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08/08/2023 | FRANCE | N°22LY02870

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 08 août 2023, 22LY02870


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 26 avril 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par jugement n° 2106382 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires, enre

gistrés les 28 septembre 2022, 22 mars 2023 et 24 mars 2023, ces deux derniers non communiqués, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 26 avril 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par jugement n° 2106382 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 28 septembre 2022, 22 mars 2023 et 24 mars 2023, ces deux derniers non communiqués, Mme A..., représentée par Me Bernardi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2021 ainsi que les décisions du 26 avril 2021 du préfet du Rhône ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou " vie privée et familiale " dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus en litige est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur matérielle et d'une erreur manifeste d'appréciation ; c'est à tort que le préfet du Rhône a estimé qu'après l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement du II de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pouvait plus prétendre à l'obtention d'un titre de séjour étudiant sur le fondement de l'article L. 313-7 du même code ; sa demande de titre de séjour pour suivre un master de littérature témoigne d'un parcours cohérent ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour édicter la mesure d'éloignement ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet du Rhône auquel la requête a été communiquée n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Psilakis, première conseillère ainsi que les observations de Me Bernardi pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante turque née le 24 mars 1990, est entrée en France en août 2017 munie d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant ". Après avoir obtenu un master 2 de philosophie, l'intéressée s'est vue délivrer, le 30 juillet 2019, sur le fondement des dispositions de L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables, un titre de séjour portant la mention " Recherche d'emploi / Création d'entreprise " valable jusqu'au 3 juillet 2020. Le 24 septembre 2020, Mme A... a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ". Par des décisions du 26 avril 2021, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 17 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 avril 2021 du préfet du Rhône la concernant.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " I.-Une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise" d'une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l'étranger qui justifie :1° Soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-18 ou L. 313-27 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret ; 2° Soit avoir été titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "chercheur" délivrée sur le fondement du 4° de l'article L. 313-20 et avoir achevé ses travaux de recherche. II.- La carte de séjour temporaire prévue au I est délivrée à l'étranger qui justifie d'une assurance maladie et qui : 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. (...) A l'issue de cette période de douze mois, l'intéressé pourvu d'un emploi ou d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées au premier alinéa du présent 1° est autorisé à séjourner en France au titre de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux 1°, 2°, 4° ou 9° de l'article L. 313-20 ou de la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi ; 2° Soit justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches. A l'issue de la période de douze mois mentionnée au premier alinéa du I, l'intéressé justifiant de la création et du caractère viable d'une entreprise répondant à la condition énoncée au premier alinéa du présent 2° est autorisé à séjourner en France sous couvert de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 5° de l'article L. 313-20 ou de la carte de séjour temporaire mentionnée au 3° de l'article L. 313-10. "

3. L'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable, prévoit qu'un titre de séjour d'une période de douze mois, non renouvelable, peut être délivré à l'étranger ayant achevé ses études ou ses travaux de recherche afin de lui permettre de rechercher un emploi ou de créer une entreprise. Cet article précise la nature des différents titres de séjour que l'étranger muni d'un tel titre de séjour peut obtenir de plein droit à l'issue de ces douze mois s'il a obtenu un emploi ou créé une entreprise. Toutefois, ces dispositions ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à ce que le préfet délivre, à la demande de l'étranger, un titre de séjour sur un autre fondement que ceux énoncés à l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'issue de cette période.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". "

5. Pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, le préfet du Rhône s'est fondé sur la circonstance qu'à l'issue de l'année universitaire 2018/2019, l'intéressée, titulaire d'un master 2, a bénéficié d'un titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " signifiant, par cette démarche, qu'elle avait terminé ses études et voulait s'insérer professionnellement en France, et a relevé que la règlementation en vigueur ne prévoyait pas, à l'échéance de ce titre de séjour d'une validité de douze mois, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. En rejetant la demande de Mme A... pour ce seul motif, sans avoir recherché si l'intéressée remplissait les conditions d'obtention d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, et, notamment, si elle justifiait de la réalité de la reprise de ses études et de ressources suffisantes, le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, de celle portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable, et de celles fixant le délai de départ volontaire à quatre-vingt-dix jours ainsi que le pays de renvoi.

7. En application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exécution du présent arrêt implique seulement que la préfète du Rhône réexamine la situation de Mme A.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète du Rhône d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'intéressée renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bernardi, avocate de Mme A..., de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2106382 du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2021 ainsi que les décisions du 26 avril 2021 du préfet du Rhône refusant à Mme A... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et fixant le pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de cette même date.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bernardi, avocate de Mme A..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'intéressée renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2023.

La rapporteure,

Ch. Psilakis

La présidente,

A. Evrard

La greffière,

M.-A. Boizot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02870
Date de la décision : 08/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : BERNARDI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-08-08;22ly02870 ?
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