Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 18 juillet 2022 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Savoie pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable, et d'enjoindre à cette autorité, dans un certain délai sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2204550 du 25 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français (article 2) et rejeté le surplus de cette demande (article 3).
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 août 2022, M. B..., représenté par Me Djinderedjian, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande ainsi que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et assignation à résidence dans le département de la Haute-Savoie pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut, de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit d'observations.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. B... par une décision du 26 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République du Kosovo né le 15 mai 2000 à Prishtine, déclare être entré sur le territoire français en mars 2020. Sa première demande d'asile ayant été définitivement rejetée, il a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 26 janvier 2021 portant notamment refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. A la suite de son interpellation le 17 juillet 2022 par le groupement de gendarmerie de Haute-Savoie, alors que par une décision du 24 juin 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 avril 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), avait refusé de réexaminer sa demande d'asile, le préfet de la Haute-Savoie, par deux arrêtés du 18 juillet 2022, lui a entre autres fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Savoie pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. M. B... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, et bien que ne mentionnant pas la date d'entrée de M. B... sur le territoire français, l'obligation de quitter le territoire français expose les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée. Elle est, par suite, motivée au regard des exigences de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, M. B... se prévaut de son comportement en France, qu'il qualifie d'exemplaire, et de sa volonté d'intégration dont témoigne la période durant laquelle il a pu régulièrement travailler, donnant entière satisfaction à son employeur. Toutefois, présent depuis environ deux ans et demi sur le territoire national, célibataire et sans enfant, il n'a pas exécuté la décision d'éloignement dont il précédemment fait l'objet en 2021. Et malgré l'exercice temporaire d'une activité professionnelle, il n'apparaît pas qu'il justifierait à titre personnel ou professionnel d'une intégration d'une particulière intensité. Enfin, il a vécu l'essentiel de son existence au Kosovo où il a conservé des attaches privées, voire familiales. Dans ces conditions, aucune violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être retenue.
4. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de délai de départ volontaire n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
5. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, (...) ; / (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...). " Aux termes de ce dernier article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
6. M. B..., qui explique que des membres de sa famille, et notamment son père, le menaceraient de violences physiques voire de mort en raison d'une relation sentimentale qu'il aurait entretenu avec une jeune femme sans savoir qu'elle était une cousine éloignée, fait valoir qu'il encourrait des risques de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour au Kosovo. Toutefois, et alors qu'il s'était déjà prévalu de telles menaces tant devant l'OFPRA que la CNDA qui, à deux reprises, ont rejeté sa demande d'asile, et qu'il a déclaré, lors de son audition par les forces de l'ordre, qu'il souhaitait faire venir en France ses parents, les risques auxquels l'intéressé serait personnellement confronté, comme l'impossibilité pour lui d'obtenir la protection des autorités de ce pays, ne sont pas avérés. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations ci-dessus doit être écarté.
7. En dernier lieu, la décision portant assignation à résidence comporte, de manière circonstanciée, les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée, étant par suite motivée.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a partiellement rejeté sa demande. Sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.
Le rapporteur,
J. ChassagneLe président,
V.-M. Picard La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02606
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