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19/10/2023 | FRANCE | N°23LY01273

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 19 octobre 2023, 23LY01273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 2207604 du 14 mars 2023, le tribunal a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de la Drôme de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans les dél

ais de respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de ce jugement.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 2207604 du 14 mars 2023, le tribunal a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de la Drôme de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans les délais de respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 avril 2023, la préfète de la Drôme demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande.

Elle soutient que M. B... ne remplissait pas les conditions prévues pour le renouvellement de son titre de séjour, dès lors que sa demande d'autorisation de travail a été rejetée compte tenu de son caractère incomplet et qu'il n'a ainsi présenté aucune autorisation de travail.

Par mémoire enregistré le 15 juin 2023, M. B..., représenté par Me Albertin, demande à la cour de rejeter la requête et, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois mois ou de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois et après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros HT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est signée par un agent incompétent pour ce faire et qu'elle réitère l'argumentation de première instance ;

- à titre subsidiaire, le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ; il est entaché matérielle dans la mesure où il relève qu'il n'est pas établi que son employeur a souscrit une demande d'autorisation de travail, alors qu'une telle demande a été faite le 19 septembre 2022 ; les dispositions de l'article R. 5221-2 du code du travail ont été méconnues dès lors qu'il bénéficie d'une autorisation provisoire de séjour ; le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français se fonde sur un refus de titre de séjour illégal ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 7 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Evrard.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 19 février 2000, est entré en France en 2017, selon ses déclarations. Il a été admis au séjour, du 29 mars 2021 au 28 mars 2022, en qualité de " travailleur temporaire ", en vertu d'un contrat à durée déterminée d'une durée de six mois conclu le 29 janvier 2021 avec la société MC Coating pour exercer les fonctions de peintre en carrosserie. Ce contrat ayant été prolongé, par avenant conclu le 7 juillet 2021, jusqu'au 7 août 2022, M. B... a, le 25 janvier 2022, sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 17 octobre 2022, la préfète de la Drôme a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La préfète de la Drôme relève appel du jugement du 14 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur les fins de non-recevoir opposées par M. B... :

2. En premier lieu, la requête d'appel de la préfète de la Drôme a été signée par Mme A... Argouac'h, secrétaire générale de la préfecture, en vertu d'un arrêté de délégation de signature du 27 août 2021 lui permettant de signer toutes requêtes, déférés et mémoires, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. B... tirée de l'incompétence de la signataire de la requête doit être écartée.

3. En second lieu, le mémoire introductif d'appel de la préfète de la Drôme ne constitue pas la reproduction littérale de ses écritures de première instance, mais critique le jugement attaqué et en particulier le motif d'annulation retenu par les premiers juges. La requête est ainsi suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par M. B... et tirée du défaut de motivation de la requête ne peut être retenue.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

4. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...) se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Elle est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail (...), dans la limite d'un an. / Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221 -2 ".

5. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... a sollicité, le 19 septembre 2022, l'autorisation de travail exigée par les dispositions précitées de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette demande a été rejetée compte tenu de son caractère incomplet, le 10 octobre 2022. Par suite, à la date de l'arrêté en litige, aucune demande d'autorisation de travail formée pour le compte de M. B... n'était en cours d'instruction. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 17 octobre 2022 au motif que la préfète de la Drôme avait entaché les motifs de sa décision d'une erreur matérielle susceptible d'avoir eu une incidence sur le sens de la décision en litige en se fondant sur l'absence de demande d'autorisation de travail formée par l'employeur.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal et devant la cour :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. " Toutefois, l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement duquel M. B... a sollicité un titre de séjour, n'est pas au nombre des articles mentionnés à l'article L. 432-13. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir qu'en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour avant de refuser de renouveler le titre de séjour, la préfète de la Drôme aurait méconnu ces dispositions.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 5221-2 du code du travail : " Sont dispensés de l'autorisation de travail prévue à l'article R. 5221-1 : (...) 16° Le titulaire d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un document provisoire de séjour portant la mention " autorise son titulaire à travailler " ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code : " I. Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, M. B... n'était pas titulaire d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un document provisoire de séjour portant la mention " autorise son titulaire à travailler ". En outre, la circonstance qu'il se soit vu délivrer une telle autorisation provisoire de séjour, le 14 décembre 2022, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté qui a été prononcé avant cette date. Dans ces conditions, M. B... n'était pas dispensé de présenter l'autorisation de travail prévue à l'article R. 5221-1 du code du travail. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la préfète de la Drôme s'est fondée sur l'absence d'autorisation de travail pour refuser de l'admettre au séjour.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

11. M. B... fait valoir qu'il est entré en France en tant que mineur isolé, qu'il séjourne sur le territoire depuis cinq ans, qu'il a été obtenu un certificat d'aptitude professionnelle " peinture en carrosserie ", qu'il bénéficie d'une expérience professionnelle dans ce domaine et enfin que ses parents et sa grand-mère sont décédés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le président du conseil départemental de la Drôme a refusé de le prendre en charge sur le fondement de l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles au motif que sa minorité lors de son entrée en France n'était pas établie, et qu'il n'a été admis au séjour en qualité de travailleur temporaire qu'à compter du 29 mars 2021. L'intéressé, qui était âgé de vingt-trois ans à la date de l'arrêté contesté, célibataire et sans enfant, ne démontre pas être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, les décisions par lesquelles la préfète de la Drôme a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé de quitter le territoire français n'ont pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans les circonstances de l'espèce, ces décisions ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

12. En dernier lieu, eu égard à ce qui précède, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.

13. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Drôme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 17 octobre 2022 et lui a enjoint de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois à compter de la notification de ce jugement. En conséquence, le jugement n° 2207604 du tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2023 doit être annulé. La demande d'annulation présentée par M. B... devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté du 17 octobre 2022 doit être rejetée ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au conseil de M. B... d'une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2207604 du 14 mars 2023 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la préfète de la Drôme et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

M-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01273
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05-01 Étrangers. - Réfugiés (voir : Asile) et apatrides. - Qualité d`apatride.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;23ly01273 ?
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