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19/10/2023 | FRANCE | N°22LY00271

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 19 octobre 2023, 22LY00271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du Cézallier a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 15 juillet 2019 du conseil municipal de Marcenat, agissant pour le compte de la section de commune du Saillant, en ce qu'elle ne lui a pas attribué les lots 5, 6 et 8.

Par jugement n° 1901801 du 9 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête et mémoire enregistrés le 27 janvier 2022, le 2 juin 2

023 et le 30 août 2023 (non communiqué), le GAEC du Cézallier, représenté par Me Riquier, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du Cézallier a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 15 juillet 2019 du conseil municipal de Marcenat, agissant pour le compte de la section de commune du Saillant, en ce qu'elle ne lui a pas attribué les lots 5, 6 et 8.

Par jugement n° 1901801 du 9 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête et mémoire enregistrés le 27 janvier 2022, le 2 juin 2023 et le 30 août 2023 (non communiqué), le GAEC du Cézallier, représenté par Me Riquier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 décembre 2021 ;

2°) d' annuler la décision du conseil municipal de Marcenat du 15 juillet 2019 en tant qu'elle ne lui a pas attribué les lots 5, 6 et 8 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'insuffisance de motivation, de contradiction de motifs et d'omission à statuer sur le moyen tiré de l'illégalité du retrait d'attribution du lot 8 ;

- la délibération, qui a la portée de l'abrogation d'une décision créatrice de droits, est insuffisamment motivée ;

- la délibération en litige méconnaît l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales et le principe d'égalité ; la commune agissant pour le compte de la section, ne pouvait lui opposer l'absence d'autorisation d'exploiter les lots 5, 6 et 8 ; le refus d'autorisation préfectorale d'exploiter ne porte que sur les lots 5 et 6 ; il est ayant-droit prioritaire de rang 1 pour l'attribution des biens de la section, la demande de substitution de motifs présentée par la commune tendant à lui dénier cette qualité n'est pas fondée ;

- bien qu'ayant droit prioritaire de rang 1, il ne lui a pas été attribué une surface de parcelles équivalente à celles des autres ayants droits du même rang, le partage n'est donc pas équitable.

Par mémoires enregistrés le 3 mai 2022 et le 26 juin 2023, la commune de Marcenat (section de commune du Saillant), représentée par Me Maisonneuve, conclut au rejet de la requête et demande que le GAEC du Cézallier lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le GAEC du Cézallier n'est pas ayant droit prioritaire de rang 1 pour l'attribution des terres de pâture au sein de la section de commune du Saillant ; il ne justifie pas de la domiciliation effective et réelle du siège de son exploitation sur le territoire de la section de Saillant ; il ne remplit pas non plus les conditions de l'article 6 du règlement de la section de Saillant ; le GAEC requérant étant dans une situation différente et d'un rang de priorité inférieur, aucune rupture d'égalité n'est caractérisée ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2023, par une ordonnance du même jour en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Riquier pour le GAEC du Cézallier, et celles de Me Maisonneuve pour la commune de Marcenat ;

La commune de Marcenat a présenté une note en délibéré, enregistrée le 2 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Le GAEC du Cézallier relève appel du jugement du 9 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du conseil municipal de Marcenat, agissant pour le compte de la section de commune du Saillant, du 15 juillet 2019, en ce qu'elle ne lui a pas attribué les lots 5, 6 et 8.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par le requérant à l'appui de ses moyens ont analysé l'objet de la délibération en litige en estimant, en réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, que cette délibération n'emportait pas retrait ou abrogation d'une décision créatrice de droits. Par ailleurs, ils ont examiné la situation du GAEC du Cézallier au regard des conditions posées par l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales pour écarter les moyens tirés de la violation de ces dispositions et de la rupture d'égalité. Enfin, la critique de prétendues erreurs matérielles ou contradiction de motifs relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le fond du litige :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ".

4. La délibération en litige se borne à constater la nécessité de mettre en place des conventions d'exploitation conformément à l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales et à répartir les terres exploitables disponibles entre membres de la section ayant présenté des demandes. Dans ces conditions, la requérante ne peut utilement soutenir que la délibération en litige ne répondrait pas à l'exigence de motivation des dispositions citées au point 3 au motif qu'elle abrogerait l'attribution de terres qu'elle-même exploiterait depuis 1991 sous le régime de conventions tacitement reconduites et remises en cause par l'organe délibérant.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle d'exploitation agricole ou de pâturage (...) : 1° Au profit des exploitants agricoles ayant leur domicile réel et fixe, un bâtiment d'exploitation et le siège de leur exploitation sur le territoire de la section et exploitant des biens agricoles sur celui-ci ; et, si l'autorité compétente en décide, au profit d'exploitants agricoles ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant, pendant la période hivernale, leurs animaux sur le territoire de la section conformément au règlement d'attribution et exploitant des biens agricoles sur ledit territoire (...) / (...) / (...) les exploitants devront remplir les conditions prévues par les articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime et celles prévues par le règlement d'attribution défini par le conseil municipal (...) ".

6. Si les dispositions précitées de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales prévoient que l'autorisation à laquelle est soumise, le cas échéant, en vertu des dispositions des articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime, l'exploitation de terres à vocation agricole ou pastorale appartenant à une section de commune par la ou les personnes qui en demandent l'attribution soit obtenue par le pétitionnaire, au plus tard, à la date de conclusion du bail rural ou de la convention pluriannuelle, elles n'exigent pas que cette autorisation soit délivrée au pétitionnaire avant que l'autorité compétente ne choisisse l'attributaire de ces terres ou ne classe les demandes d'attribution au regard des priorités qu'elles énoncent. Toutefois, si un candidat à l'attribution de terres sectionales s'est vu refuser cette autorisation d'exploiter avant que ne soit décidée l'attribution des terres, rien ne fait obstacle à ce que l'organe délibérant représentant la section rejette la demande d'attribution pour ce motif dès lors qu'aucun bail ou convention ne pourra être conclu avec l'intéressé, quel que soit le rang d'ayant droit de celui-ci.

7. Or, il résulte de l'instruction que pour attribuer les lots 5 et 6 au GAEC du Vernet, le conseil municipal de Marcenat s'est fondé sur le refus qu'a opposé le préfet du Cantal, le 30 avril 2019, à la demande d'exploitation présentée par le GAEC du Cézallier au titre des articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime. Ce faisant, la délibération en litige, en ce qu'elle porte sur l'attribution des lots 5 et 6, ne méconnaît pas les dispositions citées au point 5.

8. En revanche, en se fondant, pour départager la demande des deux GAEC portant sur le lot 8, sur l'obtention par le GAEC du Vernet de l'autorisation d'exploiter ces parcelles, le conseil municipal de Marcenat a méconnu les dispositions précitées au point 5, dans la mesure où celles-ci n'exigent pas qu'une telle autorisation soit délivrée au pétitionnaire avant que l'autorité compétente ne désigne l'attributaire des terres, aucune décision n'étant intervenue à cette date sur la demande du GAEC du Cézallier.

9. La commune de Marcenat fait valoir dans ses écritures en défense que le GAEC du Cézallier n'a pas la qualité d'ayant droit de premier rang, faute d'avoir son siège d'exploitation sur le territoire de la section et de respecter les conditions du règlement d'attribution s'appliquant aux exploitants agricoles ayant un bâtiment d'hivernage sur le territoire de la section. Ce faisant, elle demande que soit substitué ce motif à celui qu'a opposé la délibération en litige pour l'attribution du lot 8.

10. D'une part, la condition tenant à l'implantation du siège d'exploitation doit s'entendre comme s'appliquant au centre effectif de l'activité agricole. S'agissant d'un GAEC, elle s'apprécie sur l'ensemble de l'établissement. Il résulte de l'instruction, notamment des relevés de la MSA versés aux débats, que le GAEC du Cézallier dispose de plusieurs sites d'exploitation atteignant une superficie supérieure à 400 ha, dont un site de 147 ha avec stabulations à Anzat-le-Luguet. Le site du Saillant n'abrite que trente génisses au regard d'un cheptel de trois cents onze animaux et les relevés de consommation d'eau du site du Saillant confirment le caractère accessoire de l'activité qui y est exercée. Par suite, et alors même que le GAEC du Cézallier a fixé l'adresse de son siège social au Saillant, la commune de Marcenat est fondée à soutenir que le siège de l'exploitation du GAEC n'est pas implanté sur le territoire de la section et qu'il ne peut prétendre à la qualité d'ayant droit de premier rang, dans les conditions du 1° de l'article L. 2411-10 précité, contrairement au GAEC du Vernet.

11. D'autre part, aux termes de l'article 6 du règlement d'exploitation de la section de commune du Saillant, adopté par délibération du conseil municipal du 24 septembre 2018 : " les exploitants agricoles ayant un bâtiment d'exploitation doivent justifier : - d'une durée minimum d'hivernage de cinq mois de 60% de leur animaux (...) ". Or, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le GAEC du Cézallier ne justifie pas de la présence de 60% de ses animaux dans le bâtiment d'exploitation sur le site du Saillant et ne remplit ainsi pas cette condition.

12. Il en résulte que le conseil municipal de Marcenat peut à bon droit refuser d'attribuer le lot 8 au GAEC du Cézallier au motif que celui-ci n'a pas la qualité d'ayant droit prioritaire de premier rang.

13. Enfin, le refus opposé au GAEC du Cézallier reposant sur la circonstance qu'il n'a pas la qualité d'ayant droit de premier rang, le motif tiré de la rupture d'égalité entre sectionnaires n'est pas fondé.

14. Il résulte de ce qui précède que le GAEC du Cézallier n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit, en conséquence, être rejetée.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les conclusions du GAEC du Cézallier dirigées contre l'Etat, qui n'est pas partie à l'instance, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Marcenat (section de commune du Saillant).

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GAEC du Cézallier est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Marcenat (section de commune du Saillant) présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC du Cézallier et à la commune de Marcenat (section de commune du Saillant).

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbaretaz, président

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Christine Psilakis

Le président,

Philippe Arbaretaz

La greffière,

Marie-Thérèse Pillet

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00271
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-02-03-01 Collectivités territoriales. - Commune. - Biens de la commune. - Intérêts propres à certaines catégories d'habitants. - Sections de commune.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : RIQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;22ly00271 ?
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