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05/10/2023 | FRANCE | N°22LY00586

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 05 octobre 2023, 22LY00586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite née le 29 octobre 2019 par laquelle la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et d'enjoindre à l'État de lui en accorder le bénéfice à compter du 1er septembre 2013.

Par un jugement n° 1909875 du 16 décembre 2021, le tribunal a annulé cette décision de rejet en tant qu'elle refusait le bénéfice de la NBI à

Mme B... entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2015, a enjoint au garde des sce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite née le 29 octobre 2019 par laquelle la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et d'enjoindre à l'État de lui en accorder le bénéfice à compter du 1er septembre 2013.

Par un jugement n° 1909875 du 16 décembre 2021, le tribunal a annulé cette décision de rejet en tant qu'elle refusait le bénéfice de la NBI à Mme B... entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2015, a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de lui attribuer rétroactivement la NBI pour cette période et de lui verser la somme correspondante, et a rejeté le surplus des conclusions de Mme B... pour la période postérieure au 1er janvier 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 février 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour d'annuler le jugement n° 1909875 du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé la décision implicite de rejet du 29 octobre 2019 et fait droit à la demande de Mme B... et de rejeter ses conclusions.

Il soutient que, en vertu des dispositions du décret n° 2008-1309 du 11 décembre 2008, Mme B... ne pouvait bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire.

Par des mémoires enregistrés les 14 novembre et 20 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Diaby, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant que les premiers juges n'ont pas fait droit à ses demandes d'annulation et d'injonction pour la période postérieure au 1er janvier 2015 ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le décret du 11 décembre 2008 précité ne faisait pas obstacle à ce qu'elle perçoive la NBI à laquelle elle avait droit pour son poste et son lieu de travail, situés dans une zone urbaine sensible ;

- son lieu de travail est dans un quartier prioritaire ; en conséquence, elle remplissait les conditions fixées par les décrets n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 et n° 2014-1750 du 30 décembre 2014, lui ouvrant droit au bénéfice de la NBI ;

- une note du ministère de la justice du 28 septembre 2021 prescrit le versement de la NBI aux agents de l'UEMO de Vaulx-en-Velin, qui se trouve dans le quartier prioritaire.

Par une ordonnance du 28 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales ;

- la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ;

- le décret n° 91-1064 du 14 octobre 1991 instituant la nouvelle bonification indiciaire dans les services du ministère de la justice ;

- le décret n° 93-522 du 26 mars 1993 relatif aux conditions de mise en œuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 96-1156 du 26 décembre 1996 fixant la liste des zones urbaines sensibles ;

- le décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;

- le décret n° 2005-532 du 24 mai 2005 portant statut particulier du corps des directeurs des services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- le décret n° 2008-1309 du 11 décembre 2008 ;

- le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements métropolitains ;

- le décret n° 2015-1221 du 1er octobre 2015 relatif à la nouvelle bonification indiciaire attribuée aux fonctionnaires de l'État au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville à la suite de la création des quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

- l'arrêté du 14 novembre 2001 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;

- l'arrêté du 4 décembre 2001 fixant par département les emplois éligibles à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard, président ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., chef de service éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse, a été affectée à partir du 1er janvier 2013 à l'unité éducative en milieu ouvert (UEMO) de Vaulx-en-Velin. Sa demande d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à compter du 1er janvier 2013 a été implicitement rejetée par une décision de l'administration née le 29 octobre 2019. Le garde des sceaux, ministre de la justice demande l'annulation du jugement du 16 décembre 2021 en tant que le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision dans la mesure où il a refusé le bénéfice de la NBI à Mme B... entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2015 et lui a enjoint d'attribuer rétroactivement à l'intéressée la NBI pour cette période et de lui verser la somme correspondante. Mme B... a incidemment relevé appel de ce jugement en tant que le tribunal n'a pas fait droit à ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction pour la période postérieure au 1er janvier 2015.

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. (...) ". L'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales dispose que : " I. - La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret. (...) ". L'article 1er du décret du 14 novembre 2001 énonce que : " Une nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite, peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires titulaires du ministère de la justice exerçant, dans le cadre de la politique de la ville, une des fonctions figurant en annexe au présent décret. ". Ces fonctions comprennent, selon l'annexe à ce décret, dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2015 : " (...) Fonctions de catégories A, B ou C de la protection judiciaire de la jeunesse : / 1. En centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des zones urbaines sensibles ; / 2. En centre d'action éducative situé en zone urbaine sensible ; / 3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité. (...) " et, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2015 : " (...) Fonctions de catégories A, B ou C de la protection judiciaire de la jeunesse : / 1. En centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; / 2. En centre d'action éducative situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; / 3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité. (...) ".

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 30 décembre 2014: " Les quartiers prioritaires de la politique de la ville mentionnés à l'article 5 de la loi du 21 février 2014 susvisée sont ceux figurant dans la liste annexée au présent décret. Les délimitations des quartiers concernés sont consultables et téléchargeables auprès du Commissariat général à l'égalité des territoires, 5, rue Pleyel, 93200 Saint-Denis ( www.ville.gouv.fr), et sur le Géoportail ( www.geoportail.gouv.fr). Lorsque la limite d'un quartier correspond à une voie publique, elle est réputée suivre l'axe central de cette voie. "

Sur l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice relatif au bénéfice de la NBI pour la période comprise entre les 1er janvier 2013 et 2015 :

4. Aux termes de l'article 2 du décret du 11 décembre 2008 susvisé : " L'indemnité de fonctions et d'objectifs peut également être attribuée, dans les conditions fixées par le présent décret et dans la limite des crédits ouverts à cet effet, aux personnels exerçant les fonctions de responsable d'unité éducative, quel que soit leur corps d'appartenance, à l'exclusion du corps des conseillers techniques des services sociaux ". Aux termes de l'article 9 de ce même décret : " L'indemnité de fonctions et d'objectifs est exclusive de : (...) 3° La nouvelle bonification indiciaire prévue par le décret du 14 novembre 2001 susvisé ".

5. Sans être contesté le garde des sceaux, ministre de la justice soutient que, pour la période du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2015, Mme B... a perçu l'indemnité de fonctions et d'objectifs, qui est exclusive de la NBI. Elle ne pouvait donc bénéficier de cette dernière bonification. Dès lors, le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a partiellement fait droit à la demande dont l'avait saisie Mme B... pour la période comprise entre les 1er janvier 2013 et 2015.

6. Il appartient à la cour, saisie dans cette mesure du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'intéressée aussi bien en première instance qu'en appel.

7. Eu égard à la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait l'administration pour refuser d'accorder la NBI pour la période comprise entre les 1er janvier 2013 et 2015, les moyens tirés de la violation de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de ce que l'intéressée remplissait une ou plusieurs des conditions prévues pour l'attribution de cette bonification, telles qu'elles ont été rappelées plus haut, ne peuvent qu'être écartés.

8. Le garde des sceaux, ministre de la justice est donc fondé à soutenir que le tribunal a fait droit à tort à la demande présentée par Mme B... pour l'attribution de la NBI au cours de la période du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2015.

Sur les conclusions présentées par Mme B... par la voie de l'appel incident pour l'attribution de la NBI après le 1er janvier 2015 :

9. Il ressort des pièces des pièces du dossier, et en particulier d'éléments cartographiques issus du système Géoportail, que l'UEMO de Vaulx-en-Velin, située au 97 avenue Paul Marcellin, n'est plus en zone urbaine sensible mais se trouve à l'extérieur du nouveau quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) " Grande Île ", dont elle est séparée par cette avenue, l'axe central de cette voie constituant, en application de l'article 1er du décret ci-dessus du 30 décembre 2014, la limite avec ce quartier. S'il est vrai qu'une note du ministre de la justice du 28 septembre 2021 place l'UEMO du 97 avenue Paul Marcellin en QPV, une telle prescription est contraire au dispositif législatif et réglementaire qui vient d'être évoqué, et notamment aux dispositions des décrets des 14 novembre 2001 et 30 décembre 2014. Par suite, et alors que l'administration s'est à bon droit dispensée d'appliquer cette note, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que son affectation à l'UEMO de Vaulx-en-Velin, en admettant que cette unité puisse être assimilée à un centre d'action éducative, lui ouvrait droit à la NBI.

10. Les autres moyens, tirés de ce que l'intéressée aurait effectué son activité dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité et de la violation du principe d'égalité de traitement entre agents publics, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal et qu'il y a lieu d'adopter.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme B... présentées par la voie de l'appel incident doivent être rejetées.

12. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme B... à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 décembre 2021, en tant qu'il a annulé la décision implicite de la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse portant rejet de la demande de Mme B... tendant au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) pour la période du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2015 et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice d'attribuer rétroactivement à l'intéressée la NBI pour cette période ainsi que le versement de la somme correspondante, est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par Mme B... pour l'attribution de la NBI pour la période du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2015 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... par la voie de l'appel incident est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

Le président, rapporteur,

V.-M. PicardLa présidente-assesseure,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00586

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00586
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : TALARIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-05;22ly00586 ?
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