Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 21 janvier 2022 par lesquels le préfet de la Côte-d'Or leur a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'obligations de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire et d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 2200671, 2200672 du 21 juillet 2022, le tribunal a fait droit à leurs demandes.
Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 19 août 2022, enregistrée sous le n° 22LY02572, le préfet de la Côte-d'Or représenté par Me Cano demande à la cour d'annuler ce jugement, en tant qu'il s'est prononcé sur la demande de M. C... et de mettre à la charge de M. C... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il n'a pas méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. C... un titre de séjour.
Par un mémoire enregistré le 30 juin 2023, M. C... représenté par Me Ben Hadj Younès conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé et que l'arrêté en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
II. Par une requête enregistrée le 19 août 2022 sous le n° 22LY02574, le préfet de la Côte-d'Or représenté par Me Cano demande à la cour d'annuler le jugement ci-dessus, en tant qu'il s'est prononcé sur la demande de Mme B... et de mettre à la charge de Mme B... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il n'a pas méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
Par un mémoire enregistré le 30 juin 2023, Mme B... représentée par Me Ben Hadj Younès conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé et que l'arrêté en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 3 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juillet 2023.
M. C... et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées présentées par le préfet de la Côte-d'Or, qui concernent les membres d'une même famille, ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. C... et Mme B..., ressortissants arméniens nés respectivement en 1982 et 1983, déclarent être entrés en France le 5 janvier 2018, accompagnés de leurs deux premiers enfants. Leurs demandes d'asile ont été rejetées tant par l'Office français de protection des apatrides et des réfugiés (OFPRA) que par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), en dernier lieu le 6 janvier 2020. Par deux arrêtés en date du 21 janvier 2022, dont M. C... et Mme B... ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Dijon, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de les admettre exceptionnellement au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office. Par un jugement du 21 juillet 2022, dont le préfet relève appel, le tribunal a annulé ces arrêtés.
3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. "
4. M. C... et Mme B... se prévalent de leur présence depuis quatre ans en France, où leurs deux enfants, poursuivent une scolarité exemplaire, respectivement en classe de quatrième et de sixième à la date des décisions attaquées. Par ailleurs, au moyen d'attestations d'emploi valant bulletins de salaire émises par le service du " chèque emploi service universel " de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), ils justifient avoir exercé pour le compte de particuliers plusieurs activités professionnelles pendant les années 2020 et 2021. Mme B... dispose en outre d'une promesse d'embauche et ils s'investissent bénévolement dans plusieurs activités locales. Toutefois, et malgré la volonté dont font état les intéressés de se maintenir sur le territoire, ces seules circonstances ne permettent pas de caractériser un motif exceptionnel ou une circonstance humanitaire qui justifierait leur admission au séjour sur le fondement des dispositions citées plus haut. C'est dès lors sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Côte-d'Or a refusé d'admettre exceptionnellement au séjour M. C... et Mme B.... Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur ce motif pour faire droit à la demande d'annulation des arrêtés en litige.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... et Mme B... en première instance comme en appel.
Sur les refus de titres de séjour :
6. Les décisions attaquées, qui sont motivées en droit et en fait, mentionnent notamment les rejets de leurs demandes d'asile et de réexamen de ces demandes et précisent qu'ils ont travaillé et que leurs enfants sont présents sur le territoire national et scolarisés. Il ressort des termes des décisions attaquées que le préfet de la Côte d'Or a considéré l'ensemble de la situation privée et familiale du couple et a examiné la possibilité de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a ainsi pas entaché cette décision d'un défaut d'examen particulier. Elles ne sont donc entachées ni d'un défaut de motivation ni d'une erreur de droit.
7. Les requérant font valoir qu'ils sont présents en France depuis quatre années, que leurs deux enfants y résident et y suivent une scolarité brillante. Toutefois, ils ont vécu la majeure partie de leur vie en Arménie où le couple ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour aurait porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
8. En l'absence d'illégalité des refus de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas illégales par voie de conséquence.
9. Par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Dès lors que les décisions en cause n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer de leurs parents les deux enfants mineurs, dont rien ne permet de dire qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité en Arménie, c'est sans méconnaître les dispositions précitées que le préfet de la Côte-d'Or a pris les obligations de quitter le territoire français contestées.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
12. En l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pourra être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.
13. Eu égard aux motifs énoncés au point 7 du présent arrêt, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé les arrêtés du 21 janvier 2022 refusant à M. C... et Mme B... la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur les frais de l'instance :
15. Les conclusions de M. C... et Mme B... présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées, l'État n'étant pas partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. C... et Mme B... la somme demandée par le préfet de la Côte-d'Or au titre de l'article L. 61-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 juillet 2022 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. C... et Mme B... présentées devant le tribunal administratif de Dijon ainsi que leurs conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. D... et à Mme A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 août 2023.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY02572, 22LY02574
kc