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21/09/2023 | FRANCE | N°22LY03211

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 21 septembre 2023, 22LY03211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun pour ce qui le concerne, d'une part, d'annuler les arrêtés du 22 mars 2022 par lesquels le préfet de la Savoie a rejeté leurs demandes de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement et d'enjoindre à cette autorité de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée e

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Par jugement nos 2203216, 2203217 du 30 septembre 2022, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun pour ce qui le concerne, d'une part, d'annuler les arrêtés du 22 mars 2022 par lesquels le préfet de la Savoie a rejeté leurs demandes de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement et d'enjoindre à cette autorité de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Par jugement nos 2203216, 2203217 du 30 septembre 2022, le tribunal a fait droit à leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 octobre 2022 et le 1er juin 2023, le préfet de la Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que les arrêtés litigieux portent une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. et Mme C....

Par mémoire enregistré le 3 mai 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Paquet, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a, à juste titre, annulé les arrêtés pour méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les refus de séjour méconnaissent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation, en refusant de leur délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour opposé à Mme C... est entaché d'un défaut d'examen sérieux, complet et personnalisé de sa situation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les obligations de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les refus de titre de séjour et obligations de quitter le territoire français sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle ;

- ils méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la fixation du pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de leur accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Corvellec ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., ressortissants kosovars nés respectivement le 26 mai 1981 et le 3 décembre 1984, sont entrés en France, en dernier lieu, au mois de novembre 2014 d'après leurs déclarations. Après le rejet de leur demande d'asile, ils ont fait l'objet, le 4 juillet 2016, de refus de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français, qui ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2016, confirmé par la cour administrative d'appel de Lyon le 13 avril 2017. Par arrêtés du 14 avril 2017, le préfet de la Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour et a assorti ces décisions d'obligations de quitter le territoire français. Ces arrêtés ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 septembre 2017, lui-même annulé par la cour administrative d'appel de Lyon le 2 octobre 2018. Par arrêtés du 23 janvier 2019, le préfet de la Savoie a refusé une nouvelle fois l'admission au séjour de M. et Mme C... et les a obligés à quitter le territoire français. Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les recours formés par les intéressés contre ces arrêtés, au motif qu'ils avaient été pris en exécution du jugement du 7 septembre 2017 et devaient, compte tenu de l'annulation de ce jugement, être réputés n'avoir jamais produit d'effets juridiques. Le 30 septembre 2021, M. et Mme C... ont de nouveau sollicité la délivrance de titres de séjour. Le préfet de la Savoie relève appel du jugement du 30 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés du 22 mars 2022 par lesquels il a rejeté leurs demandes et les a obligés à quitter le territoire français.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... résidaient en France depuis plus de sept ans à la date des refus de titre de séjour litigieux. Ils sont parents de trois enfants, nés respectivement en 2005, 2009 et 2017 et scolarisés en France. Les parents de Mme C... résident également sur le territoire français sous couvert de cartes de résident. Parlant couramment le français, M. C... dispose, depuis le 5 juin 2018, d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en tant que maçon. Mme C... occupe, depuis 2016, un emploi saisonnier en qualité d'agent d'entretien. Dans ces conditions, et en dépit de l'inexécution de précédentes mesures d'éloignement et de l'irrégularité de leurs activités professionnelles, le préfet de la Savoie a, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, contraire aux stipulations citées au point 2, en refusant de leur délivrer un titre de séjour.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 22 mars 2022 portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement, lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. et Mme C... et a condamné l'Etat à verser une somme de 1 500 euros à leur conseil en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

5. M. et Mme C... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Paquet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette dernière d'une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Savoie est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Paquet une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. et Mme A... et D... C.... Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

M-T. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY03211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03211
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-21;22ly03211 ?
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