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27/09/2023 | FRANCE | N°22LY01366

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 27 septembre 2023, 22LY01366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2006344 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cett

e demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, M. B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2006344 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, M. B..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour ne procède pas d'un examen sérieux de sa situation ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet n'a statué sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ;

- elle porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi tant l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est fondé sur une précédente obligation de quitter le territoire français ancienne de plus de cinq ans et qui aurait donc dû être effacée en application des dispositions de l'article R. 142-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- et les observations de Me Bescou pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 8 décembre 2021 rejetant sa demande de titre de séjour et se substituant à la décision implicite précédemment opposée, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Sur la légalité des décisions du 8 décembre 2021 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " à M. B..., le préfet du Rhône a notamment relevé que, si l'intéressé produit un contrat de travail pour l'occupation d'un emploi ouvert aux ressortissants tunisiens en application de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, la société qui l'emploie ne justifie pas respecter la législation relative au travail et à la protection sociale, et n'a pas transmis de documents permettant de vérifier que les conditions d'emploi et de rémunération offertes à M. B... étaient comparables à celles des autres salariés. Si le requérant fait valoir l'ancienneté de l'avis défavorable rendu par la Direccte, dont il conteste les motifs, et soutient qu'il appartenait au préfet de statuer sur sa demande d'autorisation de travail, en tout état de cause, aucune stipulation de l'accord franco-tunisien ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi par un ressortissant étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas d'un visa de long séjour, d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de titre de séjour. Le préfet du Rhône a également fondé sa décision sur l'absence de visa de long séjour et ce motif n'est pas contesté.

3. En deuxième lieu, le préfet du Rhône a considéré, après examen, que la situation de l'intéressé ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant une admission exceptionnelle au séjour. Le préfet du Rhône s'est fondé, à tort, sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicables à la situation de l'intéressé, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, cette décision trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation discrétionnaire. L'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de ce pouvoir que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'activité professionnelle présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce fondement légal peut être substitué, comme l'ont relevé les premiers juges, au fondement erroné retenu par le préfet, cette substitution n'ayant pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie. Le moyen tiré de l'erreur de droit ainsi commise par le préfet du Rhône doit dès lors être écarté.

4. En troisième lieu, M. B... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un CDI en qualité d'employé polyvalent dans la restauration, poste qu'il a occupé entre 2017 et 2019. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, n'avait pas à examiner la pertinence de l'emploi occupé au regard des critères de l'article L. 5221-20 du code du travail. M. B... se prévaut au titre de l'année 2021 de plusieurs bulletins de salaire pour un emploi de peintre pour lequel il ne justifie d'aucune qualification ni d'aucune promesse d'embauche ou contrat de travail. La seule expérience professionnelle acquise en France ne permet pas de caractériser une erreur manifeste d'appréciation du préfet du Rhône dans l'exercice de son pouvoir de régularisation au titre du travail, que les premiers juges ont substitué à la base légale erronée fondée sur l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette circulaire est inopérant.

5. En quatrième lieu, le requérant soutient être entré en France le 1er mars 2009 et y résider depuis cette date. Le préfet du Rhône indique qu'il a toutefois fait l'objet en 2011 d'un arrêté de reconduite à la frontière italienne et qu'il est de nouveau entré en France à une date indéterminée. M. B..., par les pièces produites tant en première instance qu'en appel, dont aucune n'est antérieure à 2011, ne justifie pas qu'il résidait de manière habituelle et continue en France depuis plus de dix ans à la date de sa demande de titre de séjour. M. B... n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision attaquée devait être précédée de la saisine de la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En cinquième lieu, M. B... réitère en appel ses moyens de première instance selon lesquels le refus de titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.

7. En dernier lieu, M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer à titre exceptionnelle une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et à soutenir, en l'absence de circonstance particulière faisant obstacle à son éloignement du territoire français, que l'obligation de quitter le territoire français violerait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

9. Eu égard aux développements qui précèdent, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination de son éloignement.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

11. En second lieu, pour prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Rhône, qui a procédé à l'examen de la situation du requérant au regard de l'ensemble des critères énumérés par la loi, a relevé que l'intéressé ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne, stable et intense en France, qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qui n'a pas été exécutée et que son casier judiciaire présente des condamnations. M. B... a fait l'objet de trois condamnations pénales en 2018, 2019 et 2021, conduisant en dernier lieu à une peine d'emprisonnement ferme de huit mois pour des faits de menace de mort réitérée et violence avec usage ou menace d'une arme. Par suite, quand bien même le droit à l'effacement des données prévu à dispositions de l'article R. 142-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'opposerait à ce que la décision fasse mention d'une précédente mesure d'éloignement prise le 17 janvier 2012, compte tenu de son ancienneté, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les autres critères énumérés par la loi.

12. Compte tenu notamment de ce qui a été dit au point précédent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée de dix-huit mois, serait entachée d'une erreur d'appréciation. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

14. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01366
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-27;22ly01366 ?
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