2201453 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregist

rée le 13 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Blanc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de son éloignement et a prononcé une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2201453 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Blanc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Ain du 16 février 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français, qui s'analyse en une sanction, a été prise en violation de l'article L. 121-1 du code de relations entre le public et l'administration, en l'absence de procédure contradictoire préalable ;

- il remplissait les conditions de résidence prévues à l'article L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et bénéficiait d'un droit au séjour permanent ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la menace à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société n'est pas actuelle ; il présente des garanties sérieuses de réinsertion ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui interdisant de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que son comportement ne constitue plus une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant italo-tunisien, né le 27 juin 1987, déclare être entré en France au cours de l'année 2014. Il a été interpellé au mois d'octobre 2017 par les policiers de la direction générale de la sécurité intérieure puis placé en détention provisoire. Par un jugement en date du 14 octobre 2021, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré l'intéressé personnellement coupable des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme commis courant 2015, 2016, 2017 et ce jusqu'au 10 octobre 2017 dans le département de l'Ain, en tout cas sur le territoire national et de manière indivisible en Suisse et en Turquie, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de six ans et prononcé à son encontre un suivi socio-judiciaire pour une durée de trois ans à titre de peine complémentaire. Par un arrêté du 16 février 2022, la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 février 2022 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, reprenant les anciennes dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce code, ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français.

3. En deuxième lieu, par les pièces qu'il produit, M. A... ne justifie pas avoir vécu de manière ininterrompue en France pendant les cinq années ayant précédé l'arrêté en litige, et n'établit pas davantage qu'il y aurait résidé de manière légale, dans le respect de l'une des conditions énumérées à l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, faute d'avoir acquis un droit au séjour permanent au sens de l'article L. 234-1 de ce code, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inséré au titre V " Décisions d'éloignement " du livre II " Dispositions applicables aux citoyens de l'Union européenne et aux membres de leur famille ": " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société/ L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'entre 2015 et jusqu'au mois d'octobre 2017, M. A... a incité et facilité le départ en zone irako-syrienne de candidats au jihad armé et qu'il a lui-même tenté de rejoindre une zone de combat. Il a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 14 octobre 2021, à une peine d'emprisonnement délictuel de six ans. Eu égard au caractère récent des faits pour lesquels il a été définitivement condamné et à cette condamnation, d'ailleurs assortie, à titre de peine complémentaire, d'un suivi socio-judiciaire pour une durée de trois ans, le requérant n'est pas fondé à soutenir, quand bien même son comportement en détention n'aurait révélé aucun signe de radicalisation ni de velléité d'action violente, que l'actualité de la menace ne serait pas établie à la date de la décision contestée. A cet égard, demeure sans incidence la circonstance que la juridiction correctionnelle n'a pas prononcé à l'encontre de l'intéressé une peine complémentaire d'interdiction du territoire. Dans ces conditions, alors que l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, n'était présent que depuis trois ans en France lors de son interpellation par les services de police, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, la préfète de l'Ain a fait une exacte application des dispositions citées au point précédent.

6. En quatrième lieu, M. A... reprend en appel son moyen tiré la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence (...) ".

8. Comme l'ont relevé les premiers juges, eu égard à la gravité des agissements de l'intéressé et à leur caractère récent, la préfète de l'Ain n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant qu'il y avait urgence à éloigner M. A... du territoire français et à lui refuser un délai de départ volontaire alors même qu'il n'était pas libérable à la date de la décision en litige.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans :

9. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. ".

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. A... n'est pas fondé à soutenir que son comportement ne constituerait pas, à la date de la décision en litige, une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public. Dans les circonstances de l'espèce, la préfète de l'Ain, en prenant une décision d'interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans, soit la durée maximale, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Noémie Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02135
Date de la décision : 31/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-31;22ly02135 ?
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