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21/09/2023 | FRANCE | N°22LY02916

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 21 septembre 2023, 22LY02916


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel la préfète de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2108764 du 11 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Saidi, demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susvisé ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel la préfète de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2108764 du 11 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Saidi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susvisé ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions en litige méconnaissent le droit d'être entendu ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles L. 123-1 et L. 123-2 du code des relations entre le public et l'administration et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2022, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien qui déclare être né le 31 décembre 2002 et entré en France en janvier 2019, a été pris en charge en qualité de mineur isolé par l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de l'Ain à compter du 21 janvier 2019. Par un arrêté du 19 octobre 2021 la préfète de l'Ain a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avec obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 février 2022 qui a refusé d'annuler cet arrêté.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a été en mesure, de manière utile et effective, de présenter des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.

3. En l'espèce, M. A... a déposé le 8 février 2021 une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture de l'Ain. A cette occasion, il a exposé les motifs pour lesquels il demandait un titre de séjour et a produit l'ensemble des éléments susceptibles de venir au soutien de sa demande. Il lui appartenait, lors du dépôt de sa demande, de justifier, par un document authentique, de son état civil, en fournissant par ailleurs toutes les précisions qu'il jugeait utiles. Par ailleurs, il lui était loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. A cet égard, aucune disposition ni aucun principe n'imposait au préfet de lui communiquer, avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour, le rapport du 23 mars 2021 de la police aux frontières. Dans ces conditions, M. A... ne saurait soutenir que son droit d'être entendu aurait été méconnu et que, de ce fait, l'arrêté litigieux serait irrégulier.

Sur le refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il revient ensuite au préfet, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

5. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " En vertu du premier alinéa de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. " Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

6. Le principe de sécurité juridique ne fait pas obstacle à ce que le préfet puisse, dans le cadre de l'examen de la demande de titre de séjour formée par M. A... remettre en cause la valeur probante des actes d'état civil produits par celui-ci, dans les conditions prévues aux articles 47 du code civil et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que la date de naissance portée sur ces documents avait été prise en compte par l'autorité judiciaire pour prononcer le placement de l'intéressé au service de l'aide sociale à l'enfance.

7. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, comme l'ont relevé les premiers juges, alors que M. A... avait produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un acte de naissance du 19 février 2020 ainsi qu'un extrait d'acte de naissance daté du même jour et un jugement supplétif en date du 4 février 2020, la préfète de l'Ain, pour remettre en cause la force probante de ces documents, s'est fondée sur le rapports d'analyse documentaire des services de la police aux frontières (PAF), en date du 23 mars 2021, qui concluaient au caractère faux du jugement supplétif. Et il ressort de ce rapport que l'acte de naissance comporte une faute d'orthographe dans la désignation des fonctions d'" Offier d'état civil " et ne contient pas le code " NINA ", qui correspond au numéro personnel prévu par la réglementation malienne, que, dans son titre, qui indique " audience publque ", le jugement supplétif en date du 4 février 2020 est incorrectement orthographié, et que les passages d'écriture manuscrite figurant sur ce jugement et sur son acte de naissance, qui émanent pourtant d'institutions différentes, sont d'un style identique. Par ailleurs, si M. A... se prévaut d'une carte d'identité consulaire, ce document ne dispose d'aucune force probante particulière. S'il soutient que les constatations précitées ne permettraient pas de remettre en cause sa minorité et fait notamment valoir que la formation des officiers d'état civil conduit à une uniformisation de l'écriture des documents, que le numéro NINA n'a été introduit qu'à compter de 2006, soit postérieurement à sa naissance, et que les fautes dont il a été fait état plus haut constituent de simples erreurs matérielles, l'ensemble des éléments relevés par les services de la PAF suffit à remettre en cause l'authenticité des actes d'état civil produits, l'absence de saisine des autorités maliennes pour faire procéder à des vérifications en application du décret du 24 décembre 2015 étant ici sans incidence. Dans ces circonstances, et malgré le sérieux de la formation suivie par M. A..., dont témoigne notamment le contrat d'apprentissage qui lui a été proposé, la préfète a légalement pu se fonder sur les informations frauduleuses dont il se prévalait pour rejeter sa demande.

8. Aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. / La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. / (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 123-2 de ce code : " Est de mauvaise foi, au sens du présent titre, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation. / En cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi et de la fraude incombe à l'administration. "

9. Dès lors que la décision de refus de séjour en litige constitue une mesure de police spéciale n'ayant pas le caractère d'une sanction, M. A... ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer une méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 123-1 et L. 123-2 du code des relations entre le public et l'administration à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.

10. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour ne peut qu'être écarté.

12. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

Sur la fixation du pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

14. La requête de M. A... doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outres mer.

Copie sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit Larcher, présidente-assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outres mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY02916 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02916
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-21;22ly02916 ?
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