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19/10/2023 | FRANCE | N°23LY02402

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 octobre 2023, 23LY02402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 mars 2023 par lequel la préfète du Rhône a prononcé sa remise aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la préfète du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2301879 du 14 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 juillet 2023 et le 4 août 2023, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 mars 2023 par lequel la préfète du Rhône a prononcé sa remise aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la préfète du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2301879 du 14 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 juillet 2023 et le 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Bouhalassa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 14 mars 2023 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées du 8 mars 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 800 euros, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête n'a pas perdu son objet ;

- la décision de remise est insuffisamment motivée ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation particulière ;

- la décision de remise est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires enregistrés le 2 août 2023 et le 30 août 2023, la préfète du Rhône conclut au non-lieu à statuer sur la requête.

Elle soutient que :

- le requérant a été réadmis en Espagne le 11 juillet 2023, la décision de remise ayant ainsi été exécutée ;

- aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc, né le 27 août 2003, est entré irrégulièrement en France, le 19 novembre 2022, selon ses déclarations et a sollicité le 8 décembre 2022, son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait auparavant sollicité l'asile auprès des autorités espagnoles. Le 11 janvier 2023, la préfète du Rhône a adressé aux autorités espagnoles une demande de reprise en charge de M. B... en application des dispositions de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités espagnoles ont acceptée, par un accord explicite du 17 janvier 2023. Par un arrêté du 8 mars 2023, la préfète du Rhône a décidé de transférer M. B... à ces autorités et, par un arrêté du même jour, l'a assigné à résidence dans le département du Rhône pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 14 mars 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

2. Si la préfète fait valoir que l'arrêté de transfert litigieux a été exécuté le 11 juillet 2023, cette seule circonstance ne prive pas d'objet la présente requête. Par suite, l'exception de non-lieu présentée par la préfète du Rhône doit être écartée.

Sur la légalité des arrêtés du 8 mars 2023 :

3. En premier lieu, en application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. L'arrêté du 8 mars 2023 portant transfert de M. B... aux autorités espagnoles qui vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur et qu'il ressort de la consultation du fichier Eurodac qu'il a précédemment sollicité l'asile auprès des autorités espagnoles, le 20 janvier 2022. Il précise que les autorités espagnoles ont été saisies le 11 janvier 2023 d'une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, à laquelle elles ont donné leur accord le 17 janvier 2023, et qu'en application de ces dispositions et de celles de l'article 3 du même règlement, les autorités espagnoles doivent être regardées comme responsables de la demande d'asile de l'intéressé. Il mentionne en outre qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues au 2 de l'article 3 ou à l'article 17 du règlement, que l'arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. Il énonce ainsi les considérations de fait et de droit qui le fondent. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté le transférant aux autorités espagnoles serait insuffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant de prononcer l'arrêté de transfert en litige.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

7. M. B... se prévaut de la présence en France de membres de sa famille. S'il ressort des pièces du dossier que se trouvent notamment sur le territoire national des oncles et des tantes ainsi que des cousins et cousines, il est constant que son entrée en France est récente et qu'il ne démontre pas vivre avec eux ni la nature des liens qu'il entretiendrait avec ceux-ci. En outre, le requérant ne démontre ni son intégration sur le territoire, ni y avoir tissé des liens suffisamment intenses et stables. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant transfert porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. "

9. La faculté laissée, par l'article 17 du règlement 604/2013 précité, à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

10. Il résulte du point 7 du présent arrêt que les liens qu'entretient le requérant avec les membres de sa famille présents sur le territoire français ne sont pas établis. En tout état de cause, la présence en France de membres de sa famille ne permet pas, à elle seule, de justifier que la préfète du Rhône aurait dû faire usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions précitées. Le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ne peut ainsi qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY02402

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02402
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : BOUHALASSA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;23ly02402 ?
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