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19/10/2023 | FRANCE | N°23LY00295

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 19 octobre 2023, 23LY00295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Goa a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 13 novembre 2019 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge le versement, d'une part, d'une somme de 90 500 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, d'une somme de 11 545 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue par l'article L. 626-1 du c

ode de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Goa a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 13 novembre 2019 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge le versement, d'une part, d'une somme de 90 500 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, d'une somme de 11 545 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2000243 du 9 décembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2023, la société Goa, représentée par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée, elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit ;

- elle méconnaît le principe de proportionnalité des peines, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

- elle est entachée d'un vice de procédure il y a violation des droits de la défense et de la méconnaissance de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration.

La requête de la société Goa a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 6 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle le 13 juin 2019 par les services de l'inspection du travail de l'Isère du restaurant exploité par la société Goa, et après avoir relevé que cette société employait irrégulièrement des ressortissants étrangers dépourvus de titre les autorisant à travailler en France, l'Office français de l'immigration et de l'intégration , par une décision du 13 novembre 2019, lui a appliqué la contribution spéciale et la contribution forfaitaire des frais de réacheminement prévues au code du travail et au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour des montants respectifs de 90 500 euros et de 11 545 euros. La société Goa relève appel du jugement du 9 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger sans titre. " Aux termes de l'article R. 8253-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 et notifie sa décision à l'employeur ainsi que le titre de recouvrement ".

3. Si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 de ce code relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. Par suite l'OFII était tenu d'informer la société Goa de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel les manquements avaient été établis. Faute pour l'OFII d'avoir mentionné dans le courrier adressé à la société Goa le 2 octobre 2019 ou dans tout autre document qu'il lui aurait envoyé avant la sanction litigieuse, la possibilité pour elle de demander la communication du procès-verbal d'infraction, cette société, dont rien ne permet de dire, en particulier, que ce document lui aurait été cependant transmis, n'a pas été mise à même de pleinement exercer les droits de la défense et a ainsi été privée, en l'espèce, d'une garantie. Elle est, par suite, fondée à soutenir que la décision contestée, qui a été prise à l'occasion d'une procédure irrégulière, doit être annulée.

4. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Goa est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme que la société Goa sollicite au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2022 et la décision du 13 novembre 2019 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Goa est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Goa et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY00295 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00295
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06 Étrangers. - Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;23ly00295 ?
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