La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2023 | FRANCE | N°22LY00648

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 octobre 2023, 22LY00648


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI JPLA a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du maire de Dijon du 15 janvier 2021 lui refusant la délivrance d'un permis de construire en vue de l'édification, après démolition du bâti existant, d'un immeuble collectif sur le territoire de la commune de Dijon.

Par un jugement n° 2100721 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er mars 2022 et l

e 1er août 2022, la SCI JPLA, représentée par Me Rothdiener, demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI JPLA a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du maire de Dijon du 15 janvier 2021 lui refusant la délivrance d'un permis de construire en vue de l'édification, après démolition du bâti existant, d'un immeuble collectif sur le territoire de la commune de Dijon.

Par un jugement n° 2100721 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er mars 2022 et le 1er août 2022, la SCI JPLA, représentée par Me Rothdiener, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au maire de Dijon de lui délivrer le permis de construire sollicité ou de lui délivrer le certificat de permis de construire tacite, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Dijon une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 15 janvier 2021 a été émis tardivement, alors qu'un avis simple réputé tacite était né ;

- cet avis est entaché d'erreur d'appréciation ;

- elle est titulaire d'un permis de construire tacite de sorte que le refus de permis opposé le 15 janvier 2021 doit s'analyser comme un retrait illégal de ce permis tacite ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal applicable en zone U et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le maire de Dijon n'a pas procédé à une instruction du dossier de ce permis de construire et a entendu se placer en situation de compétence liée par rapport à l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 15 janvier 2021.

Par un mémoire, enregistré le 24 juin 2022, la commune de Dijon, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas recevable ;

- le maire pouvait légalement prendre en compte l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 15 janvier 2021 ;

- cet avis n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation ;

- à la date de la délivrance de la décision de refus de permis de construire, soit le 15 janvier 2021, la société pétitionnaire n'était pas en possession d'un permis de construire tacite ;

- le traitement architectural proposé vient en rupture avec l'environnement immédiat du projet, et apporte une note discordante à l'harmonie du quartier ;

- le maire ne s'est pas cru en situation de compétence liée en refusant le permis.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- les observations de Me Rothdiener, représentant la SCI JPLA et de Me Mathieu, représentant la ville de Dijon ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI JPLA a déposé auprès de la commune de Dijon une demande de permis de construire en vue de la démolition d'une maison individuelle et de ses annexes et la construction d'un immeuble collectif sur un terrain situé en périphérie du centre-ville de cette commune. Par un arrêté du 15 janvier 2021, le maire de Dijon a refusé de lui délivrer ce permis de construire. La SCI JPLA relève appel du jugement du 7 février 2022, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 15 janvier 2021.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Dijon :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. Contrairement à ce que soutient la commune de Dijon, la requête présentée par la SCI JPLA qui contient l'exposé de moyens et conclusions comporte également une critique du jugement attaqué. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Dijon doit être écartée.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

5. Aux termes de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la qualité urbaine architecturale, environnementale et paysagère, applicables en zone U : " (...) Les constructions nouvelles, les aménagements et les travaux portant sur les constructions existantes doivent par leur situation, leur dimension ou leur aspect extérieur participer à la préservation et à la mise en valeur du cadre bâti environnant et des paysages naturels et urbains locaux, sans exclure l'architecture contemporaine. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune.

7. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer le permis de construire litigieux, le maire de Dijon a estimé que le projet concerné qui consiste en la démolition totale d'une maison individuelle et de ses annexes pour construire un immeuble collectif d'habitation de cinq niveaux ne respectait pas les dispositions de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la qualité urbaine architecturale, environnementale et paysagère, applicables en zone U. Pour ce faire, le maire a retenu, d'une part, que " le projet d'immeuble s'inscrit dans un quartier de périphérie du centre-ville bordé par la voie ferrée, comportant une mixité d'habitat de pavillons individuels et de petits et moyens collectifs. L'ensemble formant une harmonie d'aspect par les traitements qualitatifs des bâtis et dans les traitements soignés des espaces verts largement plantés. ". Il ressort toutefois des pièces du dossier, que le projet concerne un bâtiment, qui ne se trouve ni dans le champ de visibilité d'un monument historique, ni dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou d'un site classé ou protégé, et qui est situé dans une zone caractérisée par un habitat mixte comprenant des constructions de variété architecturale, où sont d'ores et déjà implantés des bâtiments d'habitat collectif d'un volume comparable à celui du projet, voire beaucoup plus imposants, à l'instar de l'immeuble jouxtant le terrain d'assiette du projet qui s'élève à une hauteur de R+12 et ne présente aucun intérêt architectural. A environ 80 mètres du projet, se trouvent également implantés des bâtiments d'habitation collective de cinq et six niveaux ne présentant aucun intérêt architectural. Enfin, les photographies produites à l'instance montrent la présence dans ce quartier, à proximité de la voie ferrée d'un entrepôt et de plusieurs immeubles collectifs imposants et sans valeur esthétique. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet concerné prendrait place dans un quartier présentant un intérêt urbain particulier.

8. Pour s'opposer à la réalisation du projet, le maire a relevé, d'autre part, que " le traitement architectural de l'immeuble projeté ne favorise pas son intégration dans l'environnement proche : un patchwork de couleurs sur les façades (trois teintes d'enduit en plus du zinc sur rue, quatre teintes d'enduit sur la façade arrière), un encadrement partiel des balcons créant une " boîte " qui alourdie la façade sur rue " et que " la multiplicité des effets ( balcons, gardes-corps, casquettes...) cumulés au teintes multiples, aboutissent à une cacophonie architecturale notamment sur la façade sur rue, visible depuis l'espace public ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige, intègre des modifications par rapport aux deux premiers dossiers qui avaient auparavant été présentés, afin de tenir compte de précédentes recommandations émises par l'architecte des bâtiments de France, en vue de favoriser son insertion dans le paysage urbain existant. Ainsi, le projet prévoit notamment d'ajouter une rangée de plantations en façade Nord, de remplacer la teinte " Rouge Burgos " en façade, par une teinte " Lie de vin ", plus foncée et plus discrète, tout en réduisant cette bande de couleur, de supprimer la teinte " gris Belfast " au niveau de l'attique pour créer un attique en zinc prépatiné, d'apparence plus traditionnelle, et d'améliorer l'harmonie par la pose de menuiseries en aluminium au niveau des balcons. Dans ces conditions, il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que ce projet serait de nature à porter atteinte à l'intérêt du site d'implantation. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le permis de construire sollicité au motif que le projet était de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt du site, des lieux avoisinants et des paysages urbains environnants, le maire a commis une erreur d'appréciation, quand bien même l'architecte des bâtiments de France a émis, à titre consultatif, un avis défavorable au projet, le 15 janvier 2021. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que son projet était de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt patrimonial des lieux et a par suite écarté le moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation sur le fondement de l'article de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la qualité urbaine architecturale, environnementale et paysagère, applicables en zone U.

9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme aucun autre moyen n'est de nature, en l'état de l'instruction, à conduire à l'annulation de la décision contestée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI JPLA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Dijon du 15 janvier 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

11. Eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le maire de Dijon délivre le permis de construire demandé par la SCI JPLA. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de Dijon de délivrer ce permis de construire, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Dijon la somme de 2 000 euros à verser à la SCI JPLA au titre des frais liés à l'instance. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100721 du 7 février 2022 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de Dijon du 15 janvier 2021 refusant à la SCI JPLA la délivrance d'un permis de construire en vue de l'édification, après démolition du bâti existant, d'un immeuble collectif sur le territoire de la commune de Dijon est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Dijon de délivrer à la SCI JPLA le permis de démolir et le permis de construire sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Dijon versera à la SCI JPLA la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Dijon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI JPLA et à la commune de Dijon.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00648

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00648
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : ROTHDIENER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-05;22ly00648 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award