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19/10/2023 | FRANCE | N°22LY02040

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 octobre 2023, 22LY02040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté n° 2019-2723 du 9 avril 2019 par lequel le maire d'Annecy l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903789 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 9 avril 2019 (article 1er), a mis à la charge de la commune d'Annecy une somme de 1 500 euros, à verser à M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admin

istrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté n° 2019-2723 du 9 avril 2019 par lequel le maire d'Annecy l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903789 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 9 avril 2019 (article 1er), a mis à la charge de la commune d'Annecy une somme de 1 500 euros, à verser à M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2022, la commune d'Annecy, représentée par Me Tissot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mai 2022, en tant qu'il a annulé la décision de son maire du 9 avril 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. A..., une somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la matérialisation d'une " maltraitance managériale " de la part de M. A... est établie et constitue un manquement de ce directeur et cadre de catégorie A en charge de fonctions managériales à ses obligations, susceptible de justifier le prononcé d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an assorti de 11 mois de sursis ; par ailleurs, il a été fait appel du jugement rendu par le tribunal correctionnel d'Annecy ayant prononcé la relaxe de M. A... du chef de harcèlement moral.

Par un mémoire enregistré le 30 mars 2023, M. E... A..., représenté par Me Olivier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la requérante, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commune ne rapporte nullement la preuve de la matérialité des faits qui auraient pu justifier que soit prononcée une sanction à son encontre ;

- en tout état de cause, la sanction n'était ni justifiée ni proportionnée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- les observations de Me Tissot, représentant la Ville d'Annecy et de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., attaché principal, nommé directeur de la tranquillité publique de la commune d'Annecy à compter du 1er janvier 2017, a fait l'objet de dépôt de plaintes pour harcèlement moral de la part d'agents de sa direction. Par un arrêté du 9 avril 2019, le maire d'Annecy l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée d'un an, assortie d'un sursis partiel d'onze mois. La commune d'Annecy relève appel du jugement du 10 mai 2022, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 9 avril 2019.

2. Aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. / (...) ". Aux termes de l'article 29 de cette même loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 86 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publiques territoriales : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour infliger à M. A..., la sanction d'exclusion temporaire du service, pour une durée d'un an, assortie d'un sursis partiel de onze mois, le maire d'Annecy s'est fondé sur le fait qu'il lui est reproché " d'avoir commis à l'encontre de certains agents de la maltraitance managériale à savoir : ordres et contre-ordres, violences (verbales et gestuelles), posture d'intimidation et de dévalorisation (reproches fréquents et vexatoires), sous-utilisation des compétences (changement de fonctions, et/ou abaissement des missions), critiques récurrentes d'agents " et a estimé que la " concordance des témoignages reçus d'agents ayant un statut, des fonctions et une position hiérarchique différents, permet de dresser un faisceau d'indices concordants sur la matérialité des faits reprochés à M. H... et justifiant d'un comportement ayant porté atteinte à la dignité, à la santé et/ou ayant compromis l'avenir professionnel d'agents placés sous son autorité hiérarchique ".

5. Pour justifier du comportement fautif de M. A..., la commune reprend, pour chacun des agents qui s'en sont plaints, les différents griefs reprochés à l'intéressé, en produisant notamment les justificatifs des arrêts de travail dont ils ont fait l'objet et qui seraient en lien avec ce comportement, ainsi que les comptes-rendus des auditions des intéressés. Concernant Mme B..., s'il est constant que ses attributions initiales ont été complétées par des fonctions d'accueil physique et téléphonique, aucun élément ne permet d'établir que M. A... aurait eu l'intention de dévaloriser les missions de l'intéressée et notamment de l'affecter physiquement à une borne d'accueil, dos au public, qu'elle estimait inadaptée, mais qui était déjà existante. De même, s'il est allégué que M. A... aurait serré fortement la main de Mme B... à son retour de congé et qu'à une autre occasion il a tapé dans le mur du bureau, en l'absence d'autre témoignage que celui de l'intéressée elle-même, ces actes de violence qui auraient été commis à l'encontre de l'intéressée et destinés en particulier, à l'intimider, ne sauraient être regardés comme établis. Concernant Mme F..., les pièces produites par la commune concernant les arrêts maladie de l'intéressée, ainsi que des courriers rédigés par elle-même, formulant les difficultés relationnelles qu'elle a connues alors qu'elle travaillait avec M. A... ne suffisent pas établir que ce dernier aurait commis à son encontre des faits d'intimidation et de dévalorisation de son travail. Concernant Mme G..., s'il est constant qu'elle a été affectée à plusieurs fonctions au cours des mois d'août et septembre 2017, il ressort des pièces du dossier que ces différentes affectations sont directement liées au contexte de réorganisation générale des services et ne procède d'aucun agissement de M. A... destiné à dévaloriser l'intéressée dans ses fonctions. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que les corrections apportées par M. A... aux courriers rédigés par l'intéressée auraient un caractère vexatoire, dès lors que ces corrections entraient dans le rôle d'encadrement hiérarchique de M. A... et qu'il n'est pas établi qu'elles auraient été assorties de remarques inappropriées ou désobligeantes. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... a pu publiquement exprimer un désaccord avec les propos tenus par Mme G..., lors d'une réunion publique, cette attitude ne peut être assimilée à une tentative de décrédibiliser l'intéressée aux yeux des élus et des autres participants, ainsi qu'il en ressort des auditions lors de l'enquête pénale, de deux témoins ayant participé à cette réunion. En ce qui concerne Mme C..., les multiples corrections apportées par M. A... à des courriers rédigés par cette collaboratrice ne sont assorties d'aucune remarque inappropriée ou vexatoire et les reproches relatifs à des gestes et paroles violentes ou des actes de dénigrements ne sont assortis d'aucun élément permettant d'en apprécier la nature ainsi que la réalité. En ce qui concerne M. D..., si la commune produit différents échanges électroniques relatifs aux temps de pause pris par les agents de son équipe, il ne ressort pas de ces courriers que M. A... aurait fait preuve d'une rudesse particulière ou d'une stigmatisation du handicap de l'intéressé. Il n'apparaît pas plus que M. A... aurait manifesté son mépris à l'égard de l'intéressé, en rappelant, dans le cadre de ses fonctions d'encadrement hiérarchique, la nécessité de respecter l'orthographe et la grammaire. Enfin, si la commune fait valoir que le procureur de la République a fait appel du jugement du tribunal correctionnel d'Annecy du 10 décembre 2021 prononçant la relaxe de M. A... du chef de harcèlement moral, et que l'identification par le juge pénal de faits de harcèlement moral matériellement établis ne pourrait que conforter le bien-fondé de la décision d'exclusion, il ressort des pièces du dossier, que le 12 janvier 2023, la cour d'appel de Chambéry a confirmé la relaxe prononcée en première instance, en se fondant notamment sur l'absence d'éléments probants. Il résulte de ces différents éléments, issus pour l'essentiel, des seules auditions des intéressés concernés, que les faits à l'origine des poursuites pénales engagées à l'encontre de M. A... ne sont pas établis. Par suite, la commune d'Annecy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif a retenu que les faits reprochés, constitutifs selon elle, d'une faute de nature à justifier le prononcé de la sanction en litige, n'étaient pas établis par les pièces du dossier.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune d'Annecy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 9 avril 2019 par laquelle son maire a exclu temporairement M. A... de ses fonctions pour une durée d'un an.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune d'Annecy demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de l'intimé, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Annecy, le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A....

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Annecy est rejetée.

Article 2 : La commune d'Annecy versera la somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Annecy et à M. E... A....

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente-assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY02040

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02040
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;22ly02040 ?
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