La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2023 | FRANCE | N°22LY01847

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 19 octobre 2023, 22LY01847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler son compte-rendu d'entretien professionnel signé le 17 décembre 2019 au titre de l'année 2018 et ensemble le rejet de son recours hiérarchique, et d'enjoindre à l'État de réviser ce compte-rendu, sous astreinte.

Par un jugement n° 2001286 du 14 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 juin 2022, Mme A...

, représentée par Me Vabois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, ce compte-rendu d'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler son compte-rendu d'entretien professionnel signé le 17 décembre 2019 au titre de l'année 2018 et ensemble le rejet de son recours hiérarchique, et d'enjoindre à l'État de réviser ce compte-rendu, sous astreinte.

Par un jugement n° 2001286 du 14 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Vabois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, ce compte-rendu d'entretien professionnel et le rejet de son recours hiérarchique ;

2°) d'enjoindre au directeur départemental des territoires de la Savoie de réviser ce compte-rendu d'entretien professionnel dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le compte-rendu en litige est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article 4 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010, n'ayant pas été visé par l'autorité administrative et ne contenant pas, par conséquent, les observations de celle-ci ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 3 du même décret, en tant que le sous-item " aptitude à exercer des fonctions supérieures ", du paragraphe VI, indique qu'il est " sans objet au regard des missions actuelles ", alors qu'il aurait dû être évalué ;

- les paragraphes I, II, III et VI de ce compte-rendu contiennent des appréciations de sa manière de servir qui sont entachées d'inexactitudes matérielles et révèlent une erreur manifeste d'appréciation de sa manière de servir ;

- le rejet de son recours hiérarchique doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel.

Par un mémoire enregistré le 1er mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant aux écritures en défense de première instance, que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2004-474 du 2 juin 2004 ;

- le décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., titulaire du grade d'architecte et urbaniste de l'État, et exerçant des fonctions de chargée de mission aménagement au sein de la direction départementale des territoires de la Savoie, a formé le 1er février 2019 auprès du ministre de la transition écologique et solidaire un recours hiérarchique, reçu le 5 février suivant, contre le compte-rendu d'entretien professionnel dont elle a fait l'objet le 6 août 2019 au titre de l'année 2018, et signé le 17 décembre 2019 par son supérieur hiérarchique. Ce recours a été implicitement rejeté. Mme A... relève appel du jugement du 14 avril 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de ce compte-rendu d'entretien professionnel et du rejet de son recours hiérarchique.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans leur rédaction applicable : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. / (...). " Aux termes de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. / Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. / (...). " Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " L'autorité hiérarchique peut être saisie par le fonctionnaire d'une demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / L'autorité hiérarchique notifie sa réponse dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de réception de la demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / (...). ".

3. Le compte-rendu d'entretien professionnel en litige, qui a été signé le 17 décembre 2019 par le directeur départemental des territoires de la Savoie, supérieur hiérarchique direct de Mme A..., n'a pas été visé par l'autorité hiérarchique, soit le préfet de la Savoie en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 3 décembre 2009. Toutefois, et alors que le préfet n'était de toutes les façons pas tenu d'émettre des observations sur ce compte-rendu, Mme A..., qui en avait la possibilité, n'a formé auprès de l'autorité hiérarchique aucune demande de révision de celui-ci. Par suite, l'absence de tout visa de cette dernière sur le compte-rendu d'entretien professionnel n'a pu, en l'espèce, exercer la moindre influence sur le sens de la décision prise ni priver l'intéressée d'une garantie. Le moyen tiré de l'omission de ce visa et de l'absence d'observations ne peut donc qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 28 juillet 2010, dans sa rédaction applicable: " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; / 3° La manière de servir du fonctionnaire ; / 4° Les acquis de son expérience professionnelle ;/ 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; / 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ; / 7° Ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité. / Lorsque le fonctionnaire a atteint, depuis au moins trois ans au 31 décembre de l'année au titre de laquelle il est procédé à l'évaluation, le dernier échelon du grade dont il est titulaire et lorsque la nomination à ce grade ne résulte pas d'un avancement de grade ou d'un accès à celui-ci par concours ou promotion internes, ses perspectives d'accès au grade supérieur sont abordées au cours de l'entretien et font l'objet d'une appréciation particulière du supérieur hiérarchique dans le compte-rendu de cet entretien mentionné à l'article 4. Cette appréciation est portée à la connaissance de la commission administrative paritaire compétente. (...) / (...). "

5. Selon le compte-rendu contesté, le sous-item " aptitude à exercer des fonctions supérieures ", situé au sein du paragraphe VI concernant les " appréciation générales sur la valeur professionnelle de l'agent ", indique qu'il est " sans objet au regard des missions actuelles ". Or, il ressort des pièces du dossier que, en vertu du 1° de l'article 2 du décret du 2 juin 2004 portant statut du corps des architectes et urbanistes de l'État, Mme A... n'avait atteint le dixième et dernier échelon de son grade que depuis le 17 juin 2018, soit moins de trois ans à la date du 31 décembre 2018, année au titre de laquelle le compte-rendu en litige a été établi. Dès lors, et comme il résulte du 7° de l'article 3 ci-dessus, aucune obligation de renseigner ce point n'existait. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que, faute de contenir une appréciation de ses perspectives à exercer des fonctions supérieures, son compte-rendu méconnaîtrait ces dispositions.

6. En troisième lieu, et tout d'abord, si Mme A... reproche au paragraphe I du compte-rendu, relatif au " bilan de l'année écoulée ", de ne pas mentionner son changement de bureau et qu'elle a dû insister pour que le directeur adjoint de la direction départementale des territoires de la Savoie soit présent lors de son entretien d'évaluation, il n'apparaît pas pour autant que de telles circonstances témoigneraient d'une appréciation négative de sa manière de servir.

7. Ensuite, elle indique que les mentions " Fluidifier l'organisation de l'activité des AC et PC et prioriser leur action en lien avec les services. Le planning doit être réalisé en coordination avec les services et missions thématiques voire la direction ", et s'agissant du " lien avec les services " que les " conditions de réussite " doivent être satisfaites par le fait de " Ne pas retenir de dossiers pendant de trop longues périodes ", qui figurent au paragraphe II relatif aux objectifs pour l'année 2019, seraient injustifiées au regard des évaluations dont elle a fait l'objet au titre des années antérieures. Cependant et alors que, en vertu des articles 55 de la loi du 11 janvier 1984 et 4 du décret du 28 juillet 2010, l'entretien professionnel vise à apprécier annuellement la valeur professionnelle d'un fonctionnaire, les évaluations passées dont se prévaut Mme A..., qui ne fait à cet égard état d'aucune modification importante de l'appréciation de sa manière de servir, ne sauraient suffire à caractériser l'absence de justification des mentions rappelées plus haut. Par ailleurs, ces dernières procèdent essentiellement à un rappel des missions confiées à Mme A... telles que décrites par la fiche de poste, et des bonnes pratiques qui y sont attachées, dont rien ne permet de dire que, malgré l'actualisation de cette fiche en 2020, elles n'étaient pas déjà les siennes en 2018.

8. En outre, Mme A... se plaint de ce que le paragraphe III, consacré à l'" expérience professionnelle : évaluation des acquis ", contiendrait des appréciations manifestement erronées s'agissant des " compétences mises en œuvre par l'agent sur le poste ". Ainsi, pour l'item " savoir-faire ", elle indique que les sous-items " animation d'équipe " et " expression orale " sont renseignés au niveau " pratique ", alors que pour les années antérieures ils l'étaient au niveau " maîtrise ", réitérant cette critique pour l'item " qualités relationnelles ", en ce qui concerne les sous-items " sens des relations humaines " et " réactivité ". S'agissant des capacités managériales au titre de l'item " aptitudes au management ", elle précise que les sous-items " capacité à mobiliser et valoriser les compétences " et " capacité à fixer des objectifs cohérents " sont renseignés dans la rubrique " à développer ", alors que pour les années antérieures ils l'étaient dans celle intitulée " maîtrise ". Cependant, comme il a été dit précédemment l'appréciation de sa manière de servir au titre d'années antérieures ne saurait, faute de changements importants, remettre en cause l'évaluation ici en litige. Par ailleurs, cette évaluation est en cohérence avec l'appréciation littérale finale consignée dans le compte-rendu en litige. De surcroît, si Mme A... fait également valoir que pour l'item " aptitudes au management ", les sous-items " attention portée au développement professionnel des collaborateurs " et " aptitude à prévenir, arbitrer et gérer les conflits " n'ont pas été complétés, étant regardés comme " non requis ", alors que les années précédentes, elle bénéficiait du niveau " maitrise ", il ne résulte pas de sa fiche de poste ni des pièces du dossier que, outre ce qui vient d'être dit, elle serait investie de fonctions de management ou de gestion de ressources humaines en qualité de supérieur hiérarchique d'autres agents. A cet égard, l'intéressée assure des fonctions de coordination au sein de différentes équipes de travail ou de pilotage de l'action des conseils de l'État, qui sont des prestataires extérieurs au service.

9. De plus si, à propos des " appréciations générales sur la valeur professionnelle de l'agent " au titre du paragraphe VI, ses " qualités relationnelles " et son " implication personnelle " ont été évaluées " satisfaisant " alors que, pour les années antérieures, sa manière de servir avait été considérée comme " très bonne " sur ces deux points, une telle circonstance ne saurait en soi suffire à invalider l'évaluation dont elle a fait l'objet, qui n'est pas incohérente avec d'autres éléments pris en compte pour apprécier sa manière de servir. Les réserves émises au sous-item " appréciation littérale du supérieur hiérarchique direct " sur le pilotage de l'activité des architectes conseil et paysagistes conseil et de recommandations relatives aux relations, considérées comme devant être " plus constantes et plus fluides avec les autres agents de la DDT ", ne permettent pas davantage de remettre en cause cette évaluation.

10. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des éléments qui viennent d'être exposés, il n'apparaît pas qu'une erreur de fait ou manifeste d'appréciation entachant l'évaluation de la manière de servir de Mme A... au titre de 2018 pourrait être retenue.

11. En dernier lieu, et compte tenu de ce qui précède, la décision portant rejet du recours hiérarchique de Mme A... ne saurait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01847

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01847
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-06-01 Fonctionnaires et agents publics. - Notation et avancement. - Notation.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : VABOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;22ly01847 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award