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19/10/2023 | FRANCE | N°23LY02349

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 19 octobre 2023, 23LY02349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2203063 du 23 mars 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devan

t la cour

Par une requête enregistrée le 14 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Grenie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2203063 du 23 mars 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'une insuffisance de motivation ; il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; il est basé sur des faits matériellement inexacts en ce qu'il est fondé sur l'absence de justification de son identité et de son état civil, au regard des dispositions de l'article 47 du code civil ; il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions ; il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 1er février 2011 relatif aux missions et à l'organisation de la direction centrale de la police aux frontières ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

M. B... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant la République de Guinée, déclare être né le 16 février 2003 à Kindia et être entré sur le territoire français en mars 2017. Après avoir été confié provisoirement à l'aide sociale à l'enfance de la Côte-d'Or par une ordonnance du 26 mai 2017 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Créteil, ce placement est devenu définitif par une ordonnance du 14 juin 2017 du juge des enfants du tribunal de grande instance de Dijon. Puis, par une ordonnance du 4 septembre 2017, le juge des tutelles du même tribunal a ouvert une tutelle à son profit, confiée au département de la Côte-d'Or. M. B... a demandé, le 27 janvier 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au préfet de la Côte-d'Or qui, par un arrêté du 25 octobre 2022, lui a opposé un refus et fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'une insuffisance de motivation, d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé, et de ce que la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de cet article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

4. Contrairement à ce que soutient M. B..., le préfet de la Côte-d'Or pouvait, comme l'ont relevé les premiers juges, sans qu'il en résulte une atteinte au principe du contradictoire et des droits de la défense, se fonder sur le rapport d'examen technique documentaire du 22 mars 2022. Ce rapport, établi par un officier de police judiciaire, analyste en fraude documentaire et à l'identité relevant notamment de la direction zonale de la police aux frontières est et de la direction centrale de la police aux frontières, qui a analysé les quatre documents initialement produits par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre afin d'établir son état civil et son identité, émane d'un service habilité à cet effet en vertu de l'article 5 de l'arrêté du 1er février 2011 relatif aux missions et à l'organisation de la direction centrale de la police aux frontières dans sa rédaction applicable. De plus, l'analyse qu'il comporte, dont il résulte que les trois documents relatifs à son état civil comprenaient de nombreuses irrégularités et incohérences permettant de les regarder comme contrefaits, pouvait être contestée par l'intéressée dans son sens et son contenu, en dépit des mentions y étant occultées. En outre, il ressort des pièces du dossier que cette autorité aurait pris, en toute hypothèse, la même décision, même si ce rapport n'avait pas mentionné qu'une procédure judiciaire avait été ouverte. Par ailleurs, si M. B... soutient que le refus de titre de séjour en litige ne fait pas référence à son passeport et à sa carte d'identité consulaire, il n'apparaît toutefois pas, compte tenu des termes mêmes de la décision contestée, qui indique que l'ensemble des documents produits par l'intéressé avait été examiné, que le préfet de la Côte-d'Or ne les aurait pas pris en compte. Par adoption, pour le surplus, des motifs retenus par les premiers juges, le moyen soulevé par M. B... tiré de ce que le refus de séjour en litige serait, au regard des dispositions de l'article 47 du code civil, basé sur des faits matériellement inexacts en ce qu'il est fondé sur l'absence de justification de son identité et de son état civil, doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance (...) au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or pouvait se fonder sur l'absence de justification par l'intéressé de son identité et, nécessairement, de son état civil, pour lui refuser le titre de séjour demandé sur le fondement des dispositions précitées. Par suite, M. B... ne saurait utilement soutenir que ce refus aurait été pris en violation de ces dispositions faute pour le préfet d'avoir procédé à l'examen de sa situation au regard des critères qu'elles prévoient et serait entaché d'une erreur d'appréciation dans l'application de ces critères.

7. En quatrième lieu, M. B... affirme que depuis son entrée sur le territoire français, il fait preuve d'une intégration sur le plan personnel, scolaire et professionnel, et qu'il n'a pas de liens dans son pays d'origine. M. B... qui déclare entré en France au mois de mars 2017, était présent sur le territoire français depuis un peu plus de cinq années à la date du refus de titre de séjour contesté. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que, malgré l'obtention d'un certificat de formation générale le 3 juillet 2018, de diplômes en langue française dit " A... A2 " et " A... B1 " les 2 juillet 2018 et 1er mars 2021, d'une attestation scolaire de sécurité routière niveau 2 en 2018, d'un certificat de compétences de citoyen sécurité civile dit " PSC1 " le 27 août 2019, du diplôme du brevet national série professionnelle le 7 juillet 2022, et le suivi d'une préparation du baccalauréat professionnel " métiers de l'électricité et de ses environnement connectés " en lycée professionnel durant les années scolaires 2020-2021, 2021-2022 et 2022-2023, au cours desquelles il a obtenu dans certaines matières de bons résultats, plusieurs de ses professeurs ayant souligné son sérieux tout comme le dirigeant de l'entreprise dans laquelle il exerce en qualité d'apprenti, que l'intéressé puisse être regardé comme justifiant d'une insertion scolaire et professionnelle d'une particulière intensité. De plus, il n'apparaît pas, notamment au regard des rapports socio-éducatifs des 24 janvier et 9 novembre 2022, que M. B... serait particulièrement intégré sur le plan personnel, alors qu'il s'y trouve célibataire et sans enfant, rien ne permettant de dire qu'il n'aurait plus d'attaches dans son pays d'origine où il a auparavant toujours vécu et où résident ses parents, dont il ne démontre pas qu'ils seraient décédés. Par suite, en prenant le refus de titre de séjour en litige, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen ne peut donc être retenu.

8. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés précédemment au point 7 du présent arrêt, cette décision d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination ne sont pas davantage illégales par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Les moyens ne peuvent donc qu'être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. La requête de M. B... doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 23LY02349

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02349
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;23ly02349 ?
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