Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... D... et la fédération départementale des ayants-droits et des sections de commune du département du Cantal (FASC 15) ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 23 mai 2019 par lequel le préfet du Cantal a transférer partiellement à la commune de Coren des biens, droits et obligations appartenant à la section de Lespinasse.
Par jugement n° 1901601 du 28 octobre 2021, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par requête et mémoire enregistrés le 28 décembre 2021 et le 27 février 2023, M. D..., représenté par Me Riquier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation ;
2°) d' annuler l'arrêté du 23 mai 2019 du préfet du Cantal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé sur l'appréciation de la domiciliation des personnes ayant demandé le transfert ;
- le jugement est entaché d'omission à statuer sur la contestation des limites territoriales de la section et sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 23 mai 2019 ;
- au fond, l'arrêté du 23 mai 2019 méconnaît les dispositions de l'article L. 2411-11 du code général des collectivités territoriales en ce qu'il prend en considération des demandes formulées par des personnes qui n'établissent pas être domiciliées dans la section, ou qui résident hors de ses limites territoriales ;
- le consentement des membres de la section a été vicié en raison des conditions de leur information par la commune.
Par mémoires enregistrés le 17 mars 2022 et le 7 mars 2023, la commune de Coren, représentée par Me Maisonneuve, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par mémoire du 5 mai 2022, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2023, par une ordonnance du même jour en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Riquier pour M. D..., et celles de Me Maisonneuve pour la commune de Coren ;
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 19 juin 2015, le conseil municipal de Coren, après consultation des membres de la section de Lespinasse, a demandé au préfet du Cantal de transférer dans le patrimoine communal les parcelles sectionales cadastrées ZB n° 30 et ZB n° 31 où sont implantées des éoliennes. Par arrêté du 24 juillet 2015, le préfet a prononcé ce transfert. Toutefois, cet arrêté a été annulé, le 7 décembre 2017, par jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Après l'organisation d'une nouvelle procédure, le préfet saisi d'une délibération du 8 février 2019, a prononcé le transfert desdites parcelles à la commune par arrêté du 23 mai 2019. M. A... D..., agissant en son nom et pour le compte de la section de Lespinasse et la FASC 15 ont demandé l'annulation de cet arrêté. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 octobre 2021, en tant qu'il a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, les premiers juges n'ont pas répondu à la branche du moyen tiré de la violation de l'article L. 2411-11 du code général des collectivités territoriales, développée dans le mémoire en réplique, reposant sur la qualité de sectionnaire des habitants du hameau ayant formulé une demande de transfert, alors que ce moyen n'était pas inopérant. D'autre part, alors qu'il était saisi d'une demande d'annulation de l'arrêté préfectoral n° 2019-0587 du 23 mai 2019, le tribunal statue sur la légalité de l'arrêté n° 2015-0968 du 24 juillet 2015 du préfet du Cantal.
3. Par suite, le jugement attaqué, entaché d'omissions à statuer sur les conclusions et moyens dont il était saisi, doit être annulé en tant qu'il rejette la demande de M. D.... Il y a lieu pour la cour d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D..., agissant en son nom propre, devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 mai 2019 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense.
4. Aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales : " I. - (...) Sont membres de la section de commune les habitants ayant leur domicile réel et fixe sur son territoire (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-11 du même code : " Le transfert à la commune de tout ou partie des biens (...) d'une section est prononcé par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande conjointe du conseil municipal et (...) de la moitié des membres de la section ". Aux termes de l'article D 2411-3 du même code : " La demande présentée par les électeurs de la section en application des articles (...) L. 2411-11, est exprimée (...) par des lettres individuelles ou collectives rédigées en termes concordants (...) / Chaque lettre doit comporter l'objet et la date de la demande, la dénomination de la section, les nom, prénom, adresse et signature de chaque demandeur ".
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le sous-préfet de Saint-Flour, agissant par délégation du préfet du Cantal, a accusé réception d'un courrier individuel de chaque membre de la section de Lespinasse se prononçant sur l'opération de transfert. La circonstance que le préfet ait visé dans l'arrêté en litige, par erreur ou commodité de rédaction, les demandes conjointes des membres de la section, est sans conséquence sur la légalité de cet arrêté.
6. En deuxième lieu, M. D... fait valoir que le préfet s'est fondé sur une liste erronée de quinze sectionnaires transmise par le maire et établie pour les besoins de la cause, alors que les limites territoriales de la section de Lespinasse devait le conduire à exclure de cette liste huit personnes qui ne justifient pas d'un domicile fixe et réel sur la section, ou habitent hors de ses limites territoriales.
7. D'une part, la qualité de membre de la section au sens des dispositions précitées de l'article L. 2411-11 du code général des collectivités territoriales ne peut être reconnue qu'aux personnes dont le domicile réel et fixe est situé dans les limites de la section de commune. Il appartient au juge, saisi d'un litige relatif à l'appréciation des droits d'une personne à demander, en sa qualité de membre d'une section de commune, le transfert de biens sectionaux au bénéfice d'une commune, de rechercher les limites de cette section, telles qu'elles peuvent résulter de ses actes constitutifs. En l'absence d'actes constitutifs, il appartient au juge de rechercher ces limites telles qu'elles résultent de l'ensemble des faits de l'espèce.
8. L'administration fait valoir, sans être contestée, que les actes constitutifs de la section de Lespinasse, qui auraient pu permettre d'en délimiter les limites territoriales, n'existent pas. En revanche, il ressort de manière concordante des extraits cadastraux, de l'acte d'amodiation établi en 1937 par un géomètre expert et des photographies du site que le secteur aggloméré de Lespinasse présente un caractère homogène, exempt de discontinuité. Les constructions récentes de MM. E... L..., M. O... L... et K... F..., M. G... N... et Mme M... I..., celle de M. J... C... et Mme H... C..., implantées en continuité de l'existant en 1980, 2007 et 2014, doivent, dès lors, être regardée comme comprises dans les limites de la section. En outre, il résulte des conventions pluriannuelles d'exploitation conclues par la commune au nom et pour le compte de la section de Lespinasse, que Mmes L... P... et Chalvet-Barthomeuf Virgine, et M. N... G... exploitent en leur qualité de membres du GAEC du Puy de la Coujoule ayant leur domicile sur le territoire de Lespinasse, les pâtures et terres agricoles de cette section.
9. D'autre part, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, de rechercher par tous moyens si chacune des personnes ayant exprimé une demande de transfert a son domicile réel et fixe dans le territoire de la section, tel que délimité selon le point 8.
10. Le préfet a accusé réception, le 18 février 2019, de la demande de transfert exprimée par onze membres de la section de Lespinasse sur les quinze recensés. Or, il ressort des pièces du dossier que les personnes dont la qualité de membre de la section est contestée par le requérant, à savoir M. E... L..., M. O... L... et Mme K... F..., M. G... N... et Mme M... I..., M. J... C... et Mme H... C..., ont justifié de leur identité et de leur domicile fixe et réel à Lespinasse en produisant des factures d'électricité ou d'eau et assainissement pour l'année échue, ainsi que le leur avait demandé le préfet par mesure d'instruction du 15 février 2019.
11. Enfin, à supposer qu'il ne ressorte pas des pièces du dossier que Mme B..., qui s'est bornée à joindre une copie de sa carte d'identité, ait la qualité de sectionnaire, sa demande n'a pas eu d'incidence sur l'expression du quorum requis par l'article L. 2411-11 précité du code général des collectivités territoriales précité, dès lors que dix des quinze membres restaient demandeurs d'un tel transfert. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître ces dispositions que le préfet s'est estimé saisi d'une demande de la moitié des membres de la section de Lespinasse tendant au transfert de biens sectionaux à la commune de Coren.
12. En troisième lieu, M. D... fait valoir que les membres de la section s'étant exprimés en faveur du transfert n'ont pas reçu une information claire et dépourvue d'ambiguïté lors d'une réunion d'information organisée par la commune le 3 décembre 2008, ce qui aurait vicié l'expression de leur consentement. Il ressort des pièces du dossier que les courriers transmis par les membres de la section au préfet du Cantal mentionnaient l'identité de l'auteur de la demande et comportaient la mention d'une alternative " favorable ou défavorable " au transfert des parcelles. L'expression de ce choix est conforme aux exigences de l'article D. 2411-3. Il est, dès lors, sans incidence sur le décompte du quorum de l'article L. 2411-11 du même code que ces formulaires aient été distribués lors d'une réunion d'information du 3 décembre 2018 organisée par la commune, le contrôle du discernement de demandeurs civilement capables ou des motifs de leur choix ne relevant pas du juge administratif.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2019. Sa demande doit, dès lors, être rejetée.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les conclusions présentées contre l'Etat par M. D..., partie perdante, doivent être rejetées. Il n'y pas a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Coren présentées contre M. D....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901621 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 octobre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Coren au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la commune de Coren ainsi qu'au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbaretaz, président
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
La rapporteure,
Christine Psilakis
Le président,
Philippe Arbaretaz
La greffière,
Marie-Thérèse PilletLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY04284