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13/10/2023 | FRANCE | N°22LY01546

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 octobre 2023, 22LY01546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D..., épouse C..., et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 30 mars 2021 par lesquels la préfète de la Loire a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n°2105605,

2105606 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D..., épouse C..., et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 30 mars 2021 par lesquels la préfète de la Loire a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n°2105605, 2105606 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Vray, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 décembre 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 30 mars 2021 par lesquels la préfète de la Loire a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et dans le délai de deux mois à compter de cette notification, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de procéder sans délai à l'effacement de leur inscription au sein du fichier du système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à leur conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés sont entachés d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de leur situation ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et subsidiairement celles de l'article L. 313-14 du même code ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an sont disproportionnées au regard du droit au respect de leur vie privée et familiale.

La préfète de la Loire, à laquelle la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Vray, représentant Mme et M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme et M. C..., de nationalité albanaise, sont entrés irrégulièrement en France respectivement les 24 septembre 2012 et 14 janvier 2013. A la suite du rejet de leur demande d'asile, les requérants ont fait l'objet, le 31 août 2015, de deux arrêtés portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le 31 janvier 2018, Mme et M. C... ont sollicité leur admission au séjour. Par deux arrêtés du 30 mars 2021, la préfète de la Loire a rejeté leur demande, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme et M. C... interjettent appel du jugement n°2105605, 2105606 du 3 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens, réitérés en appel et non assortis d'éléments nouveaux, tirés de l'insuffisante motivation des arrêtés attaqués et du défaut d'examen sérieux de la situation de chacun des requérants.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon les termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Si les requérants soutiennent de nouveau en appel qu'ils sont présents sur le territoire national depuis plus de huit ans et que leurs enfants y sont intégrés et y ont toutes leurs attaches, s'agissant notamment des deux filles aînées du couple nées en 1996 et 2000 qui sont titulaires d'une carte de séjour pluriannuelle, que la sœur de Mme C... est française et qu'eux-mêmes bénéficient d'une expérience professionnelle significative et maîtrisent la langue française, il ressort tant des termes des décisions attaquées que des pièces du dossier qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les intéressés se sont maintenus sur le territoire national en dépit des mesures d'éloignement précédemment prises à leur encontre. En outre, s'agissant de l'insertion professionnelle alléguée, le requérant se prévaut seulement d'une promesse d'embauche pour un contrat à durée déterminée d'insertion de la part de l'entreprise au sein de laquelle il a effectué un stage dans le cadre de son accompagnement dans son parcours d'insertion par l'organisme Loire Objectif Insertion et Retour à l'Emploi (L.O.I.R.E.) du 9 au 20 février 2021, et d'une activité d'employé familial auprès de plusieurs employeurs particuliers sous couvert de " CESU " qu'il a exercée de décembre 2017 à mars 2021. Mme C... fait également seulement état d'un contrat en qualité d'aide de cuisine en septembre et octobre 2020 puis de remplacements en qualité de personnel de service au sein d'une crèche en décembre 2020 et janvier 2021, d'une promesse de contrat de travail à temps partiel et d'une activité d'employé familial auprès de plusieurs employeurs particuliers sous couvert de " CESU " exercée de septembre 2020 à mars 2021. Ces éléments, s'ils permettent de justifier de leur capacité à trouver un emploi, ne sont pas suffisants pour établir que la vie privée et familiale des requérants serait désormais installée sur le territoire national. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de leur séjour, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés attaqués auraient porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ils ont été pris. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent ainsi être écartés.

5. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux (...) sixième (...) alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "

7. Eu égard aux conditions de séjour des requérants rappelées au point 4 et à la circonstance qu'ils ont chacun fait l'objet d'une précédente décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français devenues définitives auxquelles ils se sont donc soustraits, la préfète de la Loire n'a pas entaché ses décisions de disproportion en limitant à un an la durée de la mesure d'interdiction de retour qui assortit les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, il y a également lieu d'écarter le moyen des appelants tiré de l'erreur d'appréciation à avoir pris à leur encontre une telle interdiction de retour.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse C..., en sa qualité de représentant unique, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01546
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : VRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-13;22ly01546 ?
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